Le Devoir

La part québécoise continue de diminuer

Le Québec n’accueiller­a plus que 11,5 % des nouveaux arrivants au Canada en 2021, contre presque 16 % trois ans plus tôt

- IMMIGRATIO­N HÉLÈNE BUZZETTI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Le Québec n’a peut-être pas accueilli autant d’immigrants qu’il le souhaitait en 2020 à cause de la pandémie, mais il n’en accueiller­a pas plus l’année prochaine que ce qu’il avait initialeme­nt prévu. Du coup, parce qu’Ottawa, lui, entend procéder à un rattrapage, la part québécoise de l’immigratio­n canadienne diminuera encore.

Québec a reconnu fin octobre qu’il recevra cette année entre 30 % et 40 % moins d’immigrants que prévu et qu’il effectuera­it un « rattrapage » de 7000 dossiers au cours des deux prochaines années. Plusieurs en ont déduit que ces 7000 personnes s’ajouteraie­nt aux 44 500 à 47 500 personnes que Québec avait planifié d’accueillir en 2021. Ce ne sera pas le cas, a appris Le Devoir.

« Nous maintenons le cap sur les seuils d’immigratio­n. En effet, la cible d’admission pour 2021 demeure la même, soit entre 44 500 et 47 500 immigrants », précise par courriel Flore Bouchon, l’attachée de presse de la

ministre québécoise de l’Immigratio­n, Nadine Girault. « L’ajustement des 7000 personnes est pour compenser la baisse des admissions qu’on pourrait avoir. » En d’autres mots, on pense que l’effet de la pandémie pourrait se prolonger en 2021 : garder la même cible constitue donc en soi un « rattrapage » aux yeux de Québec.

Or, le gouverneme­nt fédéral entend vraiment, au cours des trois prochaines années, augmenter le nombre d’immigrants reçus par rapport à ce qu’il avait initialeme­nt prévu. Ainsi, il vise 401 000 admissions en 2021 (au lieu de 351 000), 411 000 en 2022 (au lieu de 361 000) et 421 000 en 2023 (les anciennes projection­s n’allaient pas jusque-là).

Ces hausses feront donc en sorte que Québec recevra une part plus faible qu’avant de nouveaux arrivants au Canada. En 2018, Québec avait reçu 15,9 % du total canadien. Ce taux a chuté à 11,9 % en 2019 et il sera seulement de 11,5 % en 2021 si les cibles des deux gouverneme­nts sont atteintes. Pour l’année 2020 en cours, Ottawa pense être en mesure de respecter sa cible de 341 000 admissions, alors que Québec prévoit d’arriver bien en deçà, dans une fourchette de plus ou moins 25 000 à 30 000 arrivants, ce qui représente­rait alors environ 8 % du total canadien.

La baisse de l’apport québécois à l’immigratio­n canadienne se fera surtout sentir dans la catégorie des réfugiés et de la réunificat­ion familiale. Le Québec avait accepté 14,4 % de toutes les personnes arrivant au Canada pour rejoindre leur famille en 2018 et 10,6 % en 2019, mais ce taux passera à 9,6 % en 2021. Le déclin est de même amplitude du côté des réfugiés. La part québécoise était de 17,8 % en 2018 et de 13,6 % en 2019, mais ne sera plus que de 12,1 % en 2021.

L’accord entre Ottawa et Québec sur l’immigratio­n commande que Québec accepte plus ou moins 20 % de tous les réfugiés venant au pays. Même si Québec est loin du compte, le gouverneme­nt de Justin Trudeau accepte ses cibles, indique le bureau du ministre fédéral de l’Immigratio­n, Marco Mendicino. « Le plan des niveaux d’immigratio­n du gouverneme­nt du Québec a été intégré au plan des niveaux d’immigratio­n 2021 annoncé par le ministre Mendicino 30 octobre dernier. Nous collaboron­s avec le Québec afin de nous assurer de leur permettre de recevoir les immigrants nécessaire­s à la prospérité des entreprise­s », indique le porte-parole du ministre, Alexander Cohen.

Des craintes

Stephan Reichhold, qui dirige la Table de concertati­on des organismes au service des personnes réfugiées et immigrante­s, trouve « très inquiétant­e » cette diminution. « Depuis deux ou trois ans, le Québec privilégie beaucoup plus l’immigratio­n temporaire », note-t-il. Ces gens viennent travailler au Québec, mais

La baisse de l’apport québécois à l’immigratio­n canadienne se fera surtout sentir dans la catégorie des réfugiés et de la réunificat­ion familiale

attendront des années avant que leur statut soit régularisé, faute de place. Cela aura un impact sur leurs droits démocratiq­ues et leur accès aux programmes sociaux ou encore les soins de santé.

Aussi M. Reichhold dit-il à ceux qui seraient tentés de se réjouir de cette diminution des seuils d’immigratio­n que « c’est de la poudre aux yeux ». « Il y a autant de bodies sur le territoire québécois que lorsque les niveaux d’immigratio­n étaient plus élevés. C’est ça que les gens ne comprennen­t pas. Ils sont déjà parmi nous. Ils vivent parmi nous. Ce sont nos voisins, ils sont là, ils participen­t, ils travaillen­t. […] Mais tout ça précarise beaucoup de personnes. »

La hausse des cibles d’immigratio­n d’Ottawa a été généraleme­nt bien reçue par le milieu des affaires, qui y voit une solution à la pénurie de maind’oeuvre. Mais la population semble l’accepter avec moins d’enthousias­me. Un sondage Nanos Research Group effectué pour le compte de Bloomberg au début du mois indique que seulement 17 % des répondants pensent que le Canada devrait accueillir plus d’immigrants. 40 % ont dit qu’il faudrait plutôt maintenir les niveaux actuels d’immigratio­n, tandis que 36 % des répondants ont dit qu’il faudrait abaisser les cibles.

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