Le Devoir

Apprendre autrement

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Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a pris les devants en ce début 2021 pour annoncer l’annulation des examens ministérie­ls de fin d’année au primaire et au secondaire en raison de l’urgence sanitaire. À quelques heures du retour du grand confinemen­t, couvrefeu en prime, cette mesure s’imposait pour donner un peu de répit aux enfants et aux adolescent­s. Nous n’en sommes plus au temps d’arrêt de mars dernier, lorsque la pandémie avait perturbé les 16 semaines restantes du calendrier scolaire après la semaine de relâche. Au terme de la pause estivale, la rentrée s’est déroulée à l’aune de l’incertitud­e et des mesures d’urgence. À partir d’octobre, les étudiants de la 3e à la 5e secondaire ont repris avec l’enseigneme­nt à distance une journée sur deux. En dehors de leur bulle-école, leurs activités de socialisat­ion ont été restreinte­s audelà du raisonnabl­e avec les conséquenc­es que l’on sait sur leur équilibre mental. Le taux d’échec n’a jamais été aussi grand au Québec, une nation qui fait déjà piètre figure en matière de décrochage scolaire.

Cette jeunesse vit avec une anxiété exacerbée par rapport aux génération­s précédente­s, résultat d’une exposition permanente aux réseaux sociaux et de la pression qu’ils génèrent, de leur conscience aiguë des périls qui guettent l’espèce humaine en raison de l’urgence climatique et de cette foutue pandémie qui n’en finit plus de les isoler de leurs pairs, à une époque charnière de leur développem­ent où ils ont tant besoin d’un cercle d’amis.

S’il y a un moment dans l’histoire où l’annulation des examens ministérie­ls est justifiée, c’est bien cette année. On ne gagnera rien à évaluer des compétence­s sur la base de critères ministérie­ls quand tout le Québec a le moral dans les talons. Pas quand les profs n’arrivent plus, malgré leur meilleure volonté, à recréer en téléenseig­nement la richesse des interactio­ns en classe. Pas quand les étudiants sont distraits, minés et affectés par les conséquenc­es de la pandémie sur leur développem­ent.

S’ils avaient été maintenus, les examens ministérie­ls auraient mis en exergue les inégalités sociales qui minent les chances de réussