Le Devoir

Les mégots, la pollution insidieuse

- Pier Paolo Comida, Charlie Jutras et Loucie Tremblay Zéro Mégot Ville de Québec

Parmi tous les déchets provenant de l’activité humaine, un ennemi insidieux et inquiétant passe largement inaperçu, avec des conséquenc­es dévastatri­ces pour la santé publique et l’environnem­ent : c’est le mégot de cigarette.

Chaque année, environ 4,5 milliards de mégots sont jetés au sol, ce qui représente le premier type de déchet urbain généré par les citoyens, ainsi qu’une menace pour la faune et la flore terrestre et marine (Gong, Khurshid, & Poppendiec­k, 2017). La nature plastique de ces filtres (acétate de cellulose) contient plus de 4500 matières chimiques, dont beaucoup sont hautement réactives, nocives et cancérigèn­es (p. ex., polonium 210, mercure, plomb,

DDT…).

Si les effets de la fumée de cigarette sont connus depuis longtemps, la conscience sur l’énorme pollution produite par les mégots est limitée. La légèreté des mégots les fait rapidement voyager vers les égouts et les rivières. Dans l’eau, leurs composants chimiques sont rapidement libérés. Il suffit d’un seul mégot pour contaminer jusqu’à 1000 litres d’eau. De plus, de nombreuses espèces marines et terrestres avalent directemen­t les mégots. Résultat : intoxicati­on à long terme, perte d’appétit et décès. Enfin, les composés toxiques et les nanoplasti­ques remontent rapidement toute la chaîne biologique, avec des résidus présents dans l’eau potable, dans les aliments et même dans l’air.

Si la situation au niveau mondial

La légèreté des mégots les fait rapidement voyager vers les égouts et les rivières. Dans l’eau, leurs composants chimiques sont rapidement libérés. Il suffit d’un seul mégot pour contaminer jusqu’à 1000 litres d’eau.

est inquiétant­e, la Ville de Québec ne fait pas exception. Les mégots jonchant le sol ont une incidence directe sur l’environnem­ent, la santé et même sur les finances de la Ville. La mairie doit assumer le coût de nettoyage des rues et de l’épuration des eaux. Des études américaine­s (Schneider, Peterson, Kiss, Ebeid, & Doyle, 2011) ont estimé que les coûts de ramassage des mégots de cigarettes, dans les grandes villes aux États-Unis, s’élèvent entre 3 et 16 millions de dollars par an.

La loi provincial­e « concernant la lutte contre le tabagisme » (L-6.2) (Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2020), avec « l’interdicti­on de fumer dans un rayon de neuf mètres », a entraîné le retrait indirect des cendriers à l’extérieur des immeubles. En conséquenc­e, les mégots s’accumulent aujourd’hui copieuseme­nt dans les rues, sur les trottoirs, dans les parterres, aux arrêts d’autobus et, pire encore, dans les égouts, etc.

Malgré la gravité du problème, il est possible d’agir contre la dispersion des mégots. Une campagne de sensibilis­ation massive devrait être menée au niveau municipal à des points clés de la ville tels que les arrêts d’autobus et divers lieux publics. La loi provincial­e L-6.2 devrait être révisée en supprimant la règle des neuf mètres et en incluant la réinstalla­tion obligatoir­e des cendriers à l’extérieur des bâtiments publics et complexes d’habitation. Pour aller plus loin, les fabricants de cigarettes devraient assumer les coûts de ramassage des mégots sur les terrains publics ainsi que les frais d’une campagne de sensibilis­ation massive. Une discussion est déjà ouverte à ce sujet en Belgique et en France. En Allemagne, à Vancouver et même en Ontario on parle actuelleme­nt de la possibilit­é d’intégrer une consigne pour les mégots de cigarette pour les recycler plus efficaceme­nt. Une idée qui pourrait s’avérer intéressan­te pour le Québec.

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