Le Devoir

Les deux solitudes et le recul du français à Montréal

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Se pourrait-il que le fantôme de la vieille-maudite-Anglaise-dechez-Eaton, cette figure iconique de la rue Sainte-Catherine de mon enfance, continue de hanter le commerce de détail à Montréal ? […] Charité bien ordonnée commence par soi-même, nommons d’abord l’indifféren­ce ou la pusillanim­ité de la clientèle qui n’ose pas répliquer, en paroles et surtout par l’utilisatio­n de son pouvoir d’achat. Il faut aussi constater la faiblesse, sinon l’échec, des services de francisati­on offerts aux nouveaux immigrants dont l’anglais est la langue principale […]. Mais l’immigratio­n, récente ou non, n’est certaineme­nt pas le facteur prédominan­t : cherchons plutôt du côté de cette réalité têtue qu’on appelle les deux solitudes. Les Québécois francophon­es voient les « Anglais » […] comme une minorité au Québec, tandis qu’eux se perçoivent plutôt comme une majorité au Canada. Plusieurs ont fait remarquer que la maîtrise du français avait pourtant grandement progressé dans la population non francophon­e en général. Il n’en reste pas moins que la maîtrise d’un français fonctionne­l n’est pas suffisante pour avoir envie de participer davantage à l’univers francophon­e. L’école aurait ici un rôle majeur à jouer pour faire en sorte que les non-francophon­es, aussi Canadiens majoritair­es qu’ils puissent se percevoir, se sentent aussi un peu Québécois et consomment quelques produits culturels québécois de la même façon que les francophon­es consomment allègremen­t des produits de l’univers culturel anglo-américain. Comme disait en substance récemment Barack Obama, pour avoir une société cohérente, cela prend un consensus sur un certain nombre de faits : à l’évidence, nous n’en sommes pas là chez nous. François Thérien

Montréal, le 19 novembre 2020

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