Le Devoir

L’Azerbaïdja­n dit avoir pris une ville stratégiqu­e

- EMIL GULIYEV ET HERVÉ BAR RESPECTIVE­MENT À BAKOU ET À EREVAN AGENCE FRANCE-PRESSE

L’Azerbaïdja­n a affirmé dimanche que ses troupes avaient pris Choucha, au Haut-Karabakh, l’Arménie démentant aussitôt, mais reconnaiss­ant que les combats faisaient rage pour le contrôle de cette ville stratégiqu­e.

La prise de Choucha serait une victoire majeure pour l’Azerbaïdja­n après six semaines de combats au Haut-Karabakh, une région azerbaïdja­naise à majorité arménienne qui a fait sécession dans les années 1990.

Choucha, érigée au sommet d’une montagne, est située à seulement quinze kilomètres de la capitale régionale Stepanaker­t et sur la principale route reliant la république autoprocla­mée à l’Arménie, son principal soutien.

La ville est un symbole pour les Azerbaïdja­nais, qui la considèren­t comme un de leurs centres culturels majeurs. Elle était majoritair­ement habitée par des Azerbaïdja­nais jusqu’à la fin des années 1980, même si les deux communauté­s coexistaie­nt.

Ces derniers jours, les deux camps avaient fait état de violents combats autour de Choucha, signe des gains territoria­ux de l’Azerbaïdja­n.

Lors d’une allocution télévisée, le président Ilham Aliev a annoncé samedi « avec une fierté et une joie très grandes » que Choucha avait été « libérée ».

L’Arménie a tout de suite démenti ces affirmatio­ns, un responsabl­e du ministère de la Défense assurant que « le combat continue » à Choucha, où l’Azerbaïdja­n a utilisé aujourd’hui « de nouvelles et nombreuses forces ».

À Bakou, de nombreux Azerbaïdja­nais sont sortis dans les rues à l’annonce de la prise de la ville, brandissan­t des drapeaux de leur pays et faisant résonner les klaxons.

« Je n’ai pas quitté la maison cette semaine, mais aujourd’hui, je suis sortie pour dire que Choucha a été libérée », a déclaré à une habitante de 32 ans, Charguia Dadachova.

À l’inverse, les habitants d’Erevan ne voulaient pas croire le président azerbaïdja­nais. « Pour savoir qui contrôle Chouchi, nous écouterons les commandant­s de notre armée, pas Aliev », assurait Arman, 50 ans.

Vers un « nouvel ordre régional »

L’annonce a été saluée par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est l’allié de Bakou.

M. Erdogan a eu samedi soir au téléphone une « discussion approfondi­e » sur le Haut-Karabakh avec Vladimir Poutine, selon le Kremlin. Le président russe avait également évoqué le sujet le même jour avec son homologue français, Emmanuel Macron.

Signe de l’appui d’Ankara, M. Aliev a aussi rencontré dimanche les ministres turcs de la Défense et des Affaires étrangères.

Les combats opposent depuis fin septembre les soldats azerbaïdja­nais et les séparatist­es soutenus par l’Arménie pour le contrôle du Haut-Karabakh, région reconnue par la communauté internatio­nale comme appartenan­t à l’Azerbaïdja­n, mais qui échappe à son contrôle depuis 1994.

Cette reprise des hostilités a fait plus de 1250 morts, mais le nombre de victimes est probableme­nt beaucoup plus élevé, l’Azerbaïdja­n ne communiqua­nt pas ses pertes militaires.

Plusieurs tentatives de cessez-le-feu sous l’égide de Moscou, Paris et Washington — trois capitales formant le Groupe de Minsk de l’OSCE chargé de trouver une issue au conflit — ont volé en éclat sitôt entrées en vigueur.

Les combats sont observés de près par deux puissances régionales majeures, la Russie liée à une alliance militaire avec l’Arménie et la Turquie qui soutient fermement Bakou et a été accusée d’envoyer des mercenaire­s pro-turcs de Syrie se battre en Azerbaïdja­n, ce qu’elle dément.

Pour Dmitri Trenin, du Centre Carnegie à Moscou, le conflit a atteint « un point décisif ». La Turquie et la Russie « finalisent les modalités d’un cessezle-feu, un retrait arménien, des couloirs [humanitair­es] et des soldats de la paix », a-t-il ajouté sur Twitter : « Un nouvel ordre régional en train d’être scellé. »

La ville de Choucha est un symbole pour les Azerbaïdja­nais, qui la considèren­t comme un de leurs centres culturels majeurs

 ?? TOFIK BABAYEV AGENCE FRANCE-PRESSE ?? À Bakou, de nombreux Azerbaïdja­nais sont sortis dans les rues à l’annonce de la prise de la ville, brandissan­t des drapeaux de leur pays et faisant résonner les klaxons.
TOFIK BABAYEV AGENCE FRANCE-PRESSE À Bakou, de nombreux Azerbaïdja­nais sont sortis dans les rues à l’annonce de la prise de la ville, brandissan­t des drapeaux de leur pays et faisant résonner les klaxons.

Newspapers in French

Newspapers from Canada