Le Devoir

Sauver Noël pour qui ?

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Dans les conversati­ons à saveur de COVID-19, Noël est devenu un symbole de bonheur incontourn­able qu’il ne faut pas manquer. S’y soustraire serait un drame insurmonta­ble, un trou béant qu’aucun report ne pourrait combler. Il faut que la chose ait lieu pour sauvegarde­r l’unité des familles, éloigner la maladie mentale et permettre des rapprochem­ents chaleureux dans le désert affectif dans lequel la pandémie nous a enfermés. Cependant, derrière ces élans du coeur ne se profile-t-il pas un gros « signe de piastre » mercantile ?

Pour bien comprendre, tentons de décoder le phénomène. Comme on le sait, c’est durant la période des Fêtes, et en particulie­r dans les semaines autour de Noël, que les commerçant­s réalisent 50 % de leur chiffre d’affaires. Cet engouement des consommate­urs risque de s’amplifier cette année. La disette d’événements festifs et les privations qui ont eu cours durant la dernière année ne viendront-elles pas amplifier ce désir incontrôlé d’une consommati­on effrénée ?

Si le gouverneme­nt Legault avait trop restreint les possibilit­és de rencontres familiales en cette période intense de consommati­on, les échanges de cadeaux et les dépenses de toutes sortes du temps des Fêtes auraient connu une baisse importante, aggravant ainsi une situation économique déjà précaire. Cela aurait certaineme­nt nui aux entrées d’argent chez les commerçant­s et diminué par le fait même les revenus gouverneme­ntaux provenant de la TVQ.

Loin de moi l’idée de prétendre que le premier ministre caquiste a basé uniquement sa décision sur des critères d’ordre économique et que des visées électorali­stes étaient présentes dans son choix de sauver Noël. D’autres motivation­s concernant le bien-être et la santé des Québécois ont sûrement pesé dans la balance pour appuyer sa décision d’enlever un peu de pression sur la marmite sociale en surchauffe.

Cette pièce de monnaie lancée dans les airs par le premier ministre est retombée à la verticale, sans trancher entre le côté pile économique et celui plus social du côté face. Parce que les Québécois ont été sages et qu’ils se sont pliés aux directives de la Santé publique, le père Noël Legault a donc tenté de faire le bonheur de tous en leur offrant un réveillon à dix, tout en souhaitant qu’il y ait au sein du groupe une personne désignée pour faire la police sanitaire. Espérons cependant que cette ouverture n’entraînera pas une troisième vague de la COVID-19 en janvier ou février ; dans un tel cas, certains pourraient affirmer que le Noël 2020 n’a pas été un cadeau pour la société québécoise. Marcel Perron

Neuville, le 25 novembre 2020

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