Les réalisateurs canadiens réclament une réforme de Téléfilm |
La GCR demande l’abandon, dans les critères de financement, de « l’indice de réussite »
Au mois de septembre dernier, Téléfilm Canada annonçait la tenue d’une consultation pancanadienne sur son indice de réussite, l’un des critères clés dans le processus de financement de films. Or, outre l’abandon pur et simple dudit indice, c’est ni plus ni moins qu’une réforme de la société d’État que réclame la Guilde canadienne des réalisateurs (GCR) dans un manifeste rendu public ce jeudi.
Pour mémoire, l’indice de réussite, que Téléfilm a suspendu pour l’année 2020-2021 le temps de la consultation, se divise en trois parties : 60 % de l’indice est consacré à la dimension commerciale qui comprend les recettes au guichet et les ventes internationales ; 10 % tient compte du succès industriel, c’est-à-dire de la présence — ou non — de financement privé ou étranger en complément du financement de Téléfilm ; 30 % est dévolu au succès culturel basé sur les sélections escomptées dans les festivals internationaux.
Entre autres utilités, l’indice de réussite sert à évaluer le financement des projets admissibles au volet dit « accéléré » du Programme de production. Un projet voit croître de manière importante ses chances de se concrétiser rapidement avec un indice de réussite élevé à son dossier.
Au sujet de l’indice, donc, la Guilde canadienne des réalisateurs est sans équivoque dans son manifeste, écrivant d’entrée de jeu qu’il faut « cesser d’utiliser l’indice de réussite ’’ comme outil de sélection de projet au profit d’un jury tournant, inclusif et représentatif ou d’une méthode similaire afin d’évaluer les éléments créatifs de chaque projet ».
De prime abord, un retrait complet de l’indice ne semble pas être dans les plans de Téléfilm. Interrogée en septembre quant à la possibilité de modifier l’indice afin d’inclure désormais la nouvelle réalité de la webdiffusion, la directrice générale de Téléfilm, Christa Dickenson, déclarait : « Mais bien sûr ! C’est mon espoir, justement, que ce soit une modernisation. »
Qu’à cela ne tienne, plus loin dans son manifeste, la GCR demande que Téléfilm passe « d’un modèle qui considère les maisons de production comme des ‘‘clients ’’ de l’agence à un modèle de collaboration qui aide les cinéastes à construire leur carrière et à obtenir une reconnaissance au niveau national et international ».
L’inclusion comme priorité
Ce désir d’une réforme en profondeur vise également la constitution même de la société d’État. De fait, la Guilde souhaiterait que Téléfilm fasse de l’inclusion une « priorité publique ». On peut lire :
« Assurer l’inclusion de tous les groupes historiquement sous-représentés et faire de l’inclusion une priorité publique, à l’interne comme à l’externe, en commençant par des objectifs précis en matière de sexe, de race et de région au sein du conseil d’administration et des cadres dirigeants et dans le processus de sélection de projet […] »
On suggère au passage l’adoption d’exigences comparables à celles mises de l’avant par l’Académie des arts et des sciences du cinéma (Oscar) et le British Film Institute (BFI) en matière de représentation.
Membre de la GCR et du comité ayant élaboré le manifeste, le cinéaste Atom Egoyan a pour sa part plaidé en faveur de davantage de possibilités pour tous : « Nous devons comprendre qu’il s’agit de modifications profondes et que les réalisateurs doivent être à l’avant-plan de ces changements. Tout comme la Guilde représente nos intérêts en tant que forces créatives, nous devons reconnaître l’importance d’une représentation à tous les niveaux. Une carrière est basée sur la combinaison du talent et des opportunités, et nous devons nous assurer que nous fournissons ces opportunités à tous les niveaux. »
Discussions franches
Contacté par Le Devoir, Téléfilm a de son côté réitéré que la consultation était en cours. « Nous souhaitons connaître le point de vue d’une grande diversité de créateurs et de gens de l’industrie. »
Téléfilm dit par ailleurs se réjouir que les discussions soient « franches » et « transparentes » depuis le début. « Il y a un réel engouement afin de collaborer. Nous sommes donc bien au fait des points présentés par la Guilde canadienne des réalisateurs ainsi que ceux des autres associations. Concernant leur manifeste, nous saluons leur engagement ainsi que leur apport essentiel, notamment au sujet d’une plus grande diversité et inclusion, une priorité de Téléfilm. »