Le Devoir

Le camp du président sortant épris de recours

La campagne de Donald Trump espère mettre au jour des fraudes massives. Mais ses nombreuses tentatives restent pour l’instant infructueu­ses.

- ISABELLE HANNE

Des poursuites ont été rejetées par des juges pour absence de preuves ou abandonnée­s par l’équipe de campagne de Trump elle-même. Un avocat s’est trompé de tribunal dans le Michigan pour déposer un recours. Un cabinet a demandé à se retirer d’une affaire en Pennsylvan­ie. Voilà à quoi ressemble la guérilla judiciaire du président sortant, à peine deux semaines après l’élection.

Difficile d’être à jour, tant l’équipe de campagne de Trump a multiplié les fronts, cherchant à arrêter le décompte des bulletins ou à bloquer la certificat­ion des résultats dans cinq États clés remportés par son rival démocrate, Joe Biden : Wisconsin, Michigan, Pennsylvan­ie, Arizona et Géorgie. Plus de 30 recours ont été déposés par la campagne de Trump ou ses alliés. Jusqu’ici, le clan du président a perdu dans 20 procédures, selon l’avocat Marc Elias, fondateur de Democracy Docket, une organisati­on progressis­te de défense des droits civiques.

Haut-parleur

Pour espérer changer l’issue du vote, l’équipe Trump doit parvenir à prouver l’existence de « fraudes massives ».

Mais des responsabl­es des élections des deux bords politiques, des agences fédérales et des observateu­rs internatio­naux ont confirmé que le scrutin n’avait fait l’objet d’aucune irrégulari­té sérieuse. La campagne du républicai­n a pointé des problèmes communs à toutes les élections, concernant les signatures sur les bulletins, les enveloppes ou les cachets de la poste… Elle soutient que les règles du vote par correspond­ance, qui varient d’un État à l’autre, violent l’égale protection des électeurs garantie par la Constituti­on. Un argument sans fondement juridique, assurent les experts, qui rappellent

que les États-Unis sont dotés d’un système électoral très décentrali­sé. L’équipe de Trump prétend aussi que ses observateu­rs ont été empêchés de surveiller correcteme­nt le processus électoral dans certains États.

Mercredi, la campagne pour la réélection de Trump a demandé, pour cette raison, à un juge fédéral de prendre une mesure draconienn­e : bloquer la certificat­ion des résultats de l’élection dans le Michigan, remporté par Joe Biden avec près de 148 000 voix d’avance. L’équipe promettait même des preuves « choquantes ». Finalement, une déclaratio­n sous serment de 230 pages, compilatio­n de doléances d’observateu­rs républicai­ns : l’un s’est « senti intimidé par un représenta­nt syndical » qui l’observait, un autre se plaint d’avoir été « perturbé » par le volume trop élevé d’un haut-parleur…

Dans l’Arizona, Kory Langhofer, un avocat représenta­nt la campagne de Trump, a reconnu qu’il ne s’agissait « pas d’une affaire de fraude » : « Nous ne disons pas que quiconque essaie de voler l’élection », a-t-il affirmé, évoquant de possibles « erreurs de bonne foi » dans le décompte. « La multiplica­tion des recours en justice est une stratégie désespérée qui cherche à saper le processus démocratiq­ue, dit, agacé, John Powers, juriste au Lawyers’ Committee for Civil Rights Under Law, spécialist­e du droit électoral. Les électeurs se sont exprimés, l’élection est terminée. Ces procédures n’ont rien donné, même devant des juges conservate­urs nommés par des républicai­ns. Elles ne sont justifiées par aucun fait, aucune preuve, aucun précédent, et elles n’auront aucun effet sur le résultat de l’élection. »

Complot

La seule procédure significat­ive en cours, un recomptage manuel des bulletins en Géorgie, a été décidée par le républicai­n Brad Raffensper­ger, secrétaire d’État de Géorgie, à cause du faible écart entre les deux candidats : 14 000 voix d’avance pour Biden. L’issue de cette procédure coûteuse, laborieuse et inédite ne changera rien au résultat final, car le président élu dispose, avec ou sans cet État, des 270 grands électeurs nécessaire­s pour accéder à la Maison-Blanche.

Donald Trump propage une nouvelle théorie du complot sur des machines de vote Dominion utilisées aux États-Unis, affirmant sans preuve qu’elles ont « effacé » des bulletins ou les ont « changés » en faveur de Biden. « Il n’existe aucune preuve d’un système de vote ayant effacé, perdu ou changé des bulletins, ou ayant été piraté de quelque façon que ce soit », ont affirmé jeudi dans un communiqué des autorités électorale­s locales et nationales, dont l’Agence de cybersécur­ité et de sécurité des infrastruc­tures, dépendant du départemen­t de la Sécurité intérieure. « L’élection du 3 novembre a été la plus sûre de l’histoire des États-Unis. » Qu’importe : à la manifestat­ion de samedi, à Washington, des pancartes exigeaient « l’arrestatio­n des directeurs du logiciel Dominion ».

 ?? JEFF KOWALSKY AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Une foule s’est rassemblée samedi devant le capitole de Lansing au Michigan, un État dans lequel plusieurs actions judiciaire­s ont été intentées par le camp de Donald Trump, pour exiger que soit stoppé « le vol électoral ».
JEFF KOWALSKY AGENCE FRANCE-PRESSE Une foule s’est rassemblée samedi devant le capitole de Lansing au Michigan, un État dans lequel plusieurs actions judiciaire­s ont été intentées par le camp de Donald Trump, pour exiger que soit stoppé « le vol électoral ».

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