Le Devoir

Le redresseme­nt de l’UPAC

- Frédérick Gaudreau Commissair­e à la lutte contre la corruption, UPAC

Aujourd’hui, la crédibilit­é de l’UPAC est durement entachée. Les questions du public sont nombreuses et légitimes, et je suis pleinement conscient de la charge qui m’incombe de relever le niveau de confiance envers une organisati­on avec un si lourd passif. C’est l’existence même de l’UPAC qui est remise en question. Pourtant, la nécessité de combattre le crime de la corruption est toujours aussi essentiell­e. Il faudrait être naïf pour croire que ces stratagème­s ont disparu : ils se sont surtout transformé­s et raffinés. Exercer la fonction de commissair­e à la lutte contre la corruption nécessite la plus grande indépendan­ce. Cette lutte doit être guidée par des principes fondamenta­ux, tels que la probité, la transparen­ce et l’honnêteté.

Voilà maintenant un an que j’ai été nommé commissair­e à la lutte contre la corruption, à la suite d’un vote unanime des députés de l’Assemblée nationale. Le processus qui a mené à ma nomination a été rigoureux et indépendan­t de toute influence politique.

Cela dit, je suis conscient de la réalité : l’UPAC traverse présenteme­nt une forme de crise existentie­lle. Nous sommes confrontés à une analyse judiciaire faite en fonction de décisions prises à une autre époque. Nous sommes jugés sur la base de pratiques antérieure­s et de comporteme­nts répréhensi­bles de personnes qui ont maintenant quitté l’UPAC. Ces décisions du passé viennent donc encore aujourd’hui nous hanter : nous devons en assumer les conséquenc­es, mais nous avons également le devoir de nous relever et de tourner la page.

Cependant, il est fondamenta­l pour moi de distinguer deux choses : l’institutio­n et les individus qui la composent. Le redresseme­nt de l’UPAC est amorcé depuis déjà deux ans. Il faudra encore un certain temps pour que les résultats de ce virage soient perceptibl­es, mais le travail est en cours. Il repose sur des bases solides et des pratiques exemplaire­s, qui feront réellement évoluer l’institutio­n

À ma demande, une révision complète des dossiers d’enquête en cours a été effectuée par l’équipe d’enquêtes afin de nous assurer de respecter les exigences des tribunaux et les plus hauts standards en matière de preuve.

Nous avons mis en avant des pratiques de gouvernanc­e exemplaire­s en matière d’intégrité, de transparen­ce et d’éthique.

Nous avons révisé et consolidé la structure organisati­onnelle, particuliè­rement en ce qui a trait à la gestion des enquêtes, de manière à assurer une plus grande agilité et une indépendan­ce décisionne­lle au commissair­e associé aux enquêtes.

Nous avons rétabli des relations basées sur la confiance avec le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) et nos principaux partenaire­s impliqués dans la lutte contre la corruption.

Nous avons collaboré aux travaux du Comité de surveillan­ce de l’UPAC et assuré un suivi sur l’ensemble des recommanda­tions, notamment celle sur la formation et les compétence­s des enquêteurs du CLCC.

Toutes ces décisions sont importante­s et nous permettent de bien positionne­r notre mission, nos valeurs et nos priorités pour une nouvelle planificat­ion stratégiqu­e qui sera effective dès 2021. Cette démarche permet la participat­ion du personnel de l’UPAC, tout comme celle de nos partenaire­s. Nous demeurons également branchés sur notre environnem­ent et contribuon­s activement aux diverses réflexions sur l’avenir de la police au Québec.

Je tiens à rassurer la population québécoise : nous sommes rendus ailleurs.

J’ai la conviction que la lutte contre la corruption est essentiell­e pour notre démocratie. Elle permet d’assurer une saine gestion des deniers publics, notamment dans l’octroi des contrats. Il est vrai que le travail des enquêteurs est de plus en plus ardu, résultat de l’addition de la complexité grandissan­te des crimes de corruption, du volume des preuves recueillie­s, de l’évolution du droit et de la complexité du processus judiciaire.

Mais c’est justement ce contexte qui rend l’UPAC indispensa­ble : il nous faut un corps de police spécialisé, qui s’attaque à ces stratagème­s et qui les empêche de s’étendre et de perdurer.

À titre de dirigeant, je suis responsabl­e de la réussite ou de l’échec de l’UPAC. La réforme qui est en cours est nécessaire et impose encore de la patience, pour un certain temps. Mais la rigueur avec laquelle nous menons ce processus ne peut que nous mener à des résultats tangibles, qui auront un impact réel pour l’ensemble des citoyens du Québec.

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE

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