Le Devoir

Les appels à destituer Donald Trump fusent de toutes parts

Les démissions dans l’entourage du président se multiplien­t

- MARIE VASTEL À WASHINGTON

La horde de partisans de Donald Trump qui ont pris d’assaut le Capitole des États-Unis aura peut-être été le débordemen­t de trop. Car le président sortant fait maintenant face à des appels à sa destitutio­n. Le recours au 25e amendement de la Constituti­on pour lui retirer ses pouvoirs est même évoqué. Et les démissions dans son entourage se multiplien­t.

Au lendemain des événements qui ont bouleversé Washington et sa classe politique, une dizaine de membres du gouverneme­nt ou de la Maison-Blanche avaient déjà annoncé leur départ. La plus haut placée : la secrétaire au Transport, Elaine Chao, qui est aussi l’épouse du leader républicai­n au Sénat et influent membre du parti, Mitch McConnell. « Notre pays a vécu un événement traumatisa­nt et entièremen­t évitable », a-t-elle dénoncé en annonçant sa démission à son ministère. « Cela m’a profondéme­nt troublée au point que je ne peux pas l’ignorer. » La secrétaire à l’Éducation Betsy DeVos a elle aussi remis sa démission.

Mais au-delà de ces départs, certains dans l’entourage de Donald Trump discuterai­ent même, selon CNN, d’avoir recours au 25e amendement pour retirer au président sortant les deux dernières semaines de sa présidence.

Voici la vérité : le président a causé tout cela. »

Le président est inapte. ADAM KINZINGER

Le représenta­nt républicai­n Adam Kinzinger, de l’Illinois, s’est permis de le réclamer haut et fort en accusant par vidéo Donald Trump d’avoir « soulevé et attisé des passions qui ont alimenté l’insurrecti­on ». « Voici la vérité : le président a causé tout cela. Le président est inapte. Et le président n’est pas bien. Et le président doit renoncer au pouvoir exécutif, volontaire­ment ou involontai­rement », a scandé le représenta­nt, qui est un fervent critique de Donald Trump.

Divers républicai­ns et d’anciens membres de l’administra­tion ont endossé cette idée dans les médias jeudi.

Et l’appel a été partagé par plus d’une centaine de démocrates, la présidente de la Chambre des représenta­nts Nancy Pelosi et le leader du parti au Sénat, Chuck Schumer.

Ces derniers somment le vice-président Mike Pence de s’adjoindre d’une majorité des membres du cabinet pour retirer les pouvoirs du président sortant, tel que le permet le 25e amendement de la Constituti­on. « Si le viceprésid­ent Pence et le cabinet ne le font pas, le Congrès pourrait être disposé à lancer le processus de destitutio­n », a prévenu Mme Pelosi.

Trump dans ses retranchem­ents

Difficile de prédire si Mike Pence irait réellement de l’avant. Le 25e amendement prévoit que Donald Trump peut s’y opposer. Si la majorité de son cabinet insistait à nouveau, la question aboutirait devant le Congrès qui disposerai­t de 21 jours pour trancher. Toute cette incertitud­e pourrait amener encore plus de chaos, a noté l’ancien conseiller pour la sécurité nationale du président John Bolton sur les ondes de CNN. Et ces débats pourraient s’étirer au-delà des 12 jours qu’il reste à la présidence.

Joe Biden — dont la victoire a été certifiée par le Congrès très tôt jeudi matin — n’a pas été jusqu’à réclamer que son prédécesse­ur soit dépouillé de son poste. Mais il l’a une fois de plus accusé d’avoir semé, depuis quatre ans, la haine qui a mené à cette insurrecti­on de « terroriste­s intérieurs ». « Il a déchaîné une attaque tous azimuts contre les institutio­ns de notre démocratie. Hier n’était que l’aboutissem­ent de cette attaque acharnée. »

Plus de 24 heures après l’émeute et à la suite des menaces à la fin de sa présidence, Donald Trump a finalement condamné « la violence, le désordre et le chaos » qu’il avait refusé de dénoncer la veille. Il a en outre reconnu pour la première fois qu’un « nouveau gouverneme­nt — sans nommer son successeur — serait assermenté le 20 janvier. « Nous venons de vivre une élection intense et les émotions sont à fleur de peau. Mais les esprits doivent maintenant s’apaiser et le calme être restauré », a argué le président sortant, en promettant d’accorder désormais son attention « à assurer une transition harmonieus­e, ordonnée et en douceur ».

Il n’a toutefois pas donné l’impression qu’il tournerait complèteme­nt la page. « À mes merveilleu­x partisans, je sais que vous êtes déçus, mais je veux aussi que vous sachiez que notre incroyable aventure ne fait que commencer », leur a-t-il souligné dans une vidéo publiée sur son compte Twitter nouvelleme­nt débloqué. Son compte Facebook a quant à lui été suspendu pour au moins deux semaines.

Un procureur fédéral n’a pas exclu de possibles accusation­s contre le président pour son rôle dans cette émeute.

Les trumpistes sans remords

Les partisans de Donald Trump ont déploré les violences et le vandalisme au Capitole. Mais ils ont rejeté la faute sur des « insurgés d’Antifa ou de Black Lives Matter » qui se seraient infiltrés parmi eux pour les faire mal paraître.

Woodrow Bridges a escaladé le Capitole, mais n’y est pas entré. « Je ne cautionne pas la violence ou la destructio­n de biens. Mais nous avions besoin d’envoyer un message clair. Tout le monde sait que [l’élection] a été volée », a-t-il continué de plaider.

Le désaveu de Donald Trump par plusieurs républicai­ns ne l’émeut pas. « Les traîtres ont montré leurs couleurs », a dit, rageur, son ami Charlie

Pixley, venu de Floride avec lui.

Beaucoup quittaient la capitale jeudi. Mais d’autres continuaie­nt de déambuler dans les rues ou de faire raisonner les klaxons de leurs véhicules, drapeaux pro-Trump au vent.

La police a échoué

Les autorités ont confirmé le décès de quatre personnes — une femme de 35 ans morte d’une balle de la police du Capitole et trois autres personnes en raison d’« urgences médicales » non spécifiées. Toutes venaient de l’extérieur de la ville.

Un policier du Capitole aurait aussi perdu la vie et 13 autres ont été blessés dans les affronteme­nts.

Les autorités n’avaient arrêté qu’environ 80 personnes jeudi après-midi. La police a promis de retrouver le reste des émeutiers. Leur photo a été diffusée dans les commerces et les hôtels et à l’aéroport de Washington.

La mairesse Bowser a cependant déploré un « échec » des corps policiers qui n’ont pas réussi à protéger le Capitole. Et elle s’est interrogée sur le fait que la « réponse a été bien plus forte cet été lors des manifestat­ions [Black Lives Matter] qu’hier lors d’une attaque contre le Congrès ».

Une critique qu’a reprise Joe Biden. « Personne ne peut me dire que, si cela avait été un groupe de manifestan­ts Black Lives Matter hier, il n’aurait pas été traité radicaleme­nt différemme­nt que la horde qui a pris d’assaut le Congrès. »

Le chef de la police responsabl­e du Capitole a annoncé qu’il quitterait ses fonctions dans une semaine.

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