Une révolution dérobée
Pour des membres de la communauté LGBTQ+, un numéro de ELLE Québec mettant en vedette l’animateur Jay Du Temple a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase
Vernis à ongles, cheveux colorés, vêtements dits féminins : l’animateur d’Occupation double (OD) et humoriste Jay Du Temple brise les codes, ce qui lui a valu la une du dernier numéro du ELLE Québec. Un coup d’éclat salué pour son ouverture à la diversité, mais aussi critiqué par des membres de la communauté LGBTQ+, qui regrettent de voir un homme cisgenre hétérosexuel amorcer une minirévolution de l’identité de genre à leur place dans l’espace médiatique.
« C’est rare de voir qu’on respecte un homme qui se maquille et s’habille avec des vêtements dits féminins sans qu’il soit vu comme une bête de foire », se réjouit Mathieu Aubre, qui s’identifie comme une personne non binaire et queer. Celui qui évolue dans l’industrie de la musique salue l’ouverture d’esprit du ELLE Québec et l’audace du populaire animateur qui défie les codes de la masculinité traditionnelle.
Le style affirmé de Jay Du Temple — et surtout l’accueil favorable qu’il en reçoit jusqu’ici — lui donne espoir de sortir à nouveau avec une robe ou du maquillage sans s’inquiéter du regard des autres. Mathieu Aubre a mis de côté sa garde-robe plus féminine il y a deux ans après avoir été victime d’intimidation. « J’avais des cercles d’amis très ouverts à l’université, alors je me le permettais davantage. Mais quand on se ramassait dans des bars avec des inconnus, ça passait moins. Oui, se faire traiter de tapette ou de fif, ça arrive encore. »
La tribune offerte à Jay Du Temple est surtout une « occasion en or » de créer un dialogue avec un public n’ayant jamais été initié aux questions de genre, de transidentité ou aux questions touchant la communauté queer.
« En animant OD, il rejoint beaucoup de monde. Même ma tante en région m’a posé des questions pour comprendre ce que voulait dire “cis”, après ma prise de position sur Facebook. »
Ces déclarations ont fait sourciller quelques participants à la présentation virtuelle qui ne tarissaient pas de questions. « C’est comme si on nous disait que l’enseignement à distance vaut la même chose que l’enseignement en personne », a déploré au Devoir l’un des participants à cette rencontre, qui souhaite garder l’anonymat. « Tout ça vient mettre beaucoup de pression sur les enseignants et sur les élèves, dont la santé mentale est fragile depuis le confinement. Le ministère est complètement déconnecté de notre réalité. »
Allègement
Au secondaire, seuls les élèves de la 2e secondaire connaîtront un allègement de l’épreuve obligatoire en français (écriture). La lecture des textes préparatoires sera faite en un avant-midi de trois heures au lieu de s’étendre sur deux semaines.
Quant aux élèves du primaire, notamment ceux de 4e et de 6e années qui ont des épreuves obligatoires à passer, ils verront leur fardeau allégé, même s’ils vont à l’école tous les jours, contrairement aux élèves du 2e cycle du secondaire. « On se demande comment ils arrivent à cette conclusion, que tous les modes d’enseignement se valent alors qu’au primaire, ils sont en classe toute l’année et que les épreuves sont allégées », a dit un participant à la présentation. « Il y a beaucoup de contradictions. »
Durant la période de questions de la présentation du MEQ, le représentant d’un Centre de services scolaire s’est aussi inquiété du problème d’équité entre les élèves. Car certains, notamment en région éloignée, se trouveront avantagés par le fait que leur école n’est pas en zone rouge et qu’ils n’ont pas à faire l’école à la maison une journée sur deux. « Est-ce adéquat d’offrir une même épreuve uniforme à l’échelle nationale et est-ce que la réussite du DES repose sur celle-ci ? »
Selon Joane Cardinal, les élèves de 4e et de 5e secondaires doivent passer les épreuves uniques s’ils veulent obtenir leur diplôme d’études secondaires (DES) et être admis au cégep. Linda Drouin, de la Direction de l’évaluation des apprentissages, a quant à elle défendu la décision de ne rien changer aux examens en disant que cela allait permettre d’avoir l’heure juste. « Il y a des inquiétudes. Qu’est-ce qui aura été couvert et moins bien couvert ? […] Ça permettra d’obtenir de l’info sur l’état d’apprentissage de nos élèves dans un contexte de pandémie. »
« Rigides »
L’un des participants à la présentation du ministère dit constater à regret que l’enseignement postsecondaire semble l’emporter sur le bienêtre des élèves. « On sent que les services régionaux d’admission et tout le bloc collégial sont rigides. Ils disent que ça leur prend absolument les notes de la 4e secondaire pour savoir si les élèves vont réussir au cégep. OK, mais les élèves qui sont en difficulté et qui ont moins bien réussi à cause de la pandémie, ils ne les veulent pas ! Ils veulent voir les notes pour décider s’ils vont accepter ceux qui ont de la difficulté. »
Une lettre du sous-ministre au ministère de l’Éducation a d’ailleurs été envoyée à toutes les directions d’école le 13 novembre, leur demandant de fournir, sous réserve de l’approbation des parents, les notes de la première et de la deuxième étape des 4e et 5e secondaires de l’année scolaire 2019-2020 données par les écoles ainsi que les résultats de la première étape de la 5e secondaire 20202021. Ces renseignements devraient « permettre aux cégeps et aux établissements privés d’ordre collégial de répondre adéquatement et de façon équitable aux demandes d’admission qu’ils reçoivent », a écrit le sous-ministre, Alain Sans Cartier.
Or, cela contredit la directive ferme du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, qu’avaient reçue les centres de services scolaire l’an dernier, alors qu’ils devaient se contenter de communiquer si l’élève présentait une « réussite » ou « non réussite », sans qu’aucune note ne soit transmise aux services régionaux d’admission.
Interrogé à savoir s’il allait alléger les matières ou ajuster les notes des bulletins pour les élèves du secondaire dans un contexte où le taux d’échec s’annonce plus élevé, le ministre Roberge s’est contenté de dire que beaucoup de choses avaient été mises en place. « Quand on va avoir le résultat aux examens ministériels, dont on a diminué la valeur sur le résultat final pour baisser l’angoisse, on pourra vraiment mesurer le succès de nos élèves », a-t-il déclaré. « Nos enseignants au Québec sont capables de s’adapter aux besoins des élèves. »