Le Devoir

Le conflit entre GardaWorld et la Caisse de dépôt expliqué

- CLÉMENCE PAVIC

Depuis plusieurs semaines, la tension monte entre GardaWorld et la Caisse de dépôt et placement du Québec concernant le dossier de la société britanniqu­e G4S. Michel Nadeau, expertcons­eil à l’Institut sur la gouvernanc­e, revient sur les origines du conflit en entrevue avec Le Devoir.

Qui sont les acteurs impliqués dans ce dossier ?

Les acteurs impliqués dans ce dossier sont les trois plus grands [acteurs] mondiaux dans le domaine de la sécurité, du gardiennag­e et de la surveillan­ce : G4S, GardaWorld et Allied Universal Security.

La société britanniqu­e G4S est le plus important de ces [acteurs]. C’est une firme qui opère sur six continents et emploie 610 000 personnes, dont 9000 Canadiens. Cependant, l’entreprise a connu beaucoup de problèmes et le rendement n’a pas été au rendezvous dans les dernières années. La société est désormais convoitée par deux potentiels acquéreurs que sont GardaWorld et Allied Universal Security, entreprise dans laquelle la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) détient 35 % des parts.

L’entreprise GardaWorld est basée à Montréal et compte 102 000 employés déployés sur cinq continents, tandis que Allied Universal Security est une firme américaine qui emploie 200 000 personnes, mais qui est seulement présente en Amérique du Nord. Les deux veulent acquérir G4S, avec comme ambition de devenir le numéro un mondial dans le domaine de la sécurité privée.

Que s’est-il passé dans les dernières semaines ?

En juillet, la Caisse a offert à GardaWorld de l’aider à acquérir G4S grâce à une offre en actions privilégié­es de plus de 1 milliard $US, malgré le fait que la Caisse détienne des parts dans Allied Universal Security. C’est le rôle de la Caisse de contribuer au développem­ent des entreprise­s québécoise­s. Toutefois, GardaWorld a finalement décliné l’offre de financemen­t.

Fin septembre, GardaWorld a déposé une offre ferme pour acquérir l’entièreté des actions de G4S pour une valeur estimée à 5,2 milliards $ CAD (soit 190 pence par action). Cette offre a été rejetée, tout comme celle d’Allied Universal Security, déposée fin octobre, qui valorisait G4S à environ 5,7 milliards $CAD (soit 210 pence par ac

GardaWorld et Allied Universal Security veulent acquérir G4S, avec comme ambition de devenir le numéro un mondial dans le domaine de la » s écurité privée

MICHEL NADEAU

tion). Dans les deux cas, G4S a décliné les offres, estimant qu’elles n’étaient pas assez élevées. On peut s’attendre à ce qu’il y ait une surenchère dans les prochaines semaines.

Lundi, en entrevue à Radio-Canada, Stéphan Crétier, président et directeur général de Garda World a dénoncé le rôle de la Caisse dans le dossier G4S, lui demandant « d’arrêter de nuire à Garda World avec une offre concurrent­e ». Toutefois, en tant qu’actionnair­e minoritair­e d’Allied Universal, la Caisse n’a pas le pouvoir d’empêcher l’entreprise américaine de déposer une offre d’achat pour G4S. Le même jour, la CDPQ a envoyé une mise en demeure à l’attention de Garda World, dénonçant « le procès d’intention que livre Garda à la Caisse sur la place publique depuis plusieurs semaines » et réclamant que l’entreprise cesse « d’émettre toute déclaratio­n mensongère eu égard au rôle joué par la Caisse » dans le dossier G4S.

Qu’en pense le gouverneme­nt du Québec ?

Mardi, le ministre de l’Économie du Québec, Pierre Fitzgibbon, a affirmé qu’il aimerait que GardaWorld puisse mettre la main sur G4S afin que Montréal devienne le siège de la plus importante entreprise dans le domaine de la sécurité. Le ministre a même proposé l’aide d’Investisse­ment Québec. Toutefois, le premier ministre Legault a déclaré qu’il n’a pas l’intention de s’immiscer dans le conflit opposant GardaWorld à la CDPQ, malgré l’appel de M. Crétier pour qu’il intervienn­e dans ce dossier.

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Michel Nadeau, expert-conseil à l’Institut sur la gouvernanc­e

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