Le contrôle du format du débat des chefs échappe aux médias
C’est une commission fédérale qui aura le dernier mot, selon un décret gouvernemental
La tenue du débat des chefs sous l’égide de la Commission des débats lors de la prochaine campagne électorale fédérale est compromise. Sept des médias qui avaient accepté en 2019 d’organiser les face-à-face en collaboration avec cette nouvelle entité créée par Justin Trudeau pourraient la lâcher, indignés que cette dernière s’attribue le droit de choisir le format des débats.
Un décret émis jeudi dernier par Ottawa modifie le rôle de l’organisme fédéral indépendant pour lui conférer la responsabilité « de donner l’approbation finale quant au format et à la production des débats des chefs, tout en respectant l’indépendance journalistique. » Il s’agit d’une demande formulée par la Commission dans son rapport sur sa première expérience d’organisatrice de débats. Le gouvernement renouvelle aussi le mandat de son commissaire, l’ex-gouverneur général David Johnston.
Ce nouveau pouvoir a fait sursauter les médias qui ont participé à l’élaboration du format du dernier rendez-vous télévisuel. Une lettre conjointe datée du 9 septembre et destinée au cabinet du président du Conseil privé, Dominic Leblanc, fait état de leurs craintes d’un « pouvoir accru à la Commission à travers le droit d’approbation finale du format et de la production des débats, ainsi que le choix de l’animateur. » Selon ces médias, cette décision « aura des conséquences négatives non souhaitées sur l’intégrité des médias et sur les débats eux-mêmes. » Selon nos informations, la lettre a été signée par CBC/Radio-Canada, L’Actualité, La Presse, Le Devoir, le Toronto Star et le site HuffPost Canada. Certains des médias qui avaient pris part aux débats de 2019 ne s’y trouvent pas, comme CTV News et Global News.
Or, les médias n’ont rien à craindre de ce nouveau droit de regard sur le format du prochain débat, de l’avis du directeur général de la Commission, Michel Cormier.
« Nous travaillons dans un esprit de collaboration, et on assure que le for
mat respecte l’indépendance journalistique. Les thèmes, le choix de l’animateur, on ne touche pas à ça », garantit l’ancien directeur de l’information de Radio-Canada.
Il explique avoir recueilli les avis de nombreux téléspectateurs insatisfaits du format des derniers débats, notamment du fait que les chefs ne répondaient pas assez aux questions. La Commission, qui continue sa réflexion entre les élections, serait donc mieux placée que les médias participants pour choisir un format qui fera entendre les positions des différents partis politiques.
« Par exemple, on a vu qu’aux États-Unis, on s’est permis de couper le micro des candidats. C’est une nouvelle donne dans les débats. On s’inspire de ce qui se fait ailleurs dans le monde », illustre Michel Cormier, qui laisse entendre que d’autres médias pourraient prendre la relève de la diffusion des prochains débats.
Indépendance
Au cabinet du président du Conseil privé, Dominic Leblanc, on ne se formalise pas non plus de l’insatisfaction des diffuseurs habituels des débats.
« La Commission des débats des chefs a été créée de façon à opérer de manière indépendante, rappelle la porte-parole, Corinne Havard. Nous sommes confiants que la Commission organisera les prochains débats en respectant l’indépendance des journalistes et l’importance de leur rôle dans une société démocratique. »
La Commission des débats des chefs a été mise sur pied pour organiser les plus récents face-à-face des chefs de partis fédéraux durant la campagne électorale de 2019. Lors de l’élection précédente, en 2015, le consortium des médias, organisateurs habituels des débats télévisés, avait été boudé par le premier ministre sortant Stephen Harper, ce qui a eu pour conséquence fâcheuse qu’aucun débat de langue anglaise d’importance n’a été diffusé.