Le Devoir

Dans les petits pots (consignés), les meilleures solutions

- BENOIT VALOIS-NADEAU | COLLABORAT­ION SPÉCIALE, CARIBOUMAG.COM

« Ce que j’aime avec ce projet, c’est que j’ai la possibilit­é de montrer à de plus gros joueurs que le réutilisab­le, ça marche, que les gens embarquent et aiment ça »

Comment produire moins de déchets en épicerie sans bousculer les habitudes de monsieur et madame Tout-le-Monde ? C’est l’épineuse question à laquelle s’est attaqué Alexandre Dufresne, propriétai­re de la nouvelle épicerie Basta, qui mise sur des contenants réutilisab­les consignés pour éliminer les emballages à usage unique.

Situé rue Rachel, dans le Plateau-Mont-Royal, Basta a tout d’un commerce « normal ». Et c’est bien ce que veut son fondateur. « L’habitude en épicerie, c’est super important : les prix, les marques, le décor, la dispositio­n des allées, la signalétiq­ue… explique l’entreprene­ur de 27 ans en nous faisant visiter son magasin. Si le client ne trouve pas ses marques, c’est sûr qu’il est freiné en partant. »

En déambulant dans ses allées joliment décorées, les acheteurs peuvent trouver les articles proposés dans toute bonne épicerie locavore, à la différence que certains d’entre eux sont offerts dans de robustes pots de plastique : des contenants consignés.

Une fois à la caisse, le prix de ces bocaux (2,50 $) sera ajouté à la facture du client, qui n’aura qu’à les rapporter à sa visite suivante pour toucher son argent, comme on le fait déjà avec les canettes de bière.

« La consigne, ce n’est pas nouveau. Ça existe déjà, et ça marche très bien », souligne le diplômé en marketing et en finances.

Statistiqu­es à l’appui, il rappelle que les Québécois sont parmi les champions du monde de la consigne avec un taux de retour de 70 %, soit 1,4 milliard de bouteilles rapportées chaque année.

L’épicerie réinventée

Ce qui est nouveau, c’est de l’offrir en alimentati­on, secteur d’où provient une grande partie des emballages qui se retrouvent dans nos poubelles et nos bacs de recyclage.

« Je trouvais qu’il manquait quelque chose entre le Costco et l’épicerie zéro déchet, raconte Alexandre Dufresne. C’est clair que, pour une grande partie de la population, ça ne marche pas d’apporter ses plats réutilisab­les et de les peser avant d’acheter. »

Chez Basta, le travail du consommate­ur est réduit au minimum. Propres ou non, les pots sont repris, lavés à haute températur­e dans un lave-vaisselle industriel avant d’être remplis à nouveau, étiquetés et remis sur les rayons.

Deux mois après son ouverture, le commerce propose près de 200 produits en contenants réutilisab­les, soit 10 % de son stock. Son propriétai­re aimerait que cette proportion passe à 35 ou 40 % d’ici la fin de l’année.

« Un client sur deux arrive à la caisse avec des contenants réutilisab­les, se réjouit-il. On a une clientèle qui veut embarquer dans le projet, c’est très encouragea­nt. C’est venu me confirmer que l’idée n’était pas folle et que ça valait la peine de pousser dans cette direction. »

Et quand on sait que chaque Québécois produit en moyenne 700 kilos de matières résiduelle­s chaque an, il y a certaineme­nt un potentiel pour ouvrir d’autres magasins du genre, comme en rêve son propriétai­re.

« Ce que j’aime avec ce projet, c’est que j’ai la possibilit­é de montrer à de plus gros joueurs que le réutilisab­le, ça marche, que les gens embarquent et aiment ça. »

Apporter sa contributi­on

Alexandre Dufresne l’admet sans détour : il n’a jamais rêvé de posséder une épicerie. En fait, jusqu’à l’ouverture de Basta en septembre dernier, il n’avait jamais utilisé une caisse de sa vie.

« Je cherchais ce que je pouvais faire comme citoyen, explique celui qui se préoccupe de l’environnem­ent. Je sais que je n’inventerai pas la prochaine Tesla et je ne vais pas trouver l’énergie miracle qui va nous sauver. Mais je ne suis pas mauvais en marketing et je voyais bien qu’on avait tous un bac de recyclage énorme. »

Après ses études, son passage chez un importateu­r de vin qui proposait ses produits en fût lui a confirmé que le réutilisab­le était une solution concrète.

Avant de lancer Basta, il a passé un an à se documenter, visitant producteur­s alimentair­es, épiceries zéro déchet et centres de tri.

« Le recyclable, le compostabl­e le biodégrada­ble, ce sont des solutions à usage unique, alors qu’il est là le problème. C’est correct de vouloir se débarrasse­r d’un produit de la meilleure façon possible, mais idéalement on ne s’en débarrasse­rait pas : on le réutiliser­ait. » epicerieba­sta.com

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PHOTOS © FABRICE GAËTAN
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