Les lettres québécoises perdent un de leurs principaux chantres
L’historien Laurent Mailhot est décédé après une vie consacrée à étudier la littérature d’ici
Le professeur et historien de la littérature québécoise Laurent Mailhot est mort à 89 ans, à Trois-Rivières, après toute une vie consacrée à l’étude et à la diffusion des lettres d’ici.
« Il a commencé à enseigner dans les années 1960, à un moment où la littérature québécoise était en plein essor. Jusque-là, on parlait surtout de littérature canadienne-française », raconte Pierre Nepveu, qui a été son étudiant à l’Université de Montréal et qui a notamment rassemblé, avec lui, une anthologie de la poésie québécoise.
« Il a vraiment habité tout mon parcours, poursuit Nepveu. Peu de gens connaissaient la littérature québécoise autant que la connaissait Laurent Mailhot »
L’historien Jean-François Nadeau, journaliste au Devoir, parle quant à lui d’« une sorte d’ogre qui se nourrissait de papier ». Laurent Mailhot a notamment signé, pour Les Presses universitaires de France, un « Que sais-je ? » consacré à la littérature québécoise.
« C’est un ouvrage qui fait le tour de toute l’histoire et de la production de la littérature québécoise, raconte Pierre Nepveu. Il y a très peu de gens qui peuvent faire une telle chose. » « Ce livre manifestait son appétit pour la synthèse. Il le reprit, l’augmenta », poursuit Jean-François Nadeau.
Laurent Mailhot a aussi publié La littérature québécoise depuis ses origines. « Un de ses livres importants », ajoute Nadeau. « Il l’avait ainsi livré à son éditeur, Gaston Miron, dans une suite de longs fragments rédigés à la plume. Tout était couché sur des feuilles volantes, aux couleurs variées, souvent du papier recyclé assorti d’un nombre considérable de papillons sur lesquels s’ajoutaient des remarques infinies à reporter ici et là. L’heure des ordinateurs n’était jamais arrivée chez lui ».
Polémique et autorité
Pierre Nepveu se souvient aussi d’un homme dont il était difficile de contester les choix. « C’était quelqu’un qui dégageait une grande autorité par ses connaissances, un esprit libre et autonome, qu’il n’était pas toujours facile de contester. On faisait des choix. On les confrontait. »
Nepveu se souvient notamment de l’intérêt de Laurent Mailhot pour des poètes du Québec ancien, dont on se souvient peu aujourd’hui : Pamphile Lemay par exemple, ou Nérée Beauchemin. Tout intellectuel qu’il était, Laurent Mailhot était aussi un homme de terrain, raconte Pierre Nepveu. « Il avait un grand attachement au territoire. »
Jean-François Nadeau relève l’intérêt que Laurent Mailhot a porté au polémiste Arthur Buies. « Il participa, dans les années 1970, à une redécouverte d’un XIXe siècle québécois animé par des polémistes aux idées neuves comme Arthur Buies. Au sujet de Buies, il donna à lire au public une anthologie qui, pour une fois, ne frappait pas d’interdit la pensée de cet écrivain au nom des vues de l’Église.
Mailhot était lui-même polémiste à ses heures, à l’exemple de Buies. Il avait participé, à la fin des années 1990, à la rédaction du mensuel satirique Le Couac, donnant à lire quelques critiques ou observations acérées », se souvient-il.