Quel type de redressement le français nécessite-t-il ?
Dans un article que Le Devoir vient de publier (« Le français a besoin d’un redressement radical »), Gérard Bouchard cerne clairement les écueils qui guettent le français au Québec et explique pourquoi il vaut la peine de corriger la situation. Il conclut qu’il presse de s’y mettre, mais n’explique pas comment. Je tente ici de combler cette lacune en prenant pied sur les indices qu’il nous donne.
Bouchard fait trois constats. Premièrement, que le bilinguisme de masse (entendre : l’apprentissage de l’anglais) semble aujourd’hui inévitable et qu’il comporte des risques pour une culture minoritaire comme la nôtre. Deuxièmement, que l’attachement à notre langue devrait normalement suffire à la prémunir contre les aléas du bilinguisme. Troisièmement — et c’est ici que le mot « normalement » prend son sens dans le constat précédent —, que plusieurs d’entre nous ont relâché leur vigilance en s’appuyant sur la sécurité que conférait la loi 101.
Les circonstances sont aujourd’hui différentes de celles dans lesquelles Camille Laurin proposa cette loi en 1977. À la nécessité de protéger la langue française sous l’angle quantitatif, cruciale à l’époque, s’ajoute maintenant la nécessité tout aussi cruciale d’en promouvoir la qualité. C’est ce que je comprends quand Bouchard signale ce relâchement de vigilance. Comme l’exprimait Jacques Godbout il y a quelques années dans un livre d’entretiens avec Mathieu Bock-Côté : « Montréal est menacée beaucoup plus par la pauvreté du français que par la langue anglaise »
La langue française a encore besoin de mesures qui lui assurent la place prépondérante comme véhicule de communication au Québec. Mais certaines mesures de ce type dont on discute présentement nous mèneraient dans un combat d’arrière-garde coûteux et futile si on les adoptait. Pourquoi ne pas plutôt nous attarder à des mesures visant à promouvoir la qualité du français, et par le fait même la fierté de le parler ? L’attachement des immigrants à la langue française, que nous souhaitons tant, n’est-il pas aussi tributaire de la perception qu’ils ont de notre propre attachement à notre langue ? Paul Dionne
Pointe-Claire, le 26 novembre 2020