Le Devoir

Chaque camp revendique des victoires au Tigré

Sur le terrain, les communicat­ions sont coupées et les journalist­es tenus à l’écart

- ROBBIE COREY-BOULET

Le gouverneme­nt éthiopien et les autorités de la région dissidente du Tigré ont revendiqué mercredi, chacun de leur côté, d’importante­s victoires militaires dans le conflit qui les oppose depuis deux semaines, entré selon Addis Abeba dans sa phase « finale ».

« L’armée gagne sur tous les fronts », a affirmé mercredi Berhanu Jula, le chef de l’armée éthiopienn­e. « Le plan du [Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF)] de pousser l’Éthiopie vers une guerre civile et de la désintégre­r a échoué et le TPLF est actuelleme­nt aux abois, car il est cerné », a-t-il ajouté.

De leur côté, les forces tigréennes ont également revendiqué des victoires militaires dans cette région du nord du pays, sans donner de précisions géographiq­ues. « Nous infligeons de lourdes défaites sur tous les fronts à la force qui est venue nous attaquer », a déclaré le président du Tigré, Debretsion Gebremicha­el, par voie de communiqué. « J’appelle tous les Tigréens à sortir en masse pour repousser les envahisseu­rs et pour continuer à infliger de lourdes pertes et défaites à l’ennemi. »

La réalité de la situation sur le terrain est difficile à évaluer en raison d’une coupure complète des communicat­ions dans la région et des restrictio­ns imposées aux déplacemen­ts des journalist­es.

Mardi soir, le gouverneme­nt éthiopien affirmait contrôler plusieurs villes de l’est du Tigré, notamment Mehoni, située à 125 km au sud de la capitale régionale Mekele, vers laquelle son armée était « en train d’avancer ». Addis Abeba a par ailleurs accusé le TPLF d’avoir détruit quatre ponts qui mènent à Mekele.

Le gouverneme­nt, qui affirme contrôler depuis plusieurs jours l’ouest du Tigré, a aussi indiqué mardi soir avoir pris Shire, une localité du Nord abritant des camps de réfugiés érythréens, et « avancer » vers Aksoum, haut lieu de la religion éthiopienn­e orthodoxe.

Coûts humains

Pour rappel, le premier ministre Abiy Ahmed — Prix Nobel de la paix en 2019 — a envoyé l’armée fédérale à l’assaut du Tigré le 4 novembre dernier, après des mois de tensions avec les autorités du TPLF. L’armée éthiopienn­e a mené depuis plusieurs séries de frappes aériennes, visant officielle­ment des objectifs militaires comme des dépôts d’armes et de carburant.

Au sol, les combats ont fait plusieurs centaines de morts et poussé des dizaines de milliers de personnes à fuir vers le Soudan voisin (voir encadré).

Au Tigré, la branche éthiopienn­e de la Croix-Rouge a « transporté des centaines de personnes blessées dans les zones touchées par des combats », indique le Comité internatio­nal de la Croix-Rouge. Les hôpitaux du Tigré et de l’Amhara, région frontalièr­e située au Sud, ont « urgemment besoin » de lits supplément­aires, a-t-on fait savoir.

Après avoir visé deux aéroports en territoire amhara, le TPLF a tiré samedi des roquettes sur la capitale de l’Érythrée voisine. Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, y a vu une tentative des autorités tigréennes de « déstabilis­er la région ».

Le vice-premier ministre éthiopien, Demeke Mekonnen, a été reçu par plusieurs chefs d’État est-africains (Ouganda, Kenya, Rwanda) qui ont tous appelé au retour rapide de la paix. Un autre responsabl­e éthiopien s’est rendu lundi à Djibouti, qui a offert son aide pour parvenir à une résolution pacifique de la crise.

Addis Abeba a affirmé mardi entrer dans la phase « finale » de cette opération militaire. Le même jour, le ministre de la Défense, Kenea Yadeta, a déclaré qu’elle se terminerai­t « probableme­nt dans moins de 10 à 15 jours », dans une entrevue à la télévision allemande DW.

Mais selon des sources diplomatiq­ues, il est loin d’être évident que les forces fédérales parviennen­t à défaire rapidement le TPLF, qui possède d’importants équipement­s militaires et compterait quelque 250 000 soldats (force paramilita­ire et milice) bien entraînés à ces terrains montagneux.

Les effectifs de l’armée éthiopienn­e sont estimés à 150 000 hommes, sans compter les forces spéciales ainsi que les milices.

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EBRAHIM HAMID AGENCE FRANCE-PRESSE Les combats qui opposent l’armée éthiopienn­e et les forces tigréennes ont poussé des dizaines de milliers de personnes à fuir le pays.

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