Un peu de souplesse pour les adolescents
Le Devoir révélait la semaine dernière que le ministère de l’Éducation a l’intention de soumettre les élèves du secondaire aux examens ministériels habituels, sans autre modification ou accommodement malgré les difficultés inhérentes à l’apprentissage au temps de la COVID-19. La mesure paraît hâtive et complètement détachée de la détresse exprimée par nos adolescents confinés. La décision du ministère de maintenir les épreuves ministérielles de 4e et 5e secondaire survient quelques semaines après la publication d’une étude coup-depoing de deux chercheuses au Département de psychoéducation de l’Université de Sherbrooke. La détresse psychologique, les symptômes anxieux et dépressifs et les problèmes de concentration sont montés en flèche chez les 14 à 17 ans durant la crise sanitaire. Des jeunes disent se sentir abandonnés, parfois seuls dans leur univers à se demander s’ils reprendront un jour une vie normale. La dernière enquête de Santé Québec, réalisée en 2016, évaluait à 29 % la proportion de jeunes du secondaire déclarant un niveau de détresse élevé. L’étude des professeures Katherine Pascuzzo et Catherine Laurier en arrive à la conclusion que cette proportion a plus que doublé. Elles ont mené leur enquête entre mai et août dernier, alors que la première vague était derrière nous et que le pire restait à venir pour les jeunes.
Depuis la rentrée, les adolescents encaissent les nouvelles difficiles. Le retour d’une grande partie du Québec en zone rouge freine les activités de socialisation inextricablement liées à leur épanouissement. Les étudiants du 2e cycle du secondaire assistent à leur cours en personne une journée sur deux. Malgré la bonne volonté des professeurs, l’enseignement à distance n’est pas une panacée. Tout est plus compliqué : la concentration, la motivation, l’efficacité de la collaboration, l’interaction sociale. L’apprentissage à distance sur des plateformes numériques restera un piètre succédané à la relation de confiance et de collaboration qui se construit entre un enseignant et ses élèves.
Cela ne veut pas dire qu’il faut annuler les épreuves ministérielles, comme l’an dernier. Le personnel scolaire et les élèves sont mieux outillés qu’ils ne l’étaient au printemps pour faire l’école à distance, même si de grandes disparités socio-économiques et des zones de friction demeurent encore. En effet, il suffit parfois d’un professeur, d’une direction d’école pour que l’expérience passe d’un semblant de normalité au cauchemar pour les élèves.
L’évaluation des apprentissages demeure un objectif important pour mesurer la progression des élèves, procéder à des rétroactions dans la démarche d’enseignement et évaluer l’efficacité d’ensemble des programmes et des méthodes pédagogiques. Une forme d’évaluation doit être maintenue, mais on ne peut plus faire comme si la crise sanitaire était l’affaire de quelques semaines de désagrément. En mars, nous fêterons le premier anniversaire de ce grand dérangement collectif.
Au chapitre des voix négligées ou oubliées durant la crise sanitaire, celle des jeunes arrive en tête de liste. Penser l’école et l’évaluation comme si de rien n’était, c’est faire peu de cas de la dimension globale de la réussite des élèves. Un peu de souplesse et des accommodements seraient souhaitables au moment des examens pour préserver l’équilibre mental des adolescents.