Les hôpitaux de Mekele remplis de blessés
Bien qu’ils ne soient pas quantifiés, les effets de l’offensive du gouvernement dans la région du Tigré se font déjà sentir
De nombreux blessés affluaient dimanche dans les hôpitaux de Mekele, 24 heures après la prise annoncée par le gouvernement éthiopien de cette ville, capitale du Tigré, et de sa victoire militaire dans cette région dissidente du nord du pays, a prévenu le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
La communauté internationale s’est maintes fois inquiétée des conséquences pour les civils de l’opération militaire lancée le 4 novembre par le premier ministre, Abiy Ahmed, pour remplacer les autorités tigréennes, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), par des « institutions légitimes ».
Aucun bilan précis du conflit n’est disponible pour le moment, mais plus de 43 000 Éthiopiens ont fui au Soudan voisin.
Samedi, les dirigeants tigréens avaient dénoncé des « tirs à l’arme lourde » contre Mekele, où vivaient avant le conflit 500 000 habitants.
Quelques heures plus tard, M. Abiy a affirmé sur Twitter que l’armée avait pris la capitale régionale et « mené à bien et terminé les opérations militaires dans la région du Tigré ». M. Abiy, Prix Nobel de la paix en 2019, a aussi assuré que tout était fait « pour s’assurer que les civils ne sont pas ciblés ».
Dimanche, 24 heures après la prise de Mekele, les médecins peinaient face à l’afflux de patients, en raison d’équipements et de stocks limités, « trois semaines après que les chaînes d’approvisionnement [ont] été interrompues » par le conflit, selon le CICR.
L’ONG avait pu se rendre la veille à l’hôpital Ayder, l’un des plus grands de la ville, où la division éthiopienne de la Croix-Rouge a « transporté des blessés et des morts » et où manquaient nourriture, médicaments et matériel — jusqu’aux sacs mortuaires.
Le CICR a observé que « 80 % des patients souffrent de blessures graves », mais n’a pas précisé s’il s’agissait de soldats ou de civils.
« Prévenir tout attentat »
Le « calme » — constaté dimanche par le CICR — qui règne à Mekele laisse penser, comme le sous-entend le gouvernement, que le TPLF s’en est retiré plutôt que d’affronter dans la ville les troupes gouvernementales.
Il n’était pas possible de vérifier de manière indépendante si Mekele était totalement sous le contrôle de l’armée fédérale, en raison du black-out quasi total qui touche le Tigré depuis le début du conflit.
Aucune image de Mekele, même à la télévision officielle éthiopienne, n’était disponible.
Affirmant que l’armée a pris le contrôle de l’administration régionale, M. Abiy a insisté samedi sur la priorité d’un « retour à la normale » pour les habitants du Tigré.
« Nous avons maintenant devant nous la tâche critique de reconstruire ce qui a été détruit, de réparer ce qui a été endommagé, de faire revenir ceux qui ont fui », a-t-il écrit.
Les analystes s’interrogent désormais sur la réaction des quelque six millions de Tigréens ainsi que sur la capacité éventuelle du TPLF à continuer une résistance armée contre le gouvernement fédéral.
Dimanche, un haut responsable des opérations militaires au Tigré, Bacha Debele, a déclaré que l’armée « était prête à prévenir tout éventuel attentat suicide de la junte du TPLF », selon la radio-télévision Fana BC, affiliée au pouvoir.
Roquettes en Érythrée
La chute de Mekele était un des principaux objectifs de la « dernière phase » de l’intervention militaire, avec l’arrestation des leaders tigréens désormais « pourchassés » par l’armée et injoignables dimanche.
Une série de roquettes a cependant été tirée samedi soir depuis le Tigré sur la capitale de l’Érythrée, pays voisin honni par le TPLF.
L’ambassade américaine à Asmara a fait état de « six explosions », tandis que deux diplomates basés à Addis Abeba ont dit à l’AFP que plusieurs roquettes avaient visé, semble-t-il, l’aéroport et des installations militaires de la capitale érythréenne. Aucun détail n’a été fourni sur d’éventuels victimes ou dégâts.
La chute de Mekele était un des principaux objectifs de la « dernière phase » de l’intervention militaire, avec l’arrestation des leaders tigréens désormais « pourchassés »