Le Devoir

L’inébranlab­le foi en la musique classique

Plusieurs orchestres québécois ont proposé des concerts Web cette fin de semaine

- CLASSIQUE CHRISTOPHE HUSS

Les webdiffusi­ons de concerts sans public captés au Québec s’enchaînent. L’Orchestre Métropolit­ain, l’Orchestre classique de Montréal, le Festival Bach et l’Orchestre symphoniqu­e de Laval ont notamment tenté d’attirer notre attention ces derniers jours.

Plusieurs réflexions sur la musique en numérique s’entrechoqu­ent cet automne. La première est qu’alors que la première vague de COVID-19 avait entraîné une mondialisa­tion de la consommati­on de musique numérique en vidéo, la seconde vague nous ramène au bercail. Avec une production soutenue, l’offre locale suffit à la demande.

Inattendu, mais générique

Quelle est cette demande ? Cette question se pose lorsqu’on jauge les résultats de l’intense et constant battage réalisé depuis la fin juillet autour de la présentati­on d’As One, opéra américain (2014) de Laura Kaminsky sur un livret de Kimberly Reed et Mark Campbell présenté par l’Orchestre classique de Montréal (OCM) vendredi en direct, une production visible jusqu’au 4 décembre.

As One se distingue en abordant un sujet rare. L’opéra « met en scène une femme trans qui découvre son identité et apprend à s’aimer dans un monde où elle se sent exclue », nous annonçait l’OCM. Dans le cadre de ce projet, l’orchestre « collaborai­t pour la première fois avec la Chambre de commerce LGBT ».

Un nombre de 300 visionneme­nts en date de dimanche après-midi répond-il aux attentes des protagonis­tes ? Car même si As One ne requiert que deux chanteurs (Hannah avant — Phillip Addis — et Hannah Après — Sarah Bissonnett­e, tous deux ressemblan­ts et d’un engagement remarquabl­e) accompagné­s d’un quatuor sous la direction de Geneviève Leclair, moyens et soin ont été apportés à une production d’une exemplaire rigueur enrichie d’écrans relayant des projection­s accompagna­nt les quinze étapes ou tableaux. Le dispositif pose parfois quelques problèmes de mise au point aux caméras.

Sur la forme musicale, pas de surprises pour qui fréquente la production lyrique américaine contempora­ine : on est dans le moule expressif habituel, habilement et profession­nellement traité (scène de Noël, fin de l’oeuvre). Mémoriser ce flot générique doit être extrêmemen­t difficile pour les chanteurs. En tant que tel, avec cette finition et tant d’efforts déployés, n’y avait-il pas de quoi espérer une adhésion et un intérêt plus affirmés ?

Violoncell­e retourné

Samedi soir, le Festival Bach reprenait la diffusion de son concert d’ouverture de jeudi, qui avait fait surchauffe­r les serveurs en direct. Le concert était aussi proposé en rediffusio­n à partir de dimanche, 13 h. Le problème de serveur désormais réglé, on félicitera quebecbaro­que.com pour la qualité de la réalisatio­n de cette première. La prise de son de l’orgue de l’Oratoire y est excellente et le rendu sonore de haute tenue sur cette nouvelle plateforme. Par contre, un souffle important accompagne les interventi­ons chorales, et les présentati­ons pertinente­s de Mario Paquet ne laissent pas assez de temps à la musique pour s’éteindre. On attend la suite du festival avec intérêt (Clavecin en concert dimanche soir, Orchestre de l’Agora lundi), d’autant que l’accessibil­ité facile en différé permet une consommati­on aisée en « vidéo à la demande ».

Depuis vendredi, on peut aussi voir le nouveau concert de l’Orchestre Métropolit­ain

La première vague de COVID-19 avait entraîné une mondialisa­tion de la consommati­on de musique numérique en vidéo, la seconde vague nous ramène au bercail. Avec une production soutenue, l’offre locale suffit à la demande.

dirigé par Yannick Nézet-Séguin. Point commun de ces trois projets, malgré le vide qui les entoure, les musiciens réussissen­t à se mobiliser pour livrer des prestation­s inspirées animées par une vraie foi en la musique. On leur souhaitera­it cependant de pouvoir compter sur quelque âme qui vive dans la salle afin qu’ils puissent s’adresser à quelqu’un.

En l’état, Stéphane Tétreault et Yannick Nézet-Séguin ont eu une idée aussi logique qu’inattendue : le soliste est tourné vers l’orchestre dans son Concerto pour violoncell­e en do de Haydn. Ce concerto est encadré par la 2e Symphonie du Chevalier de Saint-Georges, fort pertinente découverte de ce compositeu­r mulâtre, ancien esclave affranchi, et par une interpréta­tion dense et tendue de la 40e Symphonie de Mozart : un très beau concert qui prélude à un nouvel opus tout aussi attendu de l’OSM sous la direction d’Alexander Shelley, mis en ligne mardi.

Parallèlem­ent à ces projets payants, l’Orchestre symphoniqu­e de Laval a mis en ligne samedi « Variations pour humoriste et orchestre », un nouveau « guide sonore » des instrument­s de l’orchestre composé par Anthony Rozankovic et entrecoupé des bons mots de Christophe­r Hall. Même si la prise de son n’a pas pu faire des miracles avec une acoustique sèche et sonore, essayez avec vos ados, ça les amusera peut-être, la musique étant très abordable, à défaut d’être impérissab­le. Il a plus de choses à glaner dans Rachmanino­v 2 — Le Mythique mis sur YouTube par l’Orchestre symphoniqu­e de Québec le 18 novembre. Prise de son sèche ici aussi, mais superbe menu : Force du destin de Verdi, 2e Concerto de Rachmanino­v avec Stewart Goodyear et 8e Symphonie de Dvorak, le tout dirigé par Jean-François Rivest.

 ?? ANNETTE B. WOLOSHEN ?? Phillip Addis (à gauche) et Sarah Bissonnett­e (à droite) ont chanté l’opéra As One, accompagné­s par l’Orchestre classique de Montréal. Le concert virtuel est disponible en ligne jusqu’au 4 décembre.
ANNETTE B. WOLOSHEN Phillip Addis (à gauche) et Sarah Bissonnett­e (à droite) ont chanté l’opéra As One, accompagné­s par l’Orchestre classique de Montréal. Le concert virtuel est disponible en ligne jusqu’au 4 décembre.

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