Le Devoir

Un puissant levier de changement

- CATHERINE LEFEBVRE | COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Choisir ses aliments, cuisiner, manger : trois grands plaisirs pour nombre d’entre nous. Encore faut-il avoir une certaine connaissan­ce des aliments et de l’alimentati­on pour pouvoir les apprécier réellement, faire les bons choix et se tourner peut-être plus souvent vers le fourneau que vers les plats ultratrans­formés. Ces plats en effet moins santé constituen­t une grande partie du panier d’épicerie des Québécois, nous apprend entre autres l’organisme 100° — une initiative de M361 ancienneme­nt connu sous le nom de Québec en forme — qui vient de publier un important dossier sur la littératie alimentair­e au Québec. Tour d’horizon.

Selon Santé Canada, « la littératie alimentair­e inclut les compétence­s et les pratiques alimentair­es apprises et utilisées tout au long de la vie pour se débrouille­r dans un environnem­ent alimentair­e complexe. Elle prend en compte les facteurs d’ordre social, culturel, économique et physique liés à l’alimentati­on ». Concrèteme­nt, cela se traduit par un éventail de connaissan­ces, comme les techniques culinaires, la compréhens­ion de l’informatio­n nutritionn­elle et la planificat­ion des achats en respectant un budget.

Portrait de la situation au Québec

D’entrée de jeu, on prend connaissan­ce dans le dossier de 100° de statistiqu­es désolantes concernant les habitudes alimentair­es des Québécois. Par exemple, il y a eu une baisse de 7 % du nombre d’adolescent­s consommant suffisamme­nt de fruits et légumes (de 33 % à 26 %) entre 2010 et 2017. De plus, 80 % de la population québécoise consomme trop de sucre. Ces données ne font qu’effleurer la pertinence de la littératie alimentair­e pour contribuer au « savoir-manger ».

La nutritionn­iste Marie Marquis, directrice du Départemen­t de nutrition de l’Université de Montréal, y explique que la littératie alimentair­e « nous guide dans nos achats alimentair­es et nous permet notamment d’avoir un regard critique sur la provenance des aliments et l’omniprésen­ce des aliments transformé­s ». En effet, 33 % du panier d’épicerie des Québécois se compose d’aliments ultra-transformé­s (boissons sucrées, confiserie­s, repas prêt-à-manger…).

Les conséquenc­es chez les jeunes et les adultes

Mettre l’éducation alimentair­e des jeunes à l’avant-plan dans les écoles, les camps de jour et les centres de jeunesse contribue à l’apprentiss­age de toutes les sphères de la littératie alimentair­e. Sans connaissan­ces de base, les aliments deviennent des objets, des produits de consommati­on comme les autres, selon Lucie Sauvé, professeur­e associée à l’UQAM, et fondatrice du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnem­ent et à l’écocitoyen­neté. « Les jeunes ne saisissent plus ce lien fondamenta­l qu’ils entretienn­ent avec le monde vivant au travers de leur alimentati­on », explique-t-elle dans le dossier. Ainsi, les enfants et les adolescent­s ignorent qu’une partie des aliments qu’ils consomment ont été considérab­lement transformé­s par l’industrie. Pour pallier cette situation inquiétant­e aux yeux des experts en alimentati­on, il faut ainsi inclure des notions d’histoire, d’agricultur­e ou de jardinage dans les projets éducatifs.

Chez les adultes, les enjeux sont différents, mais tout aussi importants. Selon un sondage Léger, effectué pour 100° en 2019, 79 % des répondants — des parents d’enfants de 18 ans et moins — aiment cuisiner et ils cuisinent au moins une fois par semaine. Sans surprise, le manque de temps représente toutefois le plus grand frein à la cuisine maison pour la majorité des répondants (71 %). Viennent ensuite les enjeux financiers liés aux coûts des aliments (34 %) et le manque de connaissan­ce pour cuisiner (20 %). Or, il n’est pas étonnant de constater la place qu’occupent les aliments ultra-transformé­s dans le panier d’épicerie des Québécois.

Devant la situation actuelle, que faire pour améliorer le niveau de littératie alimentair­e au Québec ? Marie Marquis croit que cela est une responsabi­lité partagée entre les parents et l’État. Mais pour apprendre, il faut que les connaissan­ces soient bien vulgarisée­s et accessible­s à tous. « Il n’y a rien de pire que d’essayer de transmettr­e aux familles des messages trop complexes ou culpabilis­ants, souligne-t-elle. Il faut prendre les familles là où elles en sont et les accompagne­r progressiv­ement vers notre objectif, qui est de développer chacune des composante­s de la littératie alimentair­e. »

33 % du panier d’épicerie des Québécois se compose d’aliments ultratrans­formés (boissons sucrées, confiserie­s, repas prêt-à-manger…)

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