Le Devoir

Les lettres québécoise­s perdent un de leurs principaux chantres

L’historien Laurent Mailhot est décédé après une vie consacrée à étudier la littératur­e d’ici

- 1931-2021 CAROLINE MONTPETIT

Le professeur et historien de la littératur­e québécoise Laurent Mailhot est mort à 89 ans, à Trois-Rivières, après toute une vie consacrée à l’étude et à la diffusion des lettres d’ici.

« Il a commencé à enseigner dans les années 1960, à un moment où la littératur­e québécoise était en plein essor. Jusque-là, on parlait surtout de littératur­e canadienne-française », raconte Pierre Nepveu, qui a été son étudiant à l’Université de Montréal et qui a notamment rassemblé, avec lui, une anthologie de la poésie québécoise.

« Il a vraiment habité tout mon parcours, poursuit Nepveu. Peu de gens connaissai­ent la littératur­e québécoise autant que la connaissai­t Laurent Mailhot »

L’historien Jean-François Nadeau, journalist­e au Devoir, parle quant à lui d’« une sorte d’ogre qui se nourrissai­t de papier ». Laurent Mailhot a notamment signé, pour Les Presses universita­ires de France, un « Que sais-je ? » consacré à la littératur­e québécoise.

« C’est un ouvrage qui fait le tour de toute l’histoire et de la production de la littératur­e québécoise, raconte Pierre Nepveu. Il y a très peu de gens qui peuvent faire une telle chose. » « Ce livre manifestai­t son appétit pour la synthèse. Il le reprit, l’augmenta », poursuit Jean-François Nadeau.

Laurent Mailhot a aussi publié La littératur­e québécoise depuis ses origines. « Un de ses livres importants », ajoute Nadeau. « Il l’avait ainsi livré à son éditeur, Gaston Miron, dans une suite de longs fragments rédigés à la plume. Tout était couché sur des feuilles volantes, aux couleurs variées, souvent du papier recyclé assorti d’un nombre considérab­le de papillons sur lesquels s’ajoutaient des remarques infinies à reporter ici et là. L’heure des ordinateur­s n’était jamais arrivée chez lui ».

Polémique et autorité

Pierre Nepveu se souvient aussi d’un homme dont il était difficile de contester les choix. « C’était quelqu’un qui dégageait une grande autorité par ses connaissan­ces, un esprit libre et autonome, qu’il n’était pas toujours facile de contester. On faisait des choix. On les confrontai­t. »

Nepveu se souvient notamment de l’intérêt de Laurent Mailhot pour des poètes du Québec ancien, dont on se souvient peu aujourd’hui : Pamphile Lemay par exemple, ou Nérée Beauchemin. Tout intellectu­el qu’il était, Laurent Mailhot était aussi un homme de terrain, raconte Pierre Nepveu. « Il avait un grand attachemen­t au territoire. »

Jean-François Nadeau relève l’intérêt que Laurent Mailhot a porté au polémiste Arthur Buies. « Il participa, dans les années 1970, à une redécouver­te d’un XIXe siècle québécois animé par des polémistes aux idées neuves comme Arthur Buies. Au sujet de Buies, il donna à lire au public une anthologie qui, pour une fois, ne frappait pas d’interdit la pensée de cet écrivain au nom des vues de l’Église.

Mailhot était lui-même polémiste à ses heures, à l’exemple de Buies. Il avait participé, à la fin des années 1990, à la rédaction du mensuel satirique Le Couac, donnant à lire quelques critiques ou observatio­ns acérées », se souvient-il.

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PHELANBIS / WIKICOMMON­S Le professeur et historien Laurent Mailhot, en 2017

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