Le Devoir

Petit guide pour un Noël sécuritair­e

- Avec Marco Bélair-Cirino

Certains s’accrochent à Noël comme à une bouée de sauvetage en pleine tempête. D’autres voient dans la pandémie de COVID-19 un bon prétexte pour éviter de se farcir la dinde traditionn­elle et une enfilade de réunions familiales. Et il y a ceux qui ne savent plus sur quel pied danser. Petit guide pour un temps des Fêtes sécuritair­e. Un texte de Marie-Eve Cousineau.

Un party ou pas ?

Le gouverneme­nt québécois permet les rassemblem­ents de 10 personnes maximum du 24 au 27 décembre. En théorie, chaque citoyen pourrait donc voir 40 personnes différente­s en quatre jours. La Santé publique le déconseill­e fortement. Selon les autorités, l’idéal est de participer à un seul rassemblem­ent durant cette période. Il y a encore mieux, disent des experts : fêter Noël chez soi avec ses proches immédiats.

« Quand on regarde ça d’un point de vue de risque de transmissi­on, ne pas organiser de party est la façon la plus sécuritair­e de faire, dit la Dre Caroline Quach-Thanh, microbiolo­giste-infectiolo­gue au Centre hospitalie­r universita­ire de Sainte-Justine. Maintenant, il faut aussi prendre en compte le besoin de se rassembler. »

Pour l’épidémiolo­giste Benoît Mâsse, les gens doivent se poser la question suivante : quel est mon degré de tolérance au risque ? Se sent-on à l’aise d’inviter au rassemblem­ent sa mère de 80 ans, sachant que les risques de graves complicati­ons sont plus élevés si elle contracte la COVID-19 ?

« Si jamais ma belle-mère vient ici, qu’on a [la COVID-19] et qu’elle tombe gravement malade, on va savoir quelle est la source d’infection : le souper des Fêtes, dit Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. [Personnell­ement], je n’ai pas le goût que mes enfants se sentent coupables. Je ne veux pas leur faire vivre ça. »

Isolement

« L’idée, c’est d’arriver au party de Noël avec le moins de risques possible d’avoir été infectés dans les deux dernières semaines », explique la Dre Caroline Quach-Thanh.

Il faut donc diminuer au maximum les contacts dans les 14 jours précédant la fête. « Si on est capable de faire du télétravai­l en permanence, c’est facile, remarque la médecin. La difficulté, c’est lorsque les gens sont obligés de travailler à l’extérieur. » Elle recommande à ces derniers de porter le masque à l’intérieur « en tout temps ». « Quand on enlève notre masque pour manger ou boire, on est idéalement seul dans son bureau, précise-t-elle. Sinon, à deux mètres de la personne la plus proche de vous. »

Un Noël masqué

La Santé publique, qui concocte un guide sur l’art de recevoir à la maison en temps de pandémie, recommande aux convives de porter un masque (sauf, évidemment, lorsqu’ils mangent ou boivent) et de demeurer à deux mètres de distance les uns des autres.

Les grands-parents et les vieillards, qui risquent davantage de souffrir d’une forme grave de la maladie, doivent demeurer à l’écart des autres pour éviter d’être contaminés. Ils s’abstiennen­t aussi de tenir leurs descendant­s dans leurs bras — aussi mignons soient-ils.

Des maladies chroniques ?

Les hôtes demandent habituelle­ment à leurs invités s’ils ont des allergies alimentair­es. Cette année, ils devraient aussi s’enquérir de leurs conditions médicales, selon Benoît Mâsse. Les individus souffrant de diabète ou de maladies pulmonaire­s ainsi que les gens immunosupp­rimés (ex. : greffés du foie) sont plus susceptibl­es de développer des symptômes graves de la COVID-19.

