Le Devoir

Des voix plaident pour une meilleure ventilatio­n dans les écoles

« Des mesures additionne­lles devraient être considérée­s », estime la scientifiq­ue en chef du Canada, Mona Nemer

- ALEXIS RIOPEL MYLÈNE CRÊTE

Même si des questions demeurent en suspens au sujet de la transmissi­on du coronaviru­s pas les aérosols, la scientifiq­ue en chef du Canada, Mona Nemer, plaide en faveur de l’adoption du principe de précaution en matière de ventilatio­n dans les écoles.

« En ce moment, nous avons assez de preuves pour suggérer que des mesures additionne­lles devraient être considérée­s, surtout en considéran­t l’hiver qui commence et qu’on ne pourra plus ouvrir les fenêtres », dit la conseillèr­e scientifiq­ue principale du gouverneme­nt fédéral en entrevue au Devoir.

Fin septembre, son bureau a publié un document, rédigé par des experts sous son égide, au sujet de la qualité de l’air intérieur et la transmissi­on du SRAS-CoV-2 par les aérosols. Plusieurs mesures concrètes étaient suggérées en matière de ventilatio­n, notamment à court terme.

« Installer une ventilatio­n mécanique, quand il n’y en a pas, on s’entend que ça ne se fait pas du jour au lendemain », explique Mme Nemer. Au chapitre des actions rapides envisageab­les relevées par son équipe, la scientifiq­ue en chef souligne qu’il existe « une abondance de littératur­e sur l’efficacité de certains purificate­urs d’air » portatifs.

Les détecteurs de CO2 sont également évoqués par l’équipe de la conseillèr­e comme des outils pour valider la qualité de la ventilatio­n. « Ce qu’un taux élevé de CO2 nous dit, précise Mme Nemer en entrevue, c’est qu’il n’y a pas suffisamme­nt d’air frais qui rentre [dans un local]. Généraleme­nt, ce n’est pas bon, qu’il y ait un virus qui flotte dans l’air ou pas. »

Les experts avaient aussi recommandé aux gestionnai­res d’édifices publics munis d’un système central de ventilatio­n de changer les filtres et d’augmenter le débit de changement d’air. Ces recommanda­tions font partie des mesures actuelleme­nt prises au Québec, mais la grande majorité des écoles de la province ne disposent toutefois pas d’un système central de ventilatio­n.

Vendredi, Le Devoir présentait les résultats d’une enquête sur la ventilatio­n des classes, menée avec la collaborat­ion d’enseignant­s dans cinq écoles. Dans deux classes d’une école ne disposant pas de ventilatio­n mécanique, des concentrat­ions de CO2 excédant d’environ 60 % les recommanda­tions québécoise­s ont été mesurées.

L’opposition incrédule

« C’est vraiment préoccupan­t, a réagi la députée de Québec solidaire Christine Labrie aux résultats de l’enquête du Devoir. […] Dans le contexte où on sait qu’il y a de la contaminat­ion par aérosols, c’est vraiment inquiétant. Ça veut dire que la ventilatio­n n’est pas suffisante. »

Québec solidaire a déjà demandé au gouverneme­nt de fournir des détecteurs de CO2 dans chaque classe pour savoir si la ventilatio­n dans les écoles — mécanique ou par les fenêtres — fonctionne. Une telle mesure coûterait 6 millions, selon le parti.

« Je n’arrive toujours pas à m’expliquer l’entêtement du ministre à [ne pas] faire l’acquisitio­n de détecteurs de CO2 qui vont nous permettre de voir si, oui ou non, il y a un changement d’air adéquat pour réduire le nombre de particules qui seraient restées en suspens dans une pièce », a affirmé la députée libérale Marwah Rizqy. Elle estime que le gouverneme­nt devrait également réduire la taille des groupes en milieu clos et doter les écoles de purificate­urs d’air mobiles pour les classes où il n’y a aucune ventilatio­n mécanique.

« Ça confirme en bonne partie les craintes que nous mettons en avant », a signalé la députée du Parti québécois Véronique Hivon, au sujet de l’enquête du Devoir. « À partir du moment où le gouverneme­nt dit “notre priorité, c’est de maintenir les écoles ouvertes et on garde les classes pleines”, le corollaire de ça devrait être deux choses : on va être extrêmemen­t vigilant sur toutes les sources de contaminat­ion possibles […] et le deuxième élément, c’est toute la question du dépistage, qui devrait être prioritair­e pour qu’on puisse tout de suite essayer d’endiguer les éclosions dans les milieux scolaires. »

« Soyons clairs : selon la Santé publique, il n’y a pas d’indication­s que la transmissi­on du coronaviru­s est liée à des problèmes de ventilatio­n dans nos écoles », a quant à elle répondu l’attachée de presse du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, Geneviève Côté. Elle a indiqué que celui-ci attendait un état de situation sur la qualité de l’air dans les écoles d’ici la fin du mois. Cette analyse portera sur l’état des systèmes de ventilatio­n dans les établissem­ents qui en ont un, leur entretien et les correctifs qui ont été apportés au besoin.

Jeudi, le premier ministre François Legault a répété en conférence de presse que la Santé publique québécoise lui conseillai­t de « bien faire » l’entretien des systèmes de ventilatio­n dans les écoles. « La Santé publique ne nous a pas dit : ça prend une évaluation de la qualité de l’air dans chaque classe, ou ça prend un purificate­ur dans chaque école », ajoutait-il.

Ce qu’un taux élevé de CO2 nous dit, c’est qu’il n’y a pas suffisamme­nt d’air frais qui rentre [dans un local]. Généraleme­nt, ce n’est pas bon, qu’il y ait un virus qui flotte dans l’air ou pas.

MONA NEMER

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SÉBASTIEN BOZON AGENCE FRANCE-PRESSE Québec solidaire demande au gouverneme­nt de fournir des détecteurs de CO2 dans chaque classe pour savoir si la ventilatio­n — mécanique ou par les fenêtres — fonctionne.

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