Le Devoir

Le français comme exigence pour obtenir la citoyennet­é ?

Le Bloc a déposé un projet de loi en ce sens qui sera débattu à Ottawa jeudi

- BORIS PROULX CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Devrait-on refuser l’obtention de la citoyennet­é aux nouveaux arrivants installés au Québec sous le prétexte qu’ils ne parlent pas français ? Une propositio­n du Bloc québécois à l’histoire singulière est présentée comme un test pour le gouverneme­nt Trudeau quant à son engagement envers le français dans la province.

Les députés fédéraux débattront jeudi d’un projet de loi bloquiste qui vise à exiger une « connaissan­ce suffisante » du français pour les candidats à la citoyennet­é canadienne au Québec. L’obtention de la citoyennet­é demande déjà, à l’heure actuelle, la maîtrise de l’une des deux langues officielle­s du pays.

Une version précédente de ce projet n’avait pourtant même pas eu le droit d’être discutée par les élus il y a deux ans, lors de la précédente législatur­e. Le sous-comité chargé de la procédure à Ottawa, à majorité libérale, avait alors empêché tout débat sur la propositio­n, sous le prétexte qu’elle était anticonsti­tutionnell­e.

Test de la Charte

« Les libéraux sont maintenant minoritair­es. Ils n’ont pas pu bloquer le projet de loi », explique le député bloquiste de la Pointe-de-l’Île, Mario Beaulieu, auteur du texte ainsi ressuscité. Avec pour preuve un avis juridique que Le Devoir a pu consulter, il assure que la propositio­n passerait le test des tribunaux, contrairem­ent à l’avis de ses opposants politiques en novembre 2018. Deux constituti­onnalistes consultés ne le contredise­nt pas.

« L’idée d’exiger une condition linguistiq­ue n’est pas étrangère au droit canadien. Rien ne saute aux yeux qui contrevien­drait à la Charte canadienne des droits et libertés », croit Patrick Taillon, professeur de droit constituti­onnel à l’Université Laval. « S’il y avait une volonté politique, personnell­ement, je ne vois pas d’enjeu sur la question constituti­onnelle », confirme le constituti­onnaliste Benoit Pelletier, de l’Université d’Ottawa.

Sur le plan politique, toutefois, l’idée risque de faire grincer des dents.

« Je pense aux demandeurs d’asile, aux gens qui sont plus vulnérable­s, qui n’ont pas pu apprendre le français. Ça aurait comme conséquenc­e de les laisser dans un statut temporaire [de résident permanent], sans accès au passeport ou au droit de vote », a par exemple dit Guillaume Cliche-Rivard, président de l’Associatio­n québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigratio­n.

Le Bloc québécois, lui, compte utiliser ce projet de loi pour tester l’authentici­té du changement de discours du Parti libéral, récemment plus loquace sur le renforceme­nt du français dans la province. Hier, Justin Trudeau a par exemple reconnu en Chambre l’importance « que le Québec soit avant tout francophon­e » et a dit appuyer la loi 101 « dans ce qu’elle fait au Québec ».

« Si le premier ministre reconnaît que le fait français est menacé […] vat-il dire à son caucus de voter en faveur de la loi emmenée demain par le Bloc québécois ? » a demandé le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, lors de la période des questions.

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