Pour s’imposer, une langue doit rayonner
Il faut bien constater l’échec de la loi 101 et le recul du français dans la région de Montréal comme langue d’usage. Si elle a permis de diffuser la connaissance du français chez les anglophones et les allophones, elle a été un échec pour en imposer l’usage comme langue commune par défaut. Or, une langue ne vit que si elle est utilisée.
On constate, par ailleurs, qu’une bonne moitié des Québécois — pas seulement les jeunes — semblent totalement indifférents à ce recul. Ce qui indique une chose : on ne pourra pas se contenter d’une simple réaction défensive.
Pour s’imposer, une langue doit rayonner. Elle rayonne à travers ses institutions, sa culture, son pouvoir économique et politique. N’étant pas indépendants — pour le moment, je l’espère —, nous ne pouvons être le groupe dominant politiquement et économiquement sur notre propre territoire. À ce titre, la force d’attraction de l’anglais demeure très forte.
Nous ne sommes pas, cependant, impuissants. Nous avons quand même le contrôle de nos institutions et de leur financement sur le territoire du Québec, et nous avons les moyens de mettre en place une politique culturelle plus affirmée. Le Québec pourrait devenir le foyer culturel de tous les francophones d’Amérique — et ils sont plus nombreux qu’on ne le croit, et beaucoup plus présents que n’en sont conscients les Québécois.
Porteurs de culture
Pour beaucoup de Québécois, le français est la langue de l’enfermement dans notre petite bulle provinciale. Il faut leur montrer le contraire : le français est une langue internationale qui ouvre elle aussi sur le monde, et dont le rayonnement culturel est très fort. On pourrait le comparer au grec dans le monde antique, langue de culture, qui a survécu au latin, langue de pouvoir. Les empires meurent, mais ce qui a touché les esprits et les coeurs survit aux empires.
L’empire américain va passer comme les autres, mais nous sommes les porteurs d’une culture immensément riche. Nous avons laissé nos enfants les mains vides, car ils n’ont pas hérité de cette richesse. Pour eux, la culture c’est Netflix, Amazon, Spotify, Apple. L’immense trésor culturel francophone — enrichi de l’apport particulier et inimitable de notre culture québécoise — est pour eux lettre morte. Ils croient s’ouvrir sur le monde en se tournant vers l’anglais, alors qu’ils ne sont que des citoyens de seconde zone aux marches de l’empire, plutôt que d’être au centre d’un foyer culturel unique au monde, qui a toutes les bases nécessaires pour rayonner.
Si le Québec n’est pas le foyer de la francophonie en Amérique du Nord, c’est par manque total de vision et d’ambition, et c’est bien ça qui nous tue. Nous devrions ouvrir des Maisons du Québec partout où il y a des francophones en Amérique. Nous devrions financer des festivals culturels partout, au Canada, aux États-Unis, dans une grande ville comme New York, par exemple, où les francophones sont nombreux et où le français jouit d’un grand prestige.
Il ne faut pas se limiter au Cirque du Soleil pour nous représenter. Nous avons un cinéma, une littérature, qui peuvent toucher les coeurs et les esprits, mais nous ne faisons pas grand-chose pour les faire connaître en dehors de nos frontières. Nous devons rayonner, si nous voulons survivre — et faire comprendre à cette moitié de Québécois indifférents que leur langue participe à la diversité et à la richesse du monde.