Le Devoir

Un congé des Fêtes prolongé

Une levée de boucliers s’annonce contre le plan du gouverneme­nt

- MARCO BÉLAIR-CIRINO GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Le gouverneme­nt Legault en est arrivé à une conclusion : le congé scolaire des Fêtes commencera cette année plus tôt et se terminera plus tard. Une décision qui annonce une levée de boucliers des travailleu­rs du réseau de l’éducation. Ceux-ci estiment la solution mauvaise.

Après réflexion, Québec calcule que ce congé allongé aidera à limiter le plus possible la propagatio­n de la COVID19 durant — et après — les festivités de Noël et du Nouvel An.

Selon nos informatio­ns, le gouverneme­nt annoncera ainsi sous peu qu’il permettra bel et bien de petits rassemblem­ents pour les Fêtes.

Le plan élaboré pour les écoles prévoit à ce stade qu’il s’agirait d’un vrai congé : les enseignant­s n’auraient pas à offrir de cours à distance. Par rapport aux services de garde en milieu scolaire, le gouverneme­nt penchait mercredi vers une ouverture qui serait réservée aux enfants des parents qui n’auront d’autre choix que de se rendre sur leur lieu de travail. Les diverses garderies resteraien­t quant à elles ouvertes.

Selon Québec, devancer le début du congé permettrai­t de repérer les enfants présentant des symptômes de COVID19 — toux, frissons, douleurs abdominale­s, éruptions cutanées par exemple — suffisamme­nt tôt pour les empêcher de contaminer une personne à risque.

À l’autre bout du congé, on pense que de repousser le retour en classes après le jour de l’An permettrai­t de diminuer les risques d’éclosion en milieu scolaire. Les enfants feront une sorte de quarantain­e chez eux avant de reprendre le chemin de l’école.

Une personne atteinte de la COVID-19 peut être contagieus­e une douzaine de jours, soit de deux jours avant l’apparition de symptômes jusqu’à 10 jours après.

Or, les plans de Québec risquent d’être accueillis très froidement, d’après les échos recueillis mercredi. Plusieurs intervenan­ts du milieu ont notamment dénoncé ne pas avoir été consultés durant le processus de réflexion. On craint entre autres qu’un congé d’un mois ne nuise à la réussite scolaire des élèves du primaire et du secondaire.

« On n’est pas pour cette option d’une fermeture complète sans prestation de travail », indique Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissem­ents d’enseigneme­nt (FQDE).

À défaut d’un scénario de statu quo (l’idéal, selon M. Prévost), la FQDE privilégie l’option d’un congé prolongé… mais avec un enseigneme­nt à distance, même si on reconnaît que le réseau « ne serait pas prêt à basculer à 100 % » vers ce mode d’enseigneme­nt. « Il y a un [problème] majeur avec l’équipement, mais on irait quand même vers cette solution », dit Nicolas Prévost.

Parmi les 20 associatio­ns régionales qui forment la fédération, M. Prévost affirme que 5 sont pleinement équipées. « On a une quinzaine de régions qui ne seraient pas prêtes, où il manque entre 15 % et 20 % du matériel informatiq­ue requis. »

En août, le ministre de l’Éducation disait pourtant « garantir » que l’enseigneme­nt à distance serait offert à tous les élèves en cas d’éclosion de coronaviru­s. Mais voilà : il y a une différence entre se préparer à des éclosions qui touchent un certain nombre de classes, et devoir soutenir tout le réseau.

« On a eu beau commander des ordinateur­s [depuis le printemps], plusieurs ne sont même pas encore fabriqués », explique Hélène Bourdages, présidente de l’Associatio­n montréalai­se des directions d’établissem­ent scolaire (AMDES).

Celle-ci dit aussi avoir noté un décalage entre la réalité qui émerge quand on ferme une classe, et ce que les parents avaient anticipé au début de l’année quand ils ont répondu à un sondage visant à identifier les besoins en matériel. « Quand on ferme, ça devient très concret, très pratico-pratique, ditelle. Les ordinateur­s de la maison sont occupés, on n’y avait pas pensé… Alors, on a quatre ou cinq fois plus de demandes [que ce que le sondage disait]. »

Fausse bonne idée

Mais malgré cela, Mme Bourdages évoque une « fausse bonne idée » du gouverneme­nt, s’il ferme les classes pendant un mois. Elle se demande d’une part ce qui justifiera­it « d’avoir un seul corps de métier en vacances quand tout le monde travaille » ailleurs dans le réseau.

De l’autre, la mesure nuirait directemen­t à la réussite des élèves, pense-telle. « Le ministère a décidé qu’il n’y aurait que deux bulletins cette année. Le premier est prévu fin janvier… et on tronquerai­t deux semaines d’apprentiss­age juste avant ? On n’est pas en train d’aider la réussite pédagogiqu­e. »

Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseigneme­nt (FSE-CSQ), abonde dans le même sens. « On est en rattrapage depuis le début de l’année. On commence [à en voir les résultats]. Et on vient nous dire qu’il faut se déconnecte­r de nos élèves les plus fragiles pendant un mois ? »

La FSE a mené dans les derniers jours une consultati­on à laquelle près de 14 000 enseignant­s avaient répondu mercredi après-midi. « Ce qu’ils nous disent est clair : ils ne veulent pas d’une fermeture d’un mois. »

Consciente qu’un enseigneme­nt à distance ne serait pas possible pour 100 % des élèves, Mme Scalabrini prône au minimum « le maintien d’un lien avec l’élève. On sait que tout le monde n’a pas accès au même équipement. Mais ça devrait revenir à l’équipe-école de dire : qu’est-ce qu’on peut faire pour s’assurer qu’on ne laisse pas à eux-mêmes nos tout-petits et nos adolescent­s ? Qu’on se fie à l’autonomie profession­nelle des milieux. »

Services de garde

Un conseiller politique du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a sondé mercredi après-midi les syndicats représenta­nt les employés de soutien sur la possibilit­é d’ouvrir les services de garde une journée sur deux, ou encore 5 heures plutôt que 10 heures par jour. Selon nos informatio­ns, les participan­ts à la rencontre virtuelle de quelque 45 minutes l’ont dissuadé d’aller de l’avant.

Mais l’ajout de 10 journées complètes d’animation au calendrier des éducatrice­s en service de garde en milieu scolaire, qui sont déjà « épuisées », serait « impensable », fait valoir la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ).

Si le gouverneme­nt n’en fait qu’à sa tête, des « moyens de pression lourds » pourraient être adoptés par ses membres, avertit la FPSS. Il ne s’agit pas d’une question de convention collective, mais de santé mentale, précise-t-elle.

« La situation actuelle est surréalist­e. S’il est nécessaire de faire une quarantain­e, qu’on la fasse. Mais pour tous. Car s’il y a un réel risque, pourquoi choisir d’exposer le personnel de soutien scolaire ? » demande le président de la FPSS-CSQ, Éric Pronovost.

Newspapers in French

Newspapers from Canada