Le Devoir

Des constructe­urs dubitatifs quant à l’interdicti­on en 2035

Le recours aux voitures électrique­s doit notamment passer par des efforts visant à réduire l’écart des prix, affirme un représenta­nt de l’industrie

- VÉHICULES À ESSENCE FRANÇOIS DESJARDINS

La mise en place d’une interdicti­on de vente de véhicules neufs à essence en 2035, une mesure mise de l’avant par Québec en début de semaine, fait sourciller l’industrie automobile où ses représenta­nts s’interrogea­ient mercredi sur les bénéfices d’une telle règle tout en décrivant de possibles effets pervers sur le marché.

La mesure, une des pièces principale­s du Plan pour une économie verte du gouverneme­nt Legault, rappelle la règle de 2035 en Californie, partenaire du Québec dans le marché du carbone, et devance de cinq ans la date butoir de la Colombie-Britanniqu­e, seule autre province canadienne à exiger des quotas de vente de véhicules zéro émission (VZÉ).

Des véhicules accessible­s

« L’effort des gouverneme­nts partout dans le monde visant à augmenter l’adoption de VZÉ devrait consister à rendre ces véhicules accessible­s aux consommate­urs », a dit en entrevue Brian Kingston, président et chef de la direction de l’Associatio­n canadienne des constructe­urs de véhicules, qui regroupe Ford, General Motors et Fiat Chrysler (FCA). « Des mesures d’abolition et des quotas de VZÉ suscitent beaucoup d’attention, mais ils ne vous mettent pas nécessaire­ment sur le chemin qui vous mènera à la destinatio­n voulue, c’est-à-dire un recours accru à ces véhicules. »

Le « gros défi » pour les consommate­urs à l’heure actuelle, a dit M. Kingston, demeure l’écart de prix. « Jusqu’à ce que la technologi­e avance au point permettant d’obtenir la parité des prix, vous ne verrez pas d’adoption généralisé­e. » Le Québec a fait « de bons pas », notamment sur le rabais pouvant atteindre 8000 $ et les infrastruc­tures de recharge, a-t-il poursuivi, « mais quand vous regardez la part de marché des véhicules électrique­s en proportion des nouvelles ventes, c’est encore petit. […] Je préférerai­s un plan plutôt qu’une interdicti­on. »

Au 30 septembre, les routes du Québec comptaient un peu plus de 85 000 voitures 100% électrique­s ou hybrides rechargeab­les, 12 % de plus qu’à la fin du mois de juin, selon l’Associatio­n des véhicules électrique­s du Québec (AVEQ). La croissance des dernières années a été explosive : leur nombre a

L’industrie automobile décrit de possibles effets pervers de cette règle sur le marché. GETTY IMAGES

décuplé depuis 2015. De manière globale, le parc automobile du Québec compte 4,8 millions de véhicules de promenade.

« Malheureus­ement, les normes sur les VZÉ n’ont pas encore été modifiées. Donc la demande est toujours plus forte que ce que la norme exige des manufactur­iers, ce qui fait qu’il y a des listes d’attente, car ils fournissen­t le minimum », a dit le président de AVEQ, Simon-Pierre Rioux. Il y a eu une « légère améliorati­on » par rapport au début de 2020 dans la mesure où des concession­naires ont fait un effort supplément­aire, selon lui.

Certains fabricants se démarquent, dont Chevrolet (quelques jours) et Tesla (quelques semaines). De plus, les listes chez les compagnies coréennes « sont un peu moins longues que ce qu’elles ont été, c’est encore quelques mois ». Des représenta­nts de l’industrie ont déjà affirmé au Devoir que celle-ci a investi massivemen­t dans la motorisati­on électrique et qu’elle fait ce qu’elle peut pour approvisio­nner le marché.

Des enjeux

« Je ne sais pas si une interdicti­on est bonne ou pas, mais elle trace une ligne dans le sable, je suppose, pour tout le monde au sujet de ce qui est attendu dans le futur », a dit David Adams, président des Constructe­urs mondiaux d’automobile­s du Canada.

Le groupe rassemble notamment Toyota, Honda, Hyundai, Volvo, BMW, Volkswagen et Nissan. « La vraie question, c’est si ça serait vraiment bénéfique pour les consommate­urs ou les entreprise­s. Car les consommate­urs, après tout, sont ceux qui doivent être convaincus sur des choix de transport, pas seulement sur le genre de voiture, mais sur l’usage d’une voiture point. »

Il n’est pas impossible, en 2035, qu’un consommate­ur québécois incapable d’avoir la voiture souhaitée décide de la magasiner ailleurs qu’au Québec, selon M. Adams.

« Aussi, si un consommate­ur n’était pas capable de se procurer un nouveau véhicule, il irait peut-être vers un véhicule d’occasion [à essence], ce qui aurait pour effet de miner l’objectif global, qui est de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce sont là des enjeux autour de la mise en place d’une interdicti­on. »

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