Le Devoir

Le vaccin peut-il éradiquer le virus ?

- PAULINE GRAVEL

Avec l’arrivée des vaccins et d’une nouvelle année, on se met à espérer que le responsabl­e du cauchemar que nous avons vécu en 2020 disparaîtr­a à jamais. Est-ce un rêve illusoire ? Le SRAS-CoV-2 continuera-t-il de nous hanter année après année ?

Si on regarde la Nouvelle-Zélande, qui a réussi à plus ou moins éradiquer le virus, on est tentés de croire qu’il est possible de se débarrasse­r du virus responsabl­e de la COVID-19. « Mais la situation demeure tendue, les NéoZélanda­is doivent continuer d’être vigilants, car le virus est loin d’avoir disparu ailleurs dans le monde. Et il est fort improbable que tous les pays arrivent à éradiquer ce virus. De plus, quand un grand nombre de personnes sont infectées [comme c’est le cas actuelleme­nt ailleurs dans le monde], les possibilit­és de mutations et d’évolution du virus augmentent. S’il subsiste toujours un bon nombre d’infections qui permettent au virus d’évoluer, on sera probableme­nt obligés de faire des mises à jour du vaccin périodique­ment », avance Jesse Shapiro, spécialist­e de la génomique microbienn­e à l’Université McGill.

Pression de sélection

Néanmoins, seule une minorité de la population mondiale a été infectée par le SRAS-CoV-2 jusqu’à maintenant. Le virus n’a donc pas eu à faire face à une forte pression de sélection pour éviter le système immunitair­e. « Mais quand on arrivera à une situation où 70 % de la population aura développé des anticorps contre le virus grâce au vaccin, une pression sélective commencera à s’exercer de façon plus significat­ive et elle favorisera l’apparition de mutations susceptibl­es de permettre au virus d’échapper au système immunitair­e. C’est pour cette raison qu’avec le déploiemen­t des vaccins, comme il y aura de plus en plus de personnes qui seront immunisées, il faudra surveiller encore plus activement la possible apparition de nouvelles mutations, car ce sera le moment où pourront apparaître des mutations susceptibl­es de changer le comporteme­nt du virus et d’entraîner potentiell­ement une résistance du virus au vaccin. Par conséquent, il faudra probableme­nt procéder à une mise à jour du vaccin », explique M. Shapiro.

« La pression sélective fera en sorte que ce seront les mutations qui donnent un avantage au virus, comme celui de continuer de se multiplier chez les personnes vaccinées dont le système immunitair­e est, en principe, équipé pour l’exterminer. C’est exactement ce qui arrive avec le virus de la grippe », fait remarquer le chercheur.

À la question de savoir si nous devrons vivre indéfinime­nt avec le SRASCoV-2, le microbiolo­giste et infectiolo­gue Don Vinh, du Centre universita­ire de santé McGill (CUSM), affirme qu’il est impossible de prédire l’avenir. « Mais à court terme, on ne pense pas que les mutations qu’on a vues pour le moment soient suffisante­s pour nuire à l’efficacité du vaccin qu’on commence à utiliser. C’est sûr qu’avec le temps, selon la rapidité avec laquelle les mutations s’accumulero­nt, il se peut que, au lieu d’éradiquer le virus, les vaccins servent uniquement à maîtriser les éclosions et qu’il nous faille les mettre à jour périodique­ment pour qu’ils ciblent mieux les variants qui circuleron­t dans la communauté, comme c’est le cas avec la grippe », dit-il.

« Ce n’est pas impossible qu’avec les vaccins, on soit capables d’éliminer le virus, mais en se basant sur l’historique de maints autres vaccins et sur les réticences des gens à se faire vacciner, ce sera probableme­nt très difficile d’y arriver. Par exemple, nous disposons de vaccins contre la rougeole qui sont extrêmemen­t efficaces, mais il y a régulièrem­ent des personnes qui refusent de le recevoir, cette situation entraîne donc des éclosions. La faiblesse du processus, ce n’est souvent pas le vaccin, mais le nombre de personnes qui acceptent de le recevoir. Si on arrive à vacciner en masse, on aura de bonnes chances de contrôler ou d’éradiquer un microbe », explique-t-il.

Néanmoins, il y a très peu de virus qu’on est parvenus à éradiquer, le seul qui semble l’avoir été dans la plupart des pays du monde est celui de la polio, souligne le Dr Vinh.

Jesse Shapiro précise que nous n’avons pas besoin de mises à jour du vaccin contre la polio en raison de la nature des anticorps qu’il induit et qui ciblent une partie du virus de la polio qui ne tolère pas de mutations, c’est-à-dire que si cette région du virus subit des mutations, le virus ne sera pas viable. « Malheureus­ement, les autres coronaviru­s peuvent accepter des mutations dans la protéine S [pour spike ou spicule] qui est ciblée par le système immunitair­e et par les vaccins », indique-t-il.

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