Voyage au coeur du confinement
La pandémie et ses effets se tracent un chemin à travers les oeuvres. Tour d’horizon.
Depuis l’essentiel besoin de câlins trop peu reçus pendant la pandémie, jusqu’à l’ennui d’une journée en solitaire ou bien la peine de voir sa cinquième année de secondaire se terminer abruptement et sans bal, les thèmes liés à cette étrange période se multiplient dans les livres pour la jeunesse. Coup d’oeil sur cette nouvelle façon d’appréhender le monde.
Prendre l’air
« Avant, Ours avait une jolie maison. Ours avait des après-midi avec ses amis. […] Ours avait la vie douce. C’était avant. Avant le grand chamboulement », celui qui lui fera déserter son petit coin douillet. C’est ainsi, poussé par « un rayon de soleil, les feuilles dans les arbres ou le souffle du vent [qui] lui murmurent qu’il faut essayer du nouveau » que le petit ursidé imaginé par Marianne Dubuc prend la route.
Avec Ours et le murmure du vent, l’autrice et illustratrice s’écarte des sentiers battus et aborde la solitude et le besoin de se refaire une vie avec une candeur à la fois désarmante et apaisante. La route de cet ours est faite de tant d’incertitudes, de peur, mais est aussi ponctuée de douceurs telles l’amitié, l’odeur de la tarte aux fraises, celle de l’herbe après la pluie, ou encore la fraîcheur du ruisseau.
Tout dans l’écriture simple et poétique de Dubuc nous ramène à l’essentiel. Elle parvient en peu de mots et de courtes phrases à rendre avec sensibilité et intensité l’atmosphère dans laquelle vivent ses personnages. La peur de l’orage, l’ennui, le bonheur retrouvé, tout y est et trouve écho dans ses illustrations, des tableaux dans lesquels le moindre détail a de l’importance. Chaque goutte de pluie, chaque aiguille de sapin, chaque petit poil d’ours participe à ce grand tout qui nous donne envie de sortir pour écouter le murmure du vent.
Un service essentiel
Avec La grève des câlins, c’est sans détour que Simon Boulerice aborde le besoin de tendresse ressenti pendant la pandémie. On plonge au coeur du quotidien de la famille RiendeauRegato qui doit apprendre à vivre sans les câlins des grands-parents. « Normalement, ils se réunissent tous les dimanches. Mais ça, c’est terminé. À cause d’un virus insidieux, ils ne se voient maintenant que sur des écrans. Et quand c’est en personne, c’est à distance. »
Par cette histoire, on sent bien toute la peine causée par la situation et l’immense besoin de tendresse vécu par les personnages. À l’image de ce texte très ancré dans le réel, les illustrations de Francis-William reproduisent
plusieurs figures associées à cette pandémie, notamment l’arc-en-ciel, les masques, les écrans. Le style naïf de l’artiste rejoint par ailleurs la candeur des enfants mis en scène par Boulerice. Si la charge d’amour est bien palpable à travers le vécu de cette famille unie, que l’angle emprunté par l’auteur rend avec vraisemblance la réalité de certains enfants, l’ensemble reste somme toute quelque peu convenu, facile et prévisible.
Commencement du monde
Montréal, 2027. Marius, 14 ans, se retrouve orphelin après le passage dévastateur d’une pandémie. Accompagné d’une famille rencontrée sur la route, il marche en dehors de la ville jusqu’à la forêt, où il tente de se refaire une vie. Inspirée par la collapsologie — courant de pensée qui envisage l’effondrement plus ou loin lointain de nos sociétés industrielles —, Marie de Paula e Silva campe Les enfants de la terre dans un univers fantastique peuplé de revenants qui ont appris des erreurs humaines.
La forêt devient ainsi ce lieu de recommencement où s’entremêlent la peur, le désenchantement, la mort, la trahison, mais aussi l’espoir. L’écriture vive, spirituelle et poétique de l’autrice parvient à mettre en lumière toute la froideur de cet univers apocalyptique, mais aussi la beauté de la solidarité. Le recommencement du monde et le besoin de vivre en harmonie avec la nature sont toutefois bien palpables et rondement menés. Le poème liminaire, une ode à la nature offerte par un loup, reste le plus beau moment de ce récit porté d’espérance.
Une habituée de l’échange virtuel
Comme plusieurs adolescents l’ont vécu en juin dernier, Léa Olivier doit vivre la fin de sa cinquième secondaire confinée. Pandémie oblige, elle est coincée à la maison, mais heureusement, l’héroïne imaginée par Catherine Girard-Audet, il y a huit ans, a l’habitude des échanges virtuels. À l’instar des 12 derniers titres, Confinée est construit sur le même mode épistolaire dans lequel on retrouve toute la bande de personnages qui s’écrivent beaucoup et se désolent de voir leur bal résumé à un moment sur l’écran.
L’autrice ne laisse rien au hasard et soulève différents travers entendus pendant cette période. Depuis les manies et habitudes des voisins maintenant facilement observables jusqu’à la cohabitation familiale difficile en passant par l’achat compulsif de papier hygiénique et la fabrication du pain, tous les clichés entendus depuis mars habitent le quotidien des personnages. Rien de nouveau, donc, ici. Le confinement s’insère plutôt bien et naturellement dans ce 13e opus qui connaît d’ailleurs une suite, Liberté paru le 18 novembre dernier.