EN VITRINE
Tasya est l’assassin le plus efficace d’une société occulte. Son modus operandi est tout sauf traditionnel. C’est en prenant le contrôle du corps d’autrui, par l’entremise d’une technologie cérébrale de pointe, que Tasya accomplit ses « missions ». Mais à force d’occuper l’espace mental de ses victimes collatérales, la jeune femme voit depuis peu son esprit compromis, ses violences passées envahissant sa réalité. Ce, alors même que son plus récent « hôte » lui donne du fil à retordre et la tient captive, leurs deux esprits fusionnant et défusionnant. Brillant concept que celui imaginé par Brandon Cronenberg pour Possessor (Possesseur en V. F.).
Certes, on discerne toujours le spectre de son père, David Cronenberg (on pense à Scanners et à Existenz), mais le jeune cinéaste n’en confirme pas moins ici un talent distinct. Du reste, il y a pire en matière d’influences. Le talent de Brandon Cronenberg s’exprime dans l’exécution d’une inventivité folle, notamment cette conception visuelle en apparence sobre, mais très dense dès lors qu’on l’examine de plus près. Ainsi, c’est dans un environnement rétrofuturiste aux contours familiers, mais empreints de juste assez d’étrangeté pour déstabiliser, que le cinéaste campe son intrigant récit. Un récit tout d’ellipses et de fulgurances hallucinées.
Avec l’aide du directeur photo Karim Hussain, Cronenberg crée une esthétique de clairs-obscurs à la fois feutrée et inquiétante : tant de choses qui sont dissimulées, aussi bien au public qu’à Tasya. Dans le rôle principal, Andrea Riseborough est formidable : sauvage sous le vernis policé. Sous nos yeux, elle implose à petit feu. Christopher Abbott, dont le corps et une partie de l’esprit sont « possédés » par elle, est très convaincant également. Sans oublier Jennifer Jason Leigh, qui offre une performance parfaitement calibrée en directrice du programme sibylline. En phase avec son sujet et avec la nature des agissements de la protagoniste, Possessor assume sa violence lors de passages explicites. Réalisés à la caméra pour la plupart, ces trucages gore ne sont pas pour les âmes sensibles. À l’instar du film.