De deux à trois ans de plus pour modifier le tracé du tramway
La Ville de Québec pourrait théoriquement revoir la portion est du trajet de tramway vers Charlesbourg pour répondre aux demandes du gouvernement Legault, mais il faudrait reprendre le travail depuis le début.
« Ça prend du temps pour faire ça, ce n’est pas en criant ciseaux qu’on en arrive où on est aujourd’hui », a fait valoir le directeur du Bureau de projet du réseau structurant, Daniel Genest.
Mercredi, le gouvernement a réitéré qu’il souhaitait voir le tracé du tramway revu pour bonifier la desserte des banlieues. Or, selon M. Genest, il est absolument impossible de modifier la portion ouest dans le secteur Le Gendre, car c’est le seul endroit où la Ville peut installer son garage d’entretien de 45 000 mètres carrés.
Le parcours part du terminus Le Gendre, descend vers le sud pour longer le boulevard Laurier, jusqu’à la colline Parlementaire. Il transite ensuite par le quartier Saint-Roch et progresse vers le nord jusqu’au sud du boulevard Louis XIV à Charlesbourg.
À défaut de modifier la portion ouest, il faudrait donc revoir la portion est du trajet, a dit M. Genest. À des journalistes qui lui demandaient si le tramway pourrait, par exemple, rejoindre les secteurs de Lebourgneuf ou D’Estimauville au lieu de Charlesbourg, il a rétorqué que cela faisait partie des « scénarios sur la table ».
Or, dans un cas comme dans l’autre, il faudrait ajouter un délai « d’une trentaine de mois » à l’échéancier, ce qui nous mènerait à une mise en service vers 2029 plutôt que dans six ans.
Daniel Genest, qu’on connaît aussi comme le directeur de projet du nouveau pont Champlain, a tenu ses propos lors d’un long point de presse destiné à répliquer au rapport critique du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE).
La Ville n’avait pas lésiné sur les moyens pour faire valoir ses arguments. Pas moins de huit experts étaient présents à la rencontre, où aucune limite de questions n’avait été fixée pour les médias.
Les intérêts des promoteurs
D’entrée de jeu, le Bureau s’est défendu d’avoir misé sur le secteur Le Gendre comme terminus pour répondre aux intérêts de promoteurs immobiliers.
Dans son rapport, le BAPE déplorait que Chaudière, le seul développement urbain induit par le projet, soit « tributaire des promoteurs immobiliers qui souhaiteront tirer profit d’une nouvelle infrastructure de transport pour développer un secteur actuellement occupé par des espaces naturels ».
Or le Bureau du projet rétorque que la Ville planifie depuis 2005 de développer ce secteur, que les espaces verts qui y seront aménagés sont d’une taille comparable à l’ensemble du parc Maizerets et que les projets de construction qu’elle y projette permettront de répondre à ses besoins démographiques.
D’emblée, il s’agirait du seul endroit le long du parcours avec les 45 000 m2 nécessaires pour implanter son centre d’entretien du tramway. L’autre site prévu auparavant, à la hauteur de la 41e Rue, ne contiendrait que 30 000 m2. Daniel Genest n’a toutefois pas précisé quelle superficie serait nécessaire dans l’éventualité où on réduirait la longueur du tracé, qui est actuellement de 22 kilomètres.
« Colonne vertébrale »
Il faut voir le tramway comme la « colonne vertébrale » du réseau, ont martelé les représentants de la Ville et du Bureau de projet. « Sans cette colonne vertébrale, on ne peut pas amener autant de services et de personnes vers le centre », a notamment déclaré Benoît
Carrier, le responsable de la conception au Bureau de projet.
Le Bureau affirme que les banlieues seront desservies indirectement par le projet via un réseau de métrobus, de voies réservées et d’express qui se déploiera autour du tramway. « Il faut commencer quelque part avec une colonne vertébrale solide, et après on fait des antennes », a ajouté Daniel Genest en citant l’exemple du métro de Montréal et du réseau structurant d’Ottawa.
Concernant l’impact du projet sur l’achalandage dans les transports en commun, l’équipe a expliqué qu’il pourrait augmenter de 30 %. À l’heure actuelle, la part modale du transport en commun à Québec stagne entre 8 et 9 % depuis 20 ans.
Absent à cette présentation, le maire Régis Labeaume n’a pas encore réagi à la décision du gouvernement de rejeter le projet dans sa forme actuelle. Il doit rencontrer les médias à propos d’un autre sujet jeudi. Mercredi, la ministre Geneviève Guilbault a reconnu que ni elle ni ses collègues ministres n’avaient eu l’occasion d’échanger avec lui sur ce sujet délicat depuis l’annonce de mardi. « Ça se fera bientôt », a-t-elle déclaré.