Le Devoir

L’industrie aérienne entière est à l’agonie

- Andréanne Charlebois Directrice de vol chez Air Transat

Le regard de certains est porté sur les voyageurs, « grands contaminan­ts » de COVID. Pourtant, les chiffres publiés récemment démontrent que la population qui est sagement demeurée chez elle a largement participé à la transmissi­on du virus pendant la période des Fêtes.

Beaucoup s’indignent envers ces voyageurs qui ont choisi de quitter le nid quelques jours pour aller faire le plein d’énergie au soleil et même pour se rendre au chevet d’un membre de famille. Mais personne ne s’indigne lorsqu’Ottawa ne verse pas un sou au secteur aérien depuis 10 mois quand tous les pays du G7 ont aidé leurs compagnies aériennes.

Personne ne s’indigne que le ministre Garneau n’ait contacté les dirigeants des grandes entreprise­s aériennes que plus de neuf mois après le début de la pandémie.

Personne ne s’indigne que le gouverneme­nt vienne de mettre la responsabi­lité des tests de COVID sur les dos des compagnies aériennes et des pays étrangers plutôt que d’en prendre la responsabi­lité aux aéroports canadiens.

Personne ne s’indigne que des tests sont en cours à l’aéroport de Calgary et prouvent l’efficacité d’un test COVID à l’arrivée (un projet pilote semblable a aussi été fait à Toronto), mais que cette pratique n’a pas été élargie à l’ensemble du territoire canadien.

Personne ne s’indigne quand l’industrie aérienne entière est à l’agonie.

Personne ne s’indigne quand on pense aux gens touchés de façon directe ou indirecte par cette agonie. Oui, je suis directrice de vol et clouée au sol malgré mes 26 années d’ancienneté chez Air Transat, mais mis à part les membres d’équipage, il ne faut pas oublier tous les blessés collatérau­x et je nomme, entre autres, les douaniers, les agents des tours de contrôle, les mécanicien­s, les employés des commerces aéroportua­ires, les chauffeurs de taxi, etc.

Personne non plus ne constate que les mesures sanitaires sont en place dans les aéroports, dans les avions, dans les hôtels, dans les pays étrangers. Bien des mesures ont évolué depuis le mois de mars, et ce, partout dans le monde, mais notre gouverneme­nt n’a pas réajusté le tir pour aider l’industrie de l’aviation.

Début janvier, 154 membres du personnel navigant cabine (agents de bord et directeurs de vol) sur 2000 sont en poste chez Air Transat. Le gouverneme­nt ne cesse de clamer qu’il aide les compagnies aériennes avec la SSUC, mais soyons clairs, si nous ne bénéficion­s pas de la SSUC, nous serions tous à l’assurance emploi. (Air Transat a choisi la SSUC, mais Air Canada a mis à pied ses employés, donc ils bénéficien­t de l’AE).

De plus, en proposant la SSUC, le gouverneme­nt aide l’employé mais en n’aidant pas le secteur, ce même employé se retrouvera sans emploi puisque ledit secteur s’éteindra. Sans vol, sans client, sans voyage, etc. il n’y aura plus d’emploi.

Depuis des mois nous demandons des tests à l’arrivée aux aéroports canadiens, nous demandons aussi une réduction de la quarantain­e (avec un résultat négatif évidemment), mais personne ne nous écoute.

Le gouverneme­nt vient de demander un test trois jours avant l’arrivée, comme si ce test ne permettait pas d’être infecté durant les derniers jours d’un séjour à l’étranger, et en se fiant à des tests de pays étrangers sans même s’informer si les pays ont la capacité de fournir ces tests et de la fiabilité des tests disponible­s à l’étranger. Nous avons l’expertise de le faire au Canada, directemen­t à l’aéroport, et nous aurions ainsi une garantie du résultat.

Ce que tous les gens de l’aviation espèrent, c’est que l’attention cesse d’être portée sur le voyageur et dirigée vers l’industrie qui se meurt et l’inaction flagrante du gouverneme­nt.

Ce que je souhaite, c’est que quelqu’un entende notre cri du coeur et le partage.

Je me permets de parler au nom de tous mes collègues membres d’équipage. Nous sommes passionnés par ce métier, nous vivons dans l’insécurité depuis des mois et n’espérons qu’une seule chose, c’est de pouvoir voler de nouveau. Mais pour ce faire, quelqu’un devra nous tendre la main avant le « crash ».

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