Trouver son Québec au dernier kilomètre
C’est d’abord et avant tout un coup de foudre pour la Gaspésie qui aura mené l’Ivoirien d’origine Jean-François Kacou au poste de directeur général de la Ville de Percé
« Le rocher percé, c’est la tour Eiffel du Canada ! » Quand Jean-François Kacou parle de la ville pour laquelle il travaille, son sourire s’étire comme la route qu’il faut prendre pour s’y rendre. « Il y a une fierté. C’est une icône. » La première fois qu’il posera son regard sur le monument de calcaire aura été d’ailleurs déterminante pour l’Ivoirien d’origine.
« Dès que je passe la Côte Surprise, il y a quelque chose qui vient dans le coin de mon oeil. Je me retourne et je vois le rocher. Et il faisait beau ce jour-là. Le soleil frappait sur le rocher. Quand j’ai vu le rocher, à l’intérieur de moi, j’ai pris la ferme résolution de rester à Percé. Je me suis dit, c’est fini, j’ai fait mon choix. J’ai regardé les autres régions. J’ai pesé le pour et le contre. Même si je n’ai pas la job, je reste ici. C’est ici que je veux être. »
Jean-François Kacou passe par la France, puis Montréal, avant de s’ancrer en Gaspésie en 2019. « Dès que je suis sorti de Montréal, je me suis dit quelle erreur ! Parce que c’est complètement différent ! On ne peut pas comparer. »
À la recherche d’un emploi dans le « développement économique », c’est un peu sans savoir dans quoi il s’embarque que Jean-François Kacou sollicite le poste de directeur général de Percé. « Je n’ai jamais travaillé pour une municipalité de ma vie », se disait-il, alors Montréalais. « Je vais postuler parce que tout s’apprend sur la Terre, se dit-il. Tout s’apprend. »
Il prend un air surpris lorsqu’il raconte le premier appel de sa patronne, la mairesse Cathy Poirier. « Elle me dit : « Ce qui m’a marqué, c’est votre photo ». Parce qu’ici, les gens ne mettent pas leur photo dans leur CV ! Moi, je mets ma photo sur mon CV. “Ce qui m’a marqué, c’est votre photo, c’est votre sourire, c’est votre posture” », confie-t-il.
« Quand elle m’envoie l’invitation pour l’entrevue d’embauche, je me prépare ! Je fais un plan stratégique de développement de la ville de Percé, avant l’entretien ! Je fais un quatre page, propre. J’analyse la ville. Je vais partout. Je regarde la revue de presse.
Je regarde les conseils municipaux. Je commence à apprendre les résolutions, les numéros de résolutions. Je me renseigne sur la ville », énumère-t-il en rigolant. Sa rigueur paie lorsqu’en entrevue, après quelques réponses peu convaincantes sur les réseaux d’égouts et d’aqueduc, on lui demande sa vision pour l’économie de la Ville. « Là, c’est moi qui prends le contrôle de l’entrevue et je montre de ce que j’ai fait. Et puis elle me dit : « Wow, Monsieur
Kacou, franchement, vous avez pensé à des choses que même moi je n’ai pas pensées. »
Du pain sur la planche
À travers l’écran, Jean-François Kacou est pratiquement inarrêtable quand on le questionne sur les projets de sa municipalité. Une rue écologique, un nouveau parc municipal, des recherches en intelligence artificielle sur le tourisme durable, un nouvel outil de détection des nids-de-poule, la liste semble sans fin.
« On un territoire 1,2 fois plus grand que Montréal et on a un budget 1000 fois inférieur. […] J’ai 110 kilomètres de route, mais j’ai un budget limité au niveau de la voirie. Donc, je dois innover tout le temps. »
Énième création de la Ville de Percé, une école d’agriculture pourrait bientôt voir le jour dans l’arrière-pays. Il dit y voir une manière d’assurer un peu plus la sécurité alimentaire de la Gaspésie. « On est le dernier kilomètre. Qu’on le veuille ou non, les chaînes de logistiques ne vont jamais changer parce qu’il y a 3000 habitants à Percé qui ne vont pas recevoir de nourriture. »
Certains raillent ses idées débordantes, mais les moqueries et la malice de certains citoyens ne découragent en rien Jean-François Kacou. « C’est pas grave si les gens rigolent. Tant mieux, si les gens rigolent, ça donne la force pour aller plus loin. Ça donne la force pour être dynamique et apporte quelque chose de positif dans la vie des gens. […] Autant aller jusqu’au bout, se poser des questions et bousculer le statu quo. »