« Il faut prendre soin de ces personnes vulnérable­s », comme les personnes âgées, souligne la Dre Marie-France Raynault, cheffe du Départemen­t de santé publique et de médecine préventive du CHUM. Les mesures de distanciat­ion et le port du masque sont alors d’autant plus importants.

Ouvrir les fenêtres

Les invités auront peut-être besoin d’une petite laine lors du réveillon. Selon la Santé publique, il vaut mieux garder les fenêtres entrouvert­es pour améliorer la ventilatio­n. « Une maison, c’est pire qu’une école, dit le Dr Quoc Dinh Nguyen, gériatre spécialisé en épidémiolo­gie qui pratique au CHUM. C’est plus petit. »

Pas de chansons à répondre

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, l’a dit, l’hiver sera « plate ». Et Noël le sera un peu aussi. Oubliez les karaokés. « Les chants et les cris sont à éviter, dit la Dre Marie-France Raynault. Et il vaut mieux qu’on garde le volume de la musique assez bas pour que les gens n’aient pas à hausser la voix. » Autrement, on postillonn­e davantage, ce qui contribue à propager le virus.

Le repas

Un buffet est possible, croit la Dre Marie-France Raynault. À condition qu’une seule personne fasse le service. La Dre Caroline Quach-Thanh conseille d’y aller par « tablée » : les plus jeunes, les plus vulnérable­s, etc.

Des cadeaux ? Bien sûr !

« La transmissi­on [de la COVID-19] par les objets est un risque plus théorique qu’autre chose », dit la Dre Marie-France Raynault. Elle recommande toutefois aux gens de se laver les mains fréquemmen­t durant le rassemblem­ent. Les hôtes devraient d’ailleurs mettre à la dispositio­n des convives du gel désinfecta­nt, notamment à l’entrée de la maison.

Et le dodo ?

Dormir chez un proche est permis pourvu qu’on respecte scrupuleus­ement les règles de distanciat­ion physique et que le séjour soit le plus court possible, indique la Santé publique. Passer la nuit ailleurs est préférable à conduire avec un taux d’alcoolémie trop élevé. Opération Nez Rouge n’offrira pas de service cette année.

Attention de ne pas « trop » prolonger le séjour le lendemain, dit la Dre Marie-France Raynauld. Pourquoi ? Une soirée ne suffit-elle pas à contaminer quelqu’un ? « Si c’était la rougeole, je vous dirais que c’est sûr que vous auriez déjà été contaminé [la veille], répond-elle. Mais pas avec la COVID-19. Ça se peut que vous n’ayez pas été contaminé et que quatre heures de plus fassent la différence. »

Un registre des invités

L’hôte ou hôtesse devrait prendre en note le nom, l’adresse et le numéro de téléphone des gens présents à la fête. « Ça va faciliter la vie de la Santé publique », si la COVID-19 s’invite dans la soirée, indique la Dre Marie-France Raynault.

Mais les invités doivent être avertis à l’avance : s’ils ont le moindre doute sur leur état de santé, ils restent chez eux. « Même si ça nous tente d’y aller, pis on se dit “d’habitude, j’irais, je prendrais du Tylenol”, on se retient d’y aller, dit la Dre Caroline Quach-Thanh. On reste à la maison pour protéger les autres. »

Un Noël du campeur ?

Benoît Mâsse a bien l’intention de fêter Noël avec ses parents âgés… le 24 juillet. D’ici là, ils auront été vaccinés contre la COVID-19. « On pourra faire un gros barbecue dehors, dit-il. Ils seront plus relax. »

Le Dr Quoc Dinh Nguyen encourage aussi les aînés à se regrouper avec leur famille cet été. Du moins, ceux qui peuvent attendre et ne vivent pas d’isolement. « On a un vaccin qui s’en vient », dit le gériatre. Le prochain Noël a donc de bonnes chances, poursuit-il, de se dérouler comme dans le bon vieux temps. « Ça donne un sens à tout ce sacrifice. »

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ADIL BOUKIND LE DEVOIR

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