Le Devoir

Un syndicat est créé chez Google

- LUC OLINGA À WASHINGTON AGENCE FRANCE-PRESSE

Après une fin d’année 2020 noire, où Google a fait face à une offensive judiciaire tous azimuts des autorités américaine­s pour abus de position dominante, le géant d’Internet a commencé 2021 sous de mauvais auspices avec l’ouverture d’un front social, conséquenc­e de mois de vives tensions internes.

Des salariés de Google ont annoncé lundi la création d’un syndicat, après des divergence­s avec leurs dirigeants qui se sont cristallis­ées autour du licencieme­nt, en décembre, d’une chercheuse noire travaillan­t sur les questions d’éthique liées à l’intelligen­ce artificiel­le.

Cette décision symbolise le militantis­me des salariés de la Silicon Valley contre leurs firmes, dont le poids dans la vie quotidienn­e a considérab­lement augmenté avec les restrictio­ns dues à la pandémie de coronaviru­s.

Le syndicat, qui sera un des tout premiers au sein d’un fleuron de la haute technologi­e, ne s’occupera pas que des questions salariales et conditions de travail, mais aussi du rôle plus large de la technologi­e en société. « Nous espérons créer un processus démocratiq­ue pour les salariés afin qu’ils puissent y exercer leur pouvoir, promouvoir la justice sociale, économique et environnem­entale ; et mettre fin aux disparités injustes entre les travailleu­rs contractue­ls et les salariés à temps plein », expliquent les fondateurs.

Un retour de bâton

Dans une tribune publiée dans le New York Times, Parul Koul et Chewy Shaw, deux des fondateurs, assurent que les questions éthiques, et notamment l’utilisatio­n de l’intelligen­ce artificiel­le, seront à leur agenda.

« La devise de l’entreprise était : “ne faites pas le mal”, écrivent-ils. Nous voulons suivre cette devise. »

« Il y a un retour de bâton contre les grandes firmes technologi­ques étant donné qu’elles accumulent d’importante­s richesses », analyse Darrell West, expert à la Brookings Institutio­n, qui voit avec le nouveau syndicat la volonté des salariés du secteur d’« avoir leur mot à dire sur ce qui se passe et le fait qu’ils veulent voir davantage de responsabi­lité sociale » de la part de leurs sociétés.

La Silicon Valley était parvenue à éviter la création de syndicats en offrant de généreuses rémunérati­ons, mais est confrontée depuis peu à un militantis­me des salariés revigorés par l’éclosion des mouvements réclamant plus de justice sociale et raciale, comme Black Lives Matter, et ceux dénonçant les discrimina­tions et le harcèlemen­t sexuel, comme #MeToo.

Chez Amazon, des salariés essaient d’attirer l’attention sur les conditions de travail et la sécurité des employés des entrepôts, en première ligne malgré la crise sanitaire.

« Bien évidemment que nos employés ont des droits que nous soutenons. Mais comme nous l’avons toujours fait, nous continuero­ns à discuter directemen­t avec tous nos salariés », a déclaré Kara Silverstei­n, une dirigeante de Google dans un courriel. Outre Google, les salariés d’Alphabet, qui chapeaute plusieurs entités, dont YouTube, Waymo (voitures autonomes), Verily, Fitbit et Wing et emploie plus de 130 000 personnes à travers le monde, peuvent rejoindre le syndicat.

Des mois de tensions internes

La formation de cette organisati­on intervient après plusieurs mois de tensions internes. En 2018, des salariés de Google avaient signé une pétition demandant à leur p.-d.g., Sundar Pichai, de mettre fin à la participat­ion du groupe au programme de recherche du Pentagone baptisé Maven.

La même année, des employés avaient protesté contre l’octroi de grosses indemnisat­ions de départ à des dirigeants accusés de harcèlemen­t sexuel, dont 90 millions de dollars au patron d’Android, Andy Rubin.

Plus récemment, c’est le licencieme­nt en décembre 2020 de Timnit Gebru, qui a participé à la détériorat­ion du climat interne.

« Ce licencieme­nt a suscité l’indignatio­n chez beaucoup d’entre nous, notamment chez les Noirs et les Hispanique­s, qui sont bouleversé­s par les actions de l’entreprise et n’ont pas d’assurance sur leur avenir chez Google », dénoncent encore les fondateurs du syndicat.

Selon les fondateurs, 226 salariés ont déjà fait part de leur intention de rejoindre le syndicat, mais le chemin est encore long pour devenir un partenaire social ayant le droit de négocier des accords salariaux.

Outre Google, les salariés d’Alphabet, qui chapeaute plusieurs entités, dont YouTube, Waymo, Verily, Fitbit et Wing et qui emploie plus de 130 000 personnes à travers le monde, peuvent rejoindre le syndicat

 ?? AMY OSBORNE AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Selon les fondateurs, 226 salariés ont déjà fait part de leur intention de rejoindre le syndicat, mais le chemin est encore long pour devenir un partenaire social ayant le droit de négocier des accords salariaux.
AMY OSBORNE AGENCE FRANCE-PRESSE Selon les fondateurs, 226 salariés ont déjà fait part de leur intention de rejoindre le syndicat, mais le chemin est encore long pour devenir un partenaire social ayant le droit de négocier des accords salariaux.

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