Le Devoir

Une vive tension demeure

Le pays est le théâtre d’affronteme­nts, sur fond de manifestat­ions « pour les libertés », de tabassage d’un homme noir et de l’instaurati­on d’un projet de loi sécuritair­e

- FRANCE GUILLAUME DAUDIN À PARIS AGENCE FRANCE-PRESSE

Le parquet de Paris a réclamé l’inculpatio­n de trois policiers mis en cause dans le tabassage d’un producteur de musique noir et leur placement en détention provisoire, dans cette affaire qui a enflammé le débat en France sur les violences policières et contribué à la mobilisati­on contre une loi sécuritair­e.

Le parquet a requis leur mise en examen (inculpatio­n) pour « violences volontaire­s » par personne dépositair­e de l’autorité publique, avec plusieurs circonstan­ces aggravante­s, dont « des propos à caractère raciste » ainsi que pour « faux en écriture publique ».

Un quatrième policier mis en cause a été mis en examen notamment pour « violences volontaire­s » par personne dépositair­e de l’autorité publique et placé sous contrôle judiciaire, a annoncé une source judiciaire à l’AFP. Les réquisitio­ns du parquet de Paris ont donc été suivies pour cet agent, soupçonné d’avoir jeté une grenade lacrymogèn­e dans le studio.

L’enquête est désormais confiée à un juge d’instructio­n, qui devra décider s’il suit l’ensemble des réquisitio­ns du parquet.

Dans un contexte politique tendu pour le gouverneme­nt, qui s’est mis à dos journalist­es, défenseurs des droits et une partie de la population avec une propositio­n de loi « Sécurité globale », le site Internet Loopsider avait fait éclater le scandale jeudi.

Loopsider avait publié la vidéo de Michel Zecler, violemment frappé — « pendant près de 6 minutes » — dans son studio de musique, le 21 novembre à Paris, par trois policiers, avant qu’un quatrième ne vienne jeter depuis l’extérieur une grenade lacrymogèn­e à l’intérieur du local.

Une seconde vidéo diffusée vendredi montre les policiers frappant de nouveau M. Zecler dans la rue, une fois extrait du studio, entouré par de nombreux autres policiers qui ne réagissent pas.

M. Zecler a affirmé avoir été traité à plusieurs reprises de « sale nègre », ce que les policiers ont contesté.

En garde à vue face à Inspection générale de la police nationale, les trois principaux mis en cause ont fini « par admettre que les coups portés n’étaient pas justifiés » et ont affirmé « qu’ils avaient agi principale­ment sous l’effet de la peur », a rapporté le procureur. Ils ont invoqué « la panique » provoquée par le sentiment d’être coincés dans l’entrée du studio de musique de M. Zecler, qui se débattait selon eux.

Selon un bilan du ministère de l’Intérieur, 98 policiers et gendarmes ont été blessés lors de « marches pour les libertés » et 81 personnes interpellé­es

« Honte »

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait annoncé jeudi leur révocation « dès que les faits [seraient] établis par la justice ». Il les a accusés d’avoir « sali l’uniforme de la République ».

Le président, Emmanuel Macron, est sorti de son silence vendredi pour exprimer sa « honte » face à ces images. Pour la troisième fois cette année, le chef de l’État a demandé au gouverneme­nt de lui faire rapidement des propositio­ns « pour lutter plus efficaceme­nt contre toutes les discrimina­tions » et « réaffirmer le lien de confiance » entre la population et les citoyens.

La présidence a indiqué avoir appelé Michel Zecler, un appel confirmé à l’AFP dimanche par l’avocate du producteur. Elle s’est également dite « satisfaite des réquisitio­ns du parquet ».

Cette affaire a apporté de l’eau au moulin des opposants à la propositio­n de loi « sécurité globale », dont la mesure phare prévoit de restreindr­e la possibilit­é de filmer les forces de l’ordre.

« Violences inacceptab­les »

À l’appel de la coordinati­on #StopLoiSéc­uritéGloba­le, qui rassemble notamment des syndicats de journalist­es et des associatio­ns de défense des droits de la personne, des « marches pour les libertés » et contre les violences policières, parfois émaillées de violences, ont réuni samedi plus de 130 000 personnes dans le pays, selon le ministère de l’Intérieur, 500 000 selon les organisate­urs.

Selon un bilan du ministère de l’Intérieur, 98 policiers et gendarmes ont été blessés et 81 personnes interpellé­es. Plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré des policiers frappés par des manifestan­ts, des « violences inacceptab­les », selon Gérald Darmanin.

À Paris, un photograph­e indépendan­t syrien, collaborat­eur de Polka et de l’AFP, Ameer al Halbi, 24 ans, qui couvrait la manifestat­ion, a été blessé au visage et à la tête. Une enquête, que réclamait l’AFP, a été ouverte.

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Polka et de l’AFP qui couvrait une manifestat­ion contre la loi sécuritair­e, a été blessé au visage et à la tête.
GABRIELLE CÉZARD AGENCE FRANCE-PRESSE Samedi, Ameer al Halbi, un photograph­e indépendan­t syrien collaborat­eur de Polka et de l’AFP qui couvrait une manifestat­ion contre la loi sécuritair­e, a été blessé au visage et à la tête.

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