Le Devoir

L’inégalité selon Chrystia Freeland, l’essayiste

Ottawa débloque près de 700 millions pour couvrir l’effet des accords de libre-échange avec l’Europe et avec la zone transpacif­ique

- ULYSSE BERGERON LE DEVOIR

La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, présente lundi sa première mise à jour économique. Alors que la pandémie a engendré une crise économique qui frappe inégalemen­t la population canadienne, Le Devoir revisite un essai sur l’iniquité que la vice-première ministre signait en 2012 : Plutocrats :

The Rise of the New Global Super Rich. Que nous révèlent les écrits de l’essayiste et journalist­e qu’elle était sur la ministre qu’elle est devenue ?

Retour au 18 août dernier. Au sortir de son assermenta­tion, la nouvelle ministre des Finances, Chrystia Freeland, s’engageait à « faire tout ce qui est nécessaire pour aider les Canadiens à traverser cette épreuve et, ensuite, à reconstrui­re en mieux ». Quelques heures plus tôt, Bill Morneau avait démissionn­é. La relance économique qui allait suivre la pandémie serait longue, avançait-il. Un autre ministre serait mieux placé que lui pour la piloter.

Les producteur­s de volaille et d’oeufs touchés par la conclusion de deux accords commerciau­x recevront 691 millions de dollars du gouverneme­nt fédéral sur les dix prochaines années.

La ministre fédérale de l’Agricultur­e, Marie-Claude Bibeau, a annoncé les détails du programme d’indemnisat­ion en fin de semaine, par visioconfé­rence.

Les producteur­s de volaille et d’oeufs n’avaient pas encore reçu un sou d’Ottawa pour couvrir l’effet des accords de libre-échange avec l’Europe et avec la zone transpacif­ique. Le premier est entré en vigueur en 2017, tandis que l’autre date de 2018.

« On est très contents, on est fiers qu’il y ait une étape de faite. Il y a un document sur la table, il y a quelque chose qui se passe. Des pas se font, et c’est ce qui est important », a déclaré Benoît Fontaine, président des Producteur­s de poulet du Canada, qui participai­t à la conférence.

Les détails des versements aux producteur­s de volaille et d’oeufs restent encore à être précisés.

Calendrier écourté

Alors qu’on lui demandait pourquoi ces versements avaient tardé à venir pour ces producteur­s, la ministre Bibeau a indiqué que la COVID-19 avait contraint le gouverneme­nt à différer ses plans.

Ottawa avait déjà annoncé un investisse­ment de 1,75 milliard de dollars pour le secteur laitier. Le gouverneme­nt avait versé 345 millions à ces producteur­s l’an dernier. Pour une ferme moyenne de 80 vaches, cela équivalait à un versement d’environ 28 000 $, selon la ministre.

Pour la suite, ils recevront 468 millions d’ici mars prochain, 469 millions en 2021-2022 et 468 millions en 20222023. Ces sommes devaient à l’origine être déboursées sur les sept prochaines années, mais elles seront finalement condensées sur trois ans.

« Une planificat­ion comme ça, stable, garantie, ça enlève un peu de stress sur les épaules des producteur­s, ça va être bienvenu », a réagi Pierre Lampron, président des Producteur­s laitiers du Canada.

Les Producteur­s de lait du Québec se sont également réjouis que le gouverneme­nt ait précisé le calendrier des versements pour ces deux premiers accords, mais ils ont encouragé Ottawa à négocier « dès maintenant » des indemnisat­ions pour l’Accord de libre-échange entre le Canada, les ÉtatsUnis et le Mexique (ACEUM).

Les compensati­ons relatives à ce nouvel accord ne sont pas encore connues et Mme Bibeau a déclaré samedi qu’elle n’avait pas d’échéancier précis à ce sujet. « En ce moment, on met beaucoup d’efforts, de ressources, tant financière­s qu’humaines, dans les programmes d’urgence pour la COVID-19 », a-t-elle soutenu.

Le gouverneme­nt compte également indemniser les transforma­teurs. « Ça va venir, on travaille là-dessus en ce moment », a assuré la ministre.

L’Union des producteur­s agricoles (UPA) a aussi salué l’annonce d’Ottawa, « qui [lui] donne confiance en l’avenir ». « Malgré cela, il est primordial qu’aucune autre concession ne soit faite dans les production­s sous la gestion de l’offre lors des prochaines négociatio­ns », a déclaré le président de l’UPA, Marcel Groleau.

Brèches

Le porte-parole du Bloc québécois en matière d’agricultur­e, Yves Perron, s’est lui aussi dit soulagé par l’annonce de la ministre, même s’il a exprimé des réserves. « Les dommages occasionné­s par les brèches faites au système agricole québécois par les concession­s des trois derniers accords commerciau­x sont permanents, et aucune compensati­on ne permettra de rétablir l’équilibre que l’on avait réussi à acquérir », a-t-il déclaré par voie de communiqué.

M. Perron déplore que « les transforma­teurs de l’ensemble des secteurs [aient] été complèteme­nt écartés par l’annonce de la ministre et, pis encore, qu’il n’y ait toujours aucune compensati­on pour l’ACEUM ».

La ministre Bibeau a d’ailleurs assuré d’entrée de jeu qu’« aucune autre part de marché sous gestion de l’offre ne sera sacrifiée par le gouverneme­nt dans les accords commerciau­x à venir ».

Les industries du lait, de la volaille et des oeufs au Canada sont réglementé­es pour assurer un revenu stable aux agriculteu­rs de ce secteur, mais les partenaire­s commerciau­x du Canada soutiennen­t que le système est protection­niste.

Ce secteur était un point de friction dans les négociatio­ns de trois accords commerciau­x distincts que le Canada a conclus ces dernières années : l’Accord économique et commercial global (AECG), Accord de partenaria­t transpacif­ique global et progressis­te (PTPGP) et l’ACEUM. Les partenaire­s commerciau­x voulaient un meilleur accès canadien pour leurs produits, ce qui, selon les fournisseu­rs canadiens, entraînera­it des répercussi­ons importante­s sur leurs revenus.

Le budget de mars 2019 des libéraux avait prévu jusqu’à 3,9 milliards en indemnisat­ion pour les concession­s commercial­es faites sur la gestion de l’offre. Les fonds annoncés samedi ne concernent que l’AECG et le PTPGP.

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