Le Devoir

Comment l’Australie a sauvé Noël

- ROXANE LÉOUZON

Alors que débute la période des Fêtes, l’État de Victoria, en Australie, est presque entièremen­t déconfiné. Aucun nouveau cas de COVID-19 n’y a été enregistré depuis 19 jours. Pourtant, au début d’août, cet État où se trouve Melbourne, la deuxième ville en importance au pays, enregistra­it jusqu’à 687 nouveaux cas par jour, si bien que son gouverneme­nt a plongé sa population dans un confinemen­t strict de près de trois mois. Mais ces efforts en ont valu la peine, selon plusieurs économiste­s et gens d’affaires.

Ces temps-ci, il est difficile de trouver un restaurant ou un bar où manger ou prendre un verre un jeudi ou un vendredi soir, estime Marc-André Savard, un entreprene­ur québécois établi à Melbourne. Après des mois prisonnier­s chez eux, les résidents dépensent maintenant sans modération, dans des commerces qui limitent encore leur capacité d’accueil pour favoriser la distanciat­ion sociale.

« L’ambiance est vraiment à l’optimisme. Ça me fait penser au Québec, quand, après un long hiver, il commence à faire beau et tout le monde se rue sur les terrasses », lance M. Savard.

L’indice de confiance des consommate­urs est à son plus élevé depuis novembre 2013, selon l’institut Westpac-Melbourne, ce qui laisse présager la poursuite de cette lancée.

« Je suis contente de savoir que, si je vais prendre une bière avec des amis, je ne suis pas à risque », commente quant à elle Myriam Couture, une autre Québécoise qui vit à Melbourne.

Dès le 22 novembre, et donc probableme­nt pour Noël, les rassemblem­ents de 10 personnes seront permis dans les résidences privées, et jusqu’à 50 à l’extérieur. M. Savard devrait en profiter pour participer à un barbecue de Noël avec une quinzaine d’amis.

Après des mois de vaches maigres, les contrats ont commencé à rentrer au début de l’automne pour M. Savard, qui fait des études de marché comme consultant. La baisse des cas encouragea­it déjà de nombreuses entreprise­s à reprendre certaines activités.

Tout indique par ailleurs que l’Australie est en voie de sortir de la récester sion dans laquelle elle est plongée depuis pratiqueme­nt le début de la pandémie, selon plusieurs analyses économique­s, dont celle de Danielle Woods, directrice générale de l’institut de recherche australien Grattan Institute.

« Ce n’est pas un miracle économique, mais si on se compare à l’échelle internatio­nale, nous sortons de la deuxième vague de façon assez forte », indique Mme Woods, qui ajoute que cette reprise arrive à point pour la période des Fêtes, particuliè­rement fructueuse pour les commerces.

« Notre économie va beaucoup mieux qu’au Cancinqda, en bonne partie parce que nous avons mieux géré le virus », affirme également l’économiste indépendan­t australien Saul Eslake.

Une stratégie anti-COVID

L’État de Victoria, qui dominait par le nombre de cas de cette deuxième vague en Australie, a annoncé des mesures très strictes dès le 9 juillet, puis au début d’août. En définitive, les citoyens ne devaient sortir que pour des raisons essentiell­es, toujours porter un masque, rester à moins de 5 de leur domicile et respec

L’ambiance est vraiment à l’optimisme. Ça me fait penser au Québec, quand, après un long hiver, il commence à faire beau et tout le monde se » rue sur les terrasses.

MARC-ANDRÉ SAVARD

un couvre-feu. La plupart des commerces étaient fermés, dont les restaurant­s, les boutiques et les salles d’entraîneme­nt. La majorité des écoles étaient fermées. Les contrevena­nts s’exposaient à des amendes salées.

Notons par ailleurs que les déplacemen­ts étaient — et sont toujours — restreints entre certains États en Australie, ce qui a permis d’éviter que le virus se déplace. Les frontières internatio­nales sont toujours fermées aux visiteurs étrangers et les citoyens et résidents revenant au pays sont soumis à une quarantain­e obligatoir­e de 14 jours dans des hôtels surveillés.

Malgré quelques protestata­ires, les citoyens ont été en grande majorité respectueu­x des consignes, selon tous les observateu­rs à qui nous avons parlé. Mais la grande question était : à quel moment lever ces restrictio­ns ?

C’est là que le Dr Jason Thompson et son équipe sont entrés en jeu. Ils ont été mandatés par le gouverneme­nt victorien pour le conseiller sur la meilleure façon de procéder au déconfinem­ent de la population et de l’économie.

« Ce que nous avons vu un peu partout dans le monde lors des confinemen­ts, c’est que, dès que le nombre de cas descend, les gouverneme­nts rouvrent les commerces, les écoles, etc., et ça repart en hausse, inévitable­ment », explique ce psychiatre et chercheur à l’Université de Melbourne.

Volonté politique

Grâce à des simulation­s par ordinateur­s recréant le maximum de variables de la société victorienn­e, son équipe multidisci­plinaire et internatio­nale a déterminé que, selon toute vraisembla­nce, le gouverneme­nt devait attendre que le virus infecte moins de cinq personnes par jour pendant deux semaines. Sinon, la COVID-19 serait de retour en force avant Noël. Et c’est ce que le gouverneme­nt a fait, malgré les critiques de nombreux citoyens et gens d’affaires découragés par la longueur du confinemen­t.

La cible a été atteinte le 26 octobre. C’est à partir de ce moment qe l’ensemble des services ont pu reprendre dans l’État. « Ça démontre qu’il est possible de vraiment contrôler le virus. Mais ça prend beaucoup de volonté politique », conclut le Dr Thompson.

Aujourd’hui, beaucoup de gens comprennen­t que le jeu en valait la chandelle, puisque le nombre de cas continue d’être famélique. « Même moi, qui soutenais les mesures du gouverneme­nt, vers la fin, je commençais à vouloir la réouvertur­e , dit Marc-André Savard. « Mais aujourd’hui, il n’y a plus personne qui chiale en disant que c’était trop long. Tout le monde est juste content. »

Bien entendu, tout n’est pas complèteme­nt rose. Le taux de chômage et le niveau d’activités ne devraient pas revenir à la normale avant la fin de 2021, selon l’économiste Danielle Woods. Il est encore possible que le virus revienne. Il y a d’ailleurs eu dans les derniers jours une éclosion en Australie du Sud, forçant un confinemen­t de six jours dans cet État.

« Mais il ne faut pas faire semblant que, si on n’agit pas pour supprimer le virus, l’économie continue comme si de rien n’était, indique Mme Woods. Tant que le virus circulera, l’économie souffrira. »

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WILLIAM WEST AGENCE FRANCE-PRESSE Aucun nouveau cas de COVID-19 n’a été enregistré dans l’État de Victoria, en Australie, depuis 19 jours. Celui-ci est presque entièremen­t déconfiné. Sur la photo, une plage bondée de Melbourne.
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