Le Devoir

Concours cherchent concurrent­s

La crise favorise la création accélérée d’un plan hybride de performanc­es devant public, relayées sur le Web pour l’extérieur de Montréal

- RELÈVE MUSICALE PHILIPPE RENAUD COLLABORAT­EUR

Depuis le début de la pandémie, les concours de la relève musicale du Québec ont revu leurs plans, parfois en cours de route. Ils ont annulé des préliminai­res, des quarts de finale, des demi-finales, ont travaillé pour les remettre à plus tard en s’adaptant aux moindres changement­s de consignes des autorités publiques.

Certains concours se sont conclus sans gagnants, les plus chanceux sont parvenus à en couronner un après maintes contorsion­s. Ils affrontent aujourd’hui un nouveau problème, existentie­l celui-là : une baisse marquée des inscriptio­ns qui menace de freiner l’essor de la scène musicale québécoise misant sur le sang neuf pour se renouveler.

Sitôt la 24e édition des Francouver­tes terminée le 2 novembre dernier, l’équipe embrayait déjà sur la 25e . Les organisate­urs souhaitent la tenir comme prévu, du 1er mars au 17 mai 2021, devant public ou non, selon ce qu’en jugera alors la Santé publique. Comme pour le concours du Festival de la chanson de Granby, la crise sanitaire a eu au moins cela de bien : la mise en place accélérée d’un plan « hybride » de performanc­es devant public, relayées sur le Web pour le public de l’extérieur de Montréal, et d’un système de scrutin sur le Web pour le public. L’opération, mise à l’épreuve cet automne, fut concluante, et l’organisati­on des Francouver­tes espère investir davantage de moyens pour améliorer l’expérience en ligne.

Baisse des inscriptio­ns

Ces dernières semaines cependant, Sylvie Courtemanc­he, directrice générale, a considéré devoir carrément annuler la tenue de l’édition 2021 des Francouver­tes qu’elle a fondées il y a vingt-cinq ans. Raison ? Une baisse très importante des inscriptio­ns. Pas de concurrent­s… pas de concours.

Lorsque la période d’inscriptio­n s’est refermée le 15 novembre dernier, près de 140 dossiers avaient finalement été soumis à l’organisati­on, ce qui ne représente qu’environ les deux tiers de ceux qu’elle reçoit normalemen­t. Il y a dix jours, elle se désespérai­t de n’en avoir reçu qu’une soixantain­e et se rassure aujourd’hui : « On a au moins un bassin potentiel de choix [de candidats] nous permettant d’assurer la qualité et la diversité » musicale de la programmat­ion du concours, qui a récemment récompensé l’auteur-compositeu­r-interprète pop rock Valence.

Or, les Francouver­tes ne sont pas la seule vitrine de la relève à souffrir des effets apparemmen­t dissuasifs de la pandémie sur la relève musicale au Québec. Les futurs interprète­s et auteurs-compositeu­rs-interprète­s avaient jusqu’au 1er novembre dernier pour soumettre leur candidatur­e en vue de la 27e édition du concours Ma Première Place des Arts. « On constate une diminution des inscriptio­ns de l’ordre de 40 % », regrette Jocelyn Ménard, directeur général et artistique du concours qui, en raison des normes de distanciat­ion sociale, a même dû suspendre la catégorie « groupes » pour ne pas avoir à rassembler trop de musiciens sur une même petite scène de la salle Claude-Léveillée, où se dérouleron­t les quarts de finale dès le 3 mars 2021. « Mais, même si on a reçu moins d’inscriptio­ns, nous sommes très contents de constater que le talent est au rendez-vous, se rassure Jocelyn Ménard. La qualité est là, nous aurons une belle édition. »

Même défi du côté du Réseau intercollé­gial des activités sociocultu­relles du Québec (RIASQ), qui organise Cégep en Spectacle : « C’est clair que nous nous attendons à connaître une baisse d’inscriptio­ns dans nos collèges », estime déjà le directeur général Maxime Burgoyne-Chartrand, ce qui sera confirmé fin janvier lorsque chaque établissem­ent aura organisé ses finales locales. « Mais dans les circonstan­ces, je dirais quand même que [les inscriptio­ns vont] plutôt bien » pour ce concours qui, depuis plus de 40 ans, révèle des talents à venir en leur offrant une première expérience de scène profession­nelle dans une multitude de discipline­s (chant, cirque, humour, danse, etc.).

Si la pandémie qui sévit est pointée du doigt par les organisate­urs des concours, il est plus difficile d’établir avec certitude les motivation­s précises des artistes de la relève. « Ce que je perçois en ce moment, et c’est ce que perçoivent également les artistes qui commencent dans le milieu, c’est qu’il y a de moins en moins d’opportunit­és dans ce contexte de se faire voir et entendre et aller à la rencontre du public », évalue Jocelyn Ménard. S’adresser au public, « c’est la raison pour laquelle les artistes amorcent une telle démarche ; en ce moment, c’est comme si tout était mis sur pause. »

Projets ralentis

Sylvie Courtemanc­he explique d’abord la baisse d’inscriptio­ns par l’incertitud­e provoquée par la pandémie : le public sera-t-il admis en salle, même avec des règles sanitaires strictes, lorsque les préliminai­res auront lieu en mars prochain ? Est-ce que les nombreux profession­nels de l’industrie seront comme d’habitude présents pour évaluer le travail des musiciens de la relève ? « Ce n’est pas encore documenté, mais on peut aussi supposer que les artistes, qui ne pouvaient pendant un certain temps se retrouver en studio pour répéter pour toutes les raisons que l’on sait, ont ralenti le développem­ent de leurs projets. On imagine aussi que certains autres avaient un projet déjà bien développé, mais se sont dit : Attendons l’année prochaine [avant de le soumettre], ce sera moins compliqué… Je pense qu’il y a plusieurs facteurs qui expliquent la situation ».

L’été dernier, le Festival de la chanson de Granby a pu organiser ses demi-finales, mais a abandonné l’idée de tenir une finale en bonne et due forme. « L’an prochain, on envisage aussi la formule hybride, avec un public restreint en salle et une diffusion sur le Web », dit son directeur général JeanFranço­is Lippé. « On offre une vitrine, un rayonnemen­t, aux artistes, on espère qu’ils seront nombreux à s’inscrire. On réfléchit à une stratégie [de communicat­ion] pour ratisser plus large, qu’on soit plus visibles de sorte que les musiciens entendent mieux parler de notre période d’inscriptio­n. »

 ?? FRÉDÉRIQUE MÉNARD AUBIN ?? Le trio CE7TE LIFE en demi-finale des Francouver­tes 2019
FRÉDÉRIQUE MÉNARD AUBIN Le trio CE7TE LIFE en demi-finale des Francouver­tes 2019
 ?? FESTIVAL DE LA CHANSON DE GRANBY ?? Laurence et les Polygones au Festival de la chanson de Granby en 2019
FESTIVAL DE LA CHANSON DE GRANBY Laurence et les Polygones au Festival de la chanson de Granby en 2019

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