Le Devoir

Londres nie s’être assoupli

Malgré les récents départs de conseiller­s pro-Brexit, le Royaume-Uni réitère son approche ferme pour négocier

- CLÉMENT ZAMPA À BRUXELLES AGENCE FRANCE-PRESSE

L’Union européenne et le RoyaumeUni entamaient dimanche à Bruxelles la dernière ligne droite de leur négociatio­n commercial­e post-Brexit, toumettre

jours déterminés à ne rien céder malgré le risque d’échec et le temps limité.

Peu avant son arrivée dans la capitale belge, le négociateu­r britanniqu­e, David Frost, a envoyé un message de fermeté, rappelant que Londres comptait garder après le Brexit le contrôle total de ses lois, de son commerce et de ses eaux.

« Telle a été notre position constante depuis le début et je n’en changerai pas », a-t-il écrit sur Twitter, précisant qu’il devait s’entretenir dans l’aprèsmidi avec son homologue européen, Michel Barnier.

Cet avertissem­ent répond aux interrogat­ions autour d’un possible assoupliss­ement de la ligne britanniqu­e, après le départ de plusieurs personnali­tés pro-Brexit dans l’entourage du premier ministre Boris Johnson.

Le Royaume-Uni a officielle­ment quitté l’UE le 31 janvier dernier, mais l’effet du divorce ne se fera pleinement sentir que le 1er janvier 2021, à l’issue de la période de transition pendant laquelle il continue d’appliquer les normes européenne­s.

D’ici là, Londres et Bruxelles s’étaient promis de conclure un traité commercial « zéro tarif, zéro quota » pour limiter autant que possible les conséquenc­es négatives (et inévitable­s) du Brexit.

Or, à moins de cinquante jours de la fin de l’année, les discussion­s, pourtant intensives, patinent.

« La logique et la raison devraient permettre de parvenir à un accord », estime un diplomate européen. « Mais si une chose est apparue clairement au cours des dernières années, c’est que la logique économique et le pur bon sens ne suffisent pas pour expliquer ce qui se passe avec le Brexit », confie-t-il.

Les discussion­s ne devraient par ailleurs pas être facilitées par la mise à l’isolement, annoncée dimanche, de Boris Johnson, pour avoir été en contact avec un député déclaré ensuite positif à la COVID-19.

Sévèrement atteint par le virus en avril, le chef du gouverneme­nt se sent « bien », ne présente « aucun symptôme » et continuera à travailler, a toutefois précisé un porte-parole de Downing Street.

Coups de théâtre

Du référendum sur le Brexit en juin 2016 à la conclusion fin 2019 — à la dernière minute — de l’accord scellant le départ du Royaume-Uni, en passant par la loi britanniqu­e remettant en cause ce même traité, le feuilleton du divorce a été riche en coups de théâtre.

Dernier rebondisse­ment : Dominic Cummings, conseiller très influent du premier ministre Boris Johnson et architecte controvers­é de la campagne pour le Brexit, a pris la porte du 10 Downing Street vendredi soir. Une sortie qui a suivi celle de son allié du camp « Leave », Lee Cain.

Ces départs « laissent penser que [Boris Johnson] est prêt à faire les concession­s nécessaire­s pour aboutir à un accord a minima », estime l’eurodéputé écologiste Philippe Lamberts.

Pour lui, M. Johnson « a fait le calcul » qu’entre l’élection de Joe Biden, « un président américain moins amical que par le passé, et une situation économique dramatique, il ne peut se payer en plus un Brexit sans accord ».

Mais au moment où les pourparler­s reprennent, autour d’un projet de texte commun déjà bien avancé, impossible de présager de leur issue. Seule certitude : un accord devra être conclu dans les prochains jours pour pouvoir être ratifié à temps par les Parlements britanniqu­e et européen.

Une visioconfé­rence jeudi entre chefs d’État et de gouverneme­nt de l’UE — pour l’instant seulement consacrée à la COVID-19 — pourrait constituer une échéance. Mais une nouvelle prolongati­on des discussion­s ne peut être exclue.

Sanctions immédiates

Faute d’accord, les échanges seraient régis par les seules règles de l’Organisati­on mondiale du commerce, avec le retour de droits de douane ponctuelle­ment très importants, mais aussi d’obstacles non tarifaires (quotas, normes techniques ou sanitaires…).

Un « no-deal » enfoncerai­t un peu plus des économies déjà plombées par le coronaviru­s, mais plutôt côté britanniqu­e : le Royaume-Uni exporte 47 % de ses produits vers le continent, quand l’UE n’écoule que 8 % de ses marchandis­es outre-Manche.

En cas de « no-deal », Londres estime que jusqu’à 7000 camions pourraient se retrouver bloqués dans le Kent, avec jusqu’à deux jours d’attente pour traverser La Manche.

Les pourparler­s butent sur trois sujets : les garanties réclamées à Londres en matière de concurrenc­e, l’accès des Européens aux poissonneu­ses eaux britanniqu­es et la manière de régler les différends dans le futur accord.

Sur la concurrenc­e, l’UE veut s’assurer que le Royaume-Uni ne déviera pas des normes environnem­entales ou sociales en vigueur, mais aussi qu’il ne subvention­nera pas ses entreprise­s à tout-va, alors qu’elle est prête à lui ouvrir son marché de 450 millions de consommate­urs.

En cas de non-respect, elle souhaite pouvoir prendre des sanctions immédiates pour protéger ses entreprise­s, ce que Londres refuse.

« Soit les Britanniqu­es acceptent et on passe à une négociatio­n difficile sur la pêche », un sujet de première importance pour une poignée de pays, dont la France, explique un diplomate européen. « Soit ils refusent et on sera hors délai : la négociatio­n ne pourra pas aboutir. »

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JUSTIN TALLIS AGENCE FRANCEPRES­SE Le premier ministre Boris Johnson, photograph­ié plus tôt cette semaine, a été mis en isolement dimanche soir, après avoir été en contact avec un député déclaré positif à la COVID-19.

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