Une période des Fêtes atypique guette les commerçants
Les Canadiens prévoient de dépenser moins en général, et de plus en plus en ligne
La période des Fêtes s’annonce bien différente des autres années en raison de la pandémie. Habituellement, les mois de novembre et de décembre constituent un moment de l’année charnière pour les finances des commerces. Or, le coup que la crise a porté au portefeuille des ménages, conjugué à l’absence de possibilité de se rassembler, limite les occasions de dépenses des consommateurs.
Cette année, par exemple, les Canadiens n’auront pas à débourser pour une tenue de soirée ou pour des échanges de cadeaux en vue du prochain party de bureau entre collègues. « Il y aura une incidence sur les dépenses totales durant le temps des Fêtes, qui pourraient être moins importantes que d’habitude », croit JoAnne Labrecque, professeure de marketing spécialisée en commerce de détail à HEC Montréal. Les données d’un récent sondage Léger, réalisé avec le Conseil canadien du commerce de détail, vont dans le même sens. En moyenne, les Canadiens prévoient d’allouer 693 $ à leur budget des Fêtes cette année, par rapport à 792 $ l’année dernière — une différence de 100 $.
Essor des achats en ligne
Mais si l’enveloppe du budget des Fêtes pourrait diminuer, la façon de consommer des Canadiens pourrait aussi être affectée. En raison de la crise sanitaire actuelle, des clients préfèrent se tourner vers les services en ligne, très populaires en ce moment.
Postes Canada rapporte que « les achats en ligne ont augmenté depuis l’arrivée de la pandémie » et on ne s’attend pas « à ce que les volumes diminuent de sitôt, surtout à l’approche de la Cybersemaine, qui comprend le Vendredi fou et le Cyberlundi (27 et 30 novembre), et de la période des Fêtes ». Selon le sondage Léger, 42 % des Canadiens ont l’intention de faire leurs achats des Fêtes en ligne cette année, comparativement à 28 % en 2019.
En octobre, le Prime Day d’Amazon a d’ailleurs lancé le départ officieux de la saison d’achats du temps des Fêtes.
Une étude de la firme Numerator révèle que 36 % des ménages américains ont fait des achats sur la plateforme à l’occasion du Prime Day, comparativement à 23 % l’an dernier — ce qui représente une croissance importante.
Les petites entreprises à risque ?
Le tiers de ces acheteurs du Prime Day affirment avoir commandé des cadeaux pour le temps des Fêtes — signe qu’une partie des achats de Noël ont été devancés. Ils sont toutefois près de 9 sur 10 à affirmer qu’ils prévoient de faire de nouveau des achats sur Amazon pour le temps des Fêtes.
« Pour beaucoup d’entreprises, la pandémie a accéléré de façon très marquée le virage numérique », rapporte Charles Desjardins, président et directeur général d’Absolunet, une agence spécialisée dans le commerce électronique. Toutefois, les petites et moyennes entreprises sont loin d’ignorer la compétition que représentent pour elles les mastodontes des ventes en ligne. Selon un sondage publié en octobre par la FCEI, « 88 % des propriétaires de PME affirment que la position dominante des géants du commerce en ligne, tels qu’Amazon, menace les petites entreprises canadiennes ».
Le temps des Fêtes correspond au moment de l’année qui scelle le sort de nombreux petits détaillants. « Pour plusieurs commerçants, le Vendredi fou représente la période faisant la transition entre la simple couverture des coûts fixes et la rentabilité », explique Mme Labrecque. Par ailleurs, « le commerce en ligne comporte des revers pour certaines PME », rappelle la professeure de HEC. « Ce n’est pas rentable pour toutes les entreprises, car cela s’accompagne de coûts additionnels, notamment pour ce qui est de la main-d’oeuvre, de l’emballage et de la livraison », ajoute-t-elle.
Chrystian Forget, contrôleur financier chez Benjo, un magasin de jouets à Québec, constate que les habitudes de consommation ont changé cette année. « Il y a beaucoup plus de gens qui achètent en ligne. On observe une diminution de 50 % des gens en magasin, mais ça se transforme en ventes Web. » L’entreprise possède un nouveau site Internet depuis un peu plus d’un an. « C’est encore difficile d’évoluer si le modèle de ventes en ligne est rentable pour nous, mais on reste très confiants », explique M. Forget.
Il y a tout de même quelques inquiétudes par rapport à l’affluence pour le Vendredi fou. « C’est difficile de prévoir comment les gens vont magasiner. » Alors « on fait des promotions en tout temps pour attirer les gens », explique M. Forget. Un pari payant, puisque « les clients ont été au rendez-vous en magasinant plus tôt cette année ».