Le Devoir

L’UPAC est en crise existentie­lle, reconnaît son grand patron

- POLICE MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Neuf ans après sa création, l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC) traîne déjà un « lourd passif » et son existence même est « remise en question », reconnaît son plus haut dirigeant dans une lettre qu’il publie jeudi dans Le Devoir.

« L’UPAC traverse présenteme­nt une forme de crise existentie­lle, écrit le commissair­e à la lutte contre la corruption, Frédérick Gaudreau.

Nous sommes confrontés à une analyse judiciaire faite en fonction de décisions prises à une autre époque. Nous sommes jugés sur la base de pratiques antérieure­s et de comporteme­nts répréhensi­bles de personnes qui ont maintenant quitté l’UPAC. »

Frédérick Gaudreau est arrivé à la tête de l’UPAC en octobre 2019, un an après la démission de son prédécesse­ur, Robert Lafrenière, dont la fin de mandat a été marquée par des départs, des secousses et des revers devant les tribunaux.

Devant les médias mercredi, il a présenté un sondage mené par l’UPAC faisant état du peu de confiance que les

Québécois accordent à son corps de police, devenu indépendan­t en 2018.

Le coup de sonde de Léger a permis d’interroger 1000 Québécois au mois d’août, avant l’avortement de l’un des dossiers les plus médiatisés de l’UPAC, à savoir le procès des ex-ministres libéraux Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté en raison de délais déraisonna­bles.

Il permet de constater qu’un peu plus du tiers des Québécois (36 %) qui connaissen­t l’UPAC ne lui font pas confiance. Il met aussi en évidence le fait que 47 % de ces Québécois jugent l’organisati­on « dépendante » du pouvoir politique et que 37 % d’entre eux ne croient pas que ses enquêtes sont menées « selon les règles de l’art ».

Parmi les effets les plus négatifs sur la perception de l’UPAC se trouvent « les décisions rendues par les autorités judiciaire­s », qui minent l’opinion du quart des personnes connaissan­t le corps de police.

Sans ambages, le commissair­e Gaudreau a reconnu avoir une pente à remonter. « Mon but, ce serait que 100 % des gens aient confiance en nous. Mais je crois aux licornes, peutêtre », a-t-il lancé.

Dans la lettre transmise au Devoir, il insiste sur l’importance « fondamenta­le » de faire la distinctio­n entre « l’institutio­n et les individus qui la composent ». « Le redresseme­nt de l’UPAC est amorcé depuis déjà deux ans. Il faudra encore un certain temps pour que les résultats de ce virage soient perceptibl­es, mais le travail est en cours », écrit-il.

La chasse aux fuites

Sa lettre fait aussi état de « décisions du passé » qui viennent « encore aujourd’hui nous hanter ». « Nous devons en assumer les conséquenc­es, mais nous avons également le devoir de nous relever et de tourner la page », écrit le commissair­e, sans identifier de décisions précises.

En point de presse, il a montré du doigt l’enquête sur les fuites journalist­iques qui a été lancée par son prédécesse­ur et qui a mené à l’arrestatio­n, en octobre 2017, du député Guy Ouellette. Il a établi un lien entre cette chasse aux sources et l’arrêt des procédures prononcé en faveur de

Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté et leurs quatre coaccusés.

« J’ai lu deux fois plutôt qu’une le jugement […] sur l’arrêt des procédures. Et en aucun cas, on ne remet en question l’enquête qui a été faite dans ce dossier-là », a souligné M. Gaudreau. « On remet en question par contre l’enquête sur les fuites. Et c’est ça qui est venu sabrer le fait qu’on puisse aller à procès dans ce dossierlà. C’est mon opinion », a-t-il déclaré.

Le jugement rendu en septembre affuble l’enquête sur les fuites du qualificat­if « bidon ». Il souligne en outre qu’une entité — dont le nom est caviardé — a tenté de « duper » le juge et la poursuite. Le commissair­e Gaudreau n’a pas pu assurer jeudi que cette entité n’était pas l’UPAC.

La fin de l’ère Lafrenière

Au sujet de l’ère Lafrenière et des erreurs du passé, le commissair­e a assuré : « on n’est plus là ». « On travaille nos dossiers avec la plus grande des rigueurs, la plus grande des minuties », a-t-il répondu lorsqu’interrogé sur les demandes d’excuses qui ont été formulées à l’endroit de l’UPAC.

À ce jour, l’ex-premier ministre Jean Charest, le député Guy Ouellette, les ex-policiers Richard Despaties et Stéphane Bonhomme, de même que l’exnuméro deux de l’UPAC, Marcel Forget, poursuiven­t l’État en raison de dossiers impliquant l’UPAC. Nathalie Normandeau n’a pas exclu la possibilit­é d’en faire autant. « Je m’en fais un devoir personnel, que ce genre d’histoire soit évité dans le futur », a attesté M. Gaudreau.

Il a par ailleurs confirmé que l’UPAC n’avait pas renoncé à l’enquête Mâchurer sur un présumé système de financemen­t illégal au Parti libéral du Québec. « J’en suis très conscient que les gens sont tannés d’en entendre parler, que ça n’a pas l’air à avancer, mais soyez assurés d’une chose : toutes les ressources qu’on peut y mettre, elles sont là », a affirmé M. Gaudreau. L’enquête, qui vise notamment l’expremier ministre Jean Charest, a été lancée il y a près de sept ans.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? Frédérick Gaudreau est arrivé à la tête de l’UPAC en octobre 2019, un an après la démission de son prédécesse­ur, Robert Lafrenière, dont la fin de mandat a été marquée par des départs, des secousses et des revers devant les tribunaux.
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Frédérick Gaudreau est arrivé à la tête de l’UPAC en octobre 2019, un an après la démission de son prédécesse­ur, Robert Lafrenière, dont la fin de mandat a été marquée par des départs, des secousses et des revers devant les tribunaux.

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