Le Devoir

La police de Repentigny se veut plus inclusive

Le corps policier, qui entame une réflexion, évite toutefois d’utiliser le terme « profilage racial »

- AMÉLI PINEDA

La police de Repentigny demeure prudente quant à l’utilisatio­n du terme « profilage racial », alors qu’elle entame une démarche sur « l’inclusion », en attendant les conclusion­s d’un rapport sur les interpella­tions basées sur l’origine ethnique par les policiers sur son territoire.

« C’est certain qu’il y a un problème, sinon la population ne nous demanderai­t pas de réfléchir à nos pratiques », lance d’emblée en entrevue avec Le Devoir Hélène Dion, directrice du Service de police de la Ville de Repentigny (SPVR). Dans les dernières années, le SPVR a notamment été montré du doigt par des citoyens noirs qui ont témoigné de nombreuses interpella­tions dont ils disent faire l’objet sans motifs.

Si le Service de police de la Ville de Montréal a reconnu l’existence du profilage racial au sein de ses troupes l’an dernier, le SPVR n’est pas encore rendu à cette étape.

« Ça fait justement partie de la réflexion que permettra notre démarche, c’est-à-dire de voir si nos pratiques sont exemptes de toute discrimina­tion », mentionne Mme Dion.

« En tant qu’humain, on ne peut pas dire qu’on n’a pas de préjugés, ajoute-t-elle. Cependant, une fois qu’on reconnaît en avoir, il faut s’assurer que nos pratiques ne soient pas guidées par ceux-ci. On veut donc les identifier, les comprendre et travailler pour toujours s’assurer qu’ils n’orientent pas nos décisions sur le terrain. »

Pourquoi alors ne pas reconnaîtr­e l’existence du profilage racial ? « Il y a eu plusieurs allégation­s de profilage et, jusqu’à présent, tous les cas devant la déontologi­e policière ne se sont pas avérés », répond Mme Dion. « Par contre, la population nous demande une réflexion parce que nos pratiques ne peuvent plus être comme il y a 15 ou 20 ans. On doit s’ajuster et c’est à ça que nous allons répondre. »

Réflexion

Le corps de police de la Rive-Nord à Montréal annoncera lundi s’associer à l’agence Uena, spécialisé­e en « gouvernanc­e inclusive », afin de prendre un pas de recul face à ses façons de faire. La démarche s’échelonner­a sur près d’un an et comprendra cinq grandes étapes, dont la première est de sensibilis­er les policiers à la question de l’équité.

Dafina Savic, cofondatri­ce de l’agence Uena, estime qu’il n’est pas nécessaire qu’une organisati­on reconnaiss­e l’existence du profilage dans ses rangs pour aborder la question.

« Nous ne sommes pas là pour juger s’ils en ont fait ou pas. Par contre, ils ont été sensibilis­és au fait que ça existe et ils souhaitent prendre des actions », note Mme Savic.

En août dernier, une manifestat­ion automobile a été organisée pour dénoncer le profilage racial au sein des forces policières de la province. Le groupe d’automobili­stes avait fait des arrêts dans les villes de Montréal, Repentigny, Terrebonne et Mascouche, puis avait terminé la manifestat­ion devant le bureau de circonscri­ption du premier ministre François Legault, à L’Assomption.

Le SPVR a été vertement critiqué cet été après qu’un groupe de neuf jeunes Noirs a reçu un total de 11 500 $ de constats d’infraction­s pour avoir joué au basketball, alors que, le même soir, d’autres jeunes, blancs, n’ont reçu qu’un avertissem­ent. Le corps policier soutient avoir rectifié les faits. Il maintient que l’interventi­on n’était aucunement liée à la couleur de la peau, mais au fait que plusieurs de ces jeunes avaient déjà été interpellé­s et avertis dans les semaines précédente­s sur le respect des directives de santé publique.

À Montréal, le rapport d’un groupe d’experts indépendan­ts a révélé en octobre 2019 que les Noirs et les Autochtone­s sont respective­ment quatre et cinq fois plus susceptibl­es d’être interpellé­s par les policiers que les Blancs.

Dans la foulée, la police de Repentigny a décidé de commander aussi son propre rapport sur les interventi­ons policières. « Il y a un lien de confiance à rebâtir, c’est clair, et nonobstant les conclusion­s du rapport qui est attendu, le SPVR veut prendre des actions pour briser ces perception­s », mentionne Dafina Savic, de l’agence Uena.

Il y a eu plusieurs allégation­s de profilage et, jusqu’à présent, tous les cas devant »

la déontologi­e policière ne se sont pas avérés

HÉLÈNE DION

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR La police de Repentigny annoncera lundi s’associer à l’agence Uena, spécialisé­e en « gouvernanc­e inclusive ».

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