Le camp du président sortant épris de recours
La campagne de Donald Trump espère mettre au jour des fraudes massives. Mais ses nombreuses tentatives restent pour l’instant infructueuses.
Des poursuites ont été rejetées par des juges pour absence de preuves ou abandonnées par l’équipe de campagne de Trump elle-même. Un avocat s’est trompé de tribunal dans le Michigan pour déposer un recours. Un cabinet a demandé à se retirer d’une affaire en Pennsylvanie. Voilà à quoi ressemble la guérilla judiciaire du président sortant, à peine deux semaines après l’élection.
Difficile d’être à jour, tant l’équipe de campagne de Trump a multiplié les fronts, cherchant à arrêter le décompte des bulletins ou à bloquer la certification des résultats dans cinq États clés remportés par son rival démocrate, Joe Biden : Wisconsin, Michigan, Pennsylvanie, Arizona et Géorgie. Plus de 30 recours ont été déposés par la campagne de Trump ou ses alliés. Jusqu’ici, le clan du président a perdu dans 20 procédures, selon l’avocat Marc Elias, fondateur de Democracy Docket, une organisation progressiste de défense des droits civiques.
Haut-parleur
Pour espérer changer l’issue du vote, l’équipe Trump doit parvenir à prouver l’existence de « fraudes massives ».
Mais des responsables des élections des deux bords politiques, des agences fédérales et des observateurs internationaux ont confirmé que le scrutin n’avait fait l’objet d’aucune irrégularité sérieuse. La campagne du républicain a pointé des problèmes communs à toutes les élections, concernant les signatures sur les bulletins, les enveloppes ou les cachets de la poste… Elle soutient que les règles du vote par correspondance, qui varient d’un État à l’autre, violent l’égale protection des électeurs garantie par la Constitution. Un argument sans fondement juridique, assurent les experts, qui rappellent
que les États-Unis sont dotés d’un système électoral très décentralisé. L’équipe de Trump prétend aussi que ses observateurs ont été empêchés de surveiller correctement le processus électoral dans certains États.
Mercredi, la campagne pour la réélection de Trump a demandé, pour cette raison, à un juge fédéral de prendre une mesure draconienne : bloquer la certification des résultats de l’élection dans le Michigan, remporté par Joe Biden avec près de 148 000 voix d’avance. L’équipe promettait même des preuves « choquantes ». Finalement, une déclaration sous serment de 230 pages, compilation de doléances d’observateurs républicains : l’un s’est « senti intimidé par un représentant syndical » qui l’observait, un autre se plaint d’avoir été « perturbé » par le volume trop élevé d’un haut-parleur…
Dans l’Arizona, Kory Langhofer, un avocat représentant la campagne de Trump, a reconnu qu’il ne s’agissait « pas d’une affaire de fraude » : « Nous ne disons pas que quiconque essaie de voler l’élection », a-t-il affirmé, évoquant de possibles « erreurs de bonne foi » dans le décompte. « La multiplication des recours en justice est une stratégie désespérée qui cherche à saper le processus démocratique, dit, agacé, John Powers, juriste au Lawyers’ Committee for Civil Rights Under Law, spécialiste du droit électoral. Les électeurs se sont exprimés, l’élection est terminée. Ces procédures n’ont rien donné, même devant des juges conservateurs nommés par des républicains. Elles ne sont justifiées par aucun fait, aucune preuve, aucun précédent, et elles n’auront aucun effet sur le résultat de l’élection. »
Complot
La seule procédure significative en cours, un recomptage manuel des bulletins en Géorgie, a été décidée par le républicain Brad Raffensperger, secrétaire d’État de Géorgie, à cause du faible écart entre les deux candidats : 14 000 voix d’avance pour Biden. L’issue de cette procédure coûteuse, laborieuse et inédite ne changera rien au résultat final, car le président élu dispose, avec ou sans cet État, des 270 grands électeurs nécessaires pour accéder à la Maison-Blanche.
Donald Trump propage une nouvelle théorie du complot sur des machines de vote Dominion utilisées aux États-Unis, affirmant sans preuve qu’elles ont « effacé » des bulletins ou les ont « changés » en faveur de Biden. « Il n’existe aucune preuve d’un système de vote ayant effacé, perdu ou changé des bulletins, ou ayant été piraté de quelque façon que ce soit », ont affirmé jeudi dans un communiqué des autorités électorales locales et nationales, dont l’Agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures, dépendant du département de la Sécurité intérieure. « L’élection du 3 novembre a été la plus sûre de l’histoire des États-Unis. » Qu’importe : à la manifestation de samedi, à Washington, des pancartes exigeaient « l’arrestation des directeurs du logiciel Dominion ».