Le Devoir

Les faits priment la personnali­té de Salvail, dit son avocat

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Les accusation­s à l’endroit d’Éric Salvail sont « totalement infondées », a plaidé mercredi son avocat Michel Massicotte. Non pas parce que l’ancien animateur et producteur ne serait pas « le type de personnali­té » à poser des gestes déplacés, mais bien parce que ce qu’on lui reproche précisémen­t ici n’est jamais arrivé.

M. Massicote a lancé en ouverture de sa plaidoirie (le procès se termine jeudi) que la défense n’a « pas l’intention de soutenir qu’Éric Salvail doit être acquitté puisque ce n’est pas dans sa nature de harceler les gens [comme M. Salvail l’a lui-même affirmé lors de son témoignage]. La défense ne repose pas sur le fait qu’il ne possède pas le type de personnali­té » à poser de tels gestes, a-t-il dit.

L’avocat a mis en avant le fait que « le véritable enjeu n’est pas de savoir si Éric Salvail a pu commettre des gestes déplacés, mais bien s’il a commis les gestes reprochés par Donald Duguay », le plaignant de ce dossier.

Ainsi, Michel Massicotte n’a pas souhaité « argumenter sur la contrepreu­ve » déposée lundi par la Couronne. Dans celle-ci, trois nouveaux témoins affirmaien­t avoir été témoins et victimes des débordemen­ts d’Éric Salvail au fil des ans. Ils ont décrit un homme qui fait de l’exhibition­nisme, des propositio­ns indécentes et insistante­s, ou encore des attoucheme­nts.

M. Salvail fait face à des accusation­s de harcèlemen­t, d’agression sexuelle et de séquestrat­ion pour des faits qui seraient survenus en 1993 dans la tour de Radio-Canada.

Une personne qui a réponse à tout, ça peut impliquer » qu’il y a fabricatio­n MICHEL MASSICOTTE

Crédibilit­é

L’avocat Massicotte n’est donc pas revenu là-dessus mercredi matin. Il s’est plutôt concentré à tenter de démontrer le manque de crédibilit­é et de fiabilité du plaignant, qu’il a décrit comme un « narcissiqu­e » ayant « soif de publicité afin de nourrir son ego ».

Selon lui, Donald Duguay est une personne capable de « mentir et de répandre des faussetés », de faire des « affirmatio­ns en l’air », même au sujet de ses « alliés » (la police ou la Couronne). Considéran­t cela, « pouvezvous imaginer le genre d’affirmatio­n qu’il peut faire contre mon client ? » a-t-il demandé au juge.

À son avis, Donald Duguay a livré à la Cour un « témoignage invraisemb­lable, truffé de contradict­ions, d’exagératio­ns et d’ajouts ». Il a évoqué des « carences de tout ordre » qui soulèvent « plus que le doute raisonnabl­e ».

L’avocat a réitéré son scepticism­e devant le « travail sur la mémoire post-traumatiqu­e que M. Duguay a fait avec son psychiatre », et qui lui aurait permis de préciser plusieurs détails à rebours.

Il a notamment relevé qu’il lui semblait « un peu curieux » de voir que Donald Duguay « a toujours une réponse » pour des événements qui seraient survenus il y a plus de 25 ans. « Une personne qui a réponse à tout, ça peut impliquer qu’il y a fabricatio­n », a-t-il dit. À l’inverse, il s’est aussi étonné des éléments moins précis du récit mis en avant par Donald Duguay.

Impossibil­ité

Selon Michel Massicotte, il n’est « pas étonnant [qu’Éric Salvail] ne se souvienne pas d’avoir posé les gestes qu’on lui reproche : c’est que ces gestes et paroles n’ont simplement pas existé ». Cet élément fut au coeur de sa plaidoirie mercredi.

L’avocat s’est beaucoup appuyé sur ce qu’il estime être la « preuve la plus solide » de ce procès — le dossier d’employé de M. Salvail à RadioCanad­a

— pour plaider l’impossibil­ité que les événements se soient produits. L’avocat s’est dit perplexe que la police et la Couronne n’aient pas tenté d’obtenir ce dossier.

La présentati­on du registre des employés avait démontré lors du procès de février que Donald Duguay et Éric Salvail ne travaillai­ent pas en même temps dans les mêmes départemen­ts pour l’essentiel de la période concernée par le procès. Ils ont travaillé au même service entre la mi-juillet et la mi-août 1993.

Cela n’exclut pas qu’ils aient pu autrement se croiser à Radio-Canada, ou que M. Salvail ait pu être présent sur les lieux le 29 octobre 1993 (date de l’agression alléguée). Mais en fonction de ce registre, Michel Massicotte a jugé « invraisemb­lable » l’essentiel du récit de Donald Duguay — autant la fréquence de leurs interactio­ns que les endroits où elles auraient eu lieu, de même que toute la séquence des actions décrites dans l’agression présumée du 29 octobre.

Mais alors que l’avocat décrivait ce qu’auraient dû être à son avis les réactions de M. Duguay durant l’agression présumée, le juge Alexandre Dalmau l’a mis en garde de ne pas « franchir la ligne et dire : “n’importe qui se serait sorti de cette situation ». « Il n’y a pas de façon parfaite ou raisonnabl­e de réagir dans une situation » de ce type, a-t-il dit.

M. Massicotte a conclu en soulignant que « bien des choses ont été dites dans ce dossier fort médiatisé et traitant d’un sujet qui crée énormément de polarisati­on dans la société » — une allusion au mouvement #MeToo. « Mais nous sommes confiants que la décision va être basée sur la preuve », a-t-il dit.

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