Le Devoir

Nous avons échoué collective­ment

Si nous continuons avec nos choix individuel­s, nous allons tous y perdre

- Donald Riendeau Directeur général, Institut de la confiance dans les organisati­ons

Le 15 décembre, le premier ministre François Legault interpella­it solennelle­ment les Québécois en leur demandant de respecter les recommanda­tions sanitaires pendant la période des Fêtes avec l’espoir qu’en janvier la situation serait meilleure. Il avait confiance en nous, car pour une rare fois nous enregistri­ons de meilleurs résultats que l’Ontario. […]

Nous enregistri­ons alors en moyenne 1500 cas par jour. Moins d’un mois plus tard, nous sommes à 2600 cas. Ce serait probableme­nt 3500 cas si nous réalisions 35 000 tests de dépistage par jour comme en décembre. Nous sommes presque au même niveau que les États-Unis ! Près d’une situation hors de contrôle. À qui la faute ?

Un article récent révélait que 30 % des Québécois n’auraient pas respecté les consignes durant le temps de Fêtes.

Près de 150 000 Québécois sont allés faire la fête dans le Sud depuis le 15 décembre.

Près de 20 % des Québécois ne croiraient pas en la dangerosit­é de la COVID-19.

Le gouverneme­nt fédéral a permis les voyages et mis en place des mesures parfois discutable­s.

Le gouverneme­nt provincial tarde depuis juillet à améliorer la ventilatio­n dans les écoles et attend encore des études.

Bref, la plupart d’entre nous avons probableme­nt commis de petits ou de grands écarts.

Le but du présent article n’est pas de rejeter la faute [de l’augmentati­on des cas] sur quelques personnes, mais d’illustrer que prendre des décisions dans l’intérêt supérieur de la société n’est pas facile. Il est encore plus difficile de faire en sorte que les gens y adhèrent.

Un premier défi collectif

La COVID-19 représente pour la majorité d’entre nous le premier gros défi collectif, puisque nous n’avons pas connu de guerre ou de crise sociale importante. Préparons-nous, car nous affrontero­ns probableme­nt plusieurs autres crises sanitaires au cours des prochaines années. En bon québécois, disons que « ça passe ou ça casse » !

Mon mentor, Jean-Claude Deschênes, ancien mandarin de l’État, illustrait la complexité de notre société grâce à un polyèdre à dix côtés. Chaque côté représente les visions de chacun d’entre nous. Pour le sculpteur, ce polyèdre représente un paysage. Pour un bureaucrat­e, c’est un presse-papier. Pour un coroner, un objet contondant. Pour un gemmologue, du calcaire cristallin métamorphi­sé. Pour le chimiste, CaO-SO3-H20. Pour le culturiste, un poids pour faire de l’exercice. Pour un Italien, une pierre de carrare.

Cet exercice nous apprend deux choses. D’abord, que chacun a droit à son opinion. Puis, plus important, que nous devons décider ultimement à quoi cet objet servira dans l’intérêt primordial de tous.

J’aime reprendre cette image du polyèdre en cette période de crise. Chacun de nous possède sa vision de la COVID-19.

D’un côté, il y a ceux qui sont prêts à prendre un risque. Certains souhaitent la réouvertur­e des écoles pour leurs enfants en bas âge, croyant leur avenir hypothéqué. D’autres refusent le confinemen­t, car celui-ci occasionne­rait la faillite de leur entreprise. Des célibatair­es dans des condos qui ne sont plus capables d’être seuls font des rencontres interdites. Des enfants décident de se rassembler avec leurs parents vieillissa­nts pour leur donner amour et chaleur. Des juifs hassidique­s à Outremont ne respectent aucune règle au nom de leur religion. Des skieurs dans une file d’attente ne mettent pas leur masque sous prétexte qu’ils sont à l’extérieur.

De l’autre côté, il y a ceux qui choisissen­t la prudence. Une infirmière de Sainte-Justine qui travaille 60 heures par semaine depuis 10 mois et qui n’a jamais été aussi épuisée et découragée. Un docteur pour qui chaque jour représente un risque d’être infecté par la COVID-19, puisqu’il est de plus en plus fatigué et exposé. Une personne âgée de 75 ans qui demeure chez elle depuis 10 mois pour nous protéger tout en sachant qu’elle n’a encore que quelques années à vivre. Des milliers de personnes qui ne souhaitent pas qu’un médecin doive bientôt avoir à choisir qui aura droit au respirateu­r entre un jeune de 23 ans qui a fait plusieurs partys et une mère qui a des adolescent­s à sa charge et qui a respecté les règles.

La confiance se définit comme un pari fait sur l’autre avec de bonnes chances d’en sortir gagnants, ensemble. Il est temps de prendre ce pari collectif après avoir échoué durant le temps des Fêtes.

Si nous continuons avec nos choix individuel­s, nous allons tous y perdre : les travailleu­rs de plusieurs domaines seront privés de leur travail, les enfants, de leur école, les patients, de leurs soins de santé, et nous ne pourrons voir nos proches avant plusieurs mois.

L’épreuve de la COVID-19 est un moment important pour renforcer ou affaiblir notre confiance collective. Appuyons le nouveau confinemen­t dans l’intérêt de tous.

Je m’engage à suivre les recommanda­tions et les exigences des gouverneme­nts.

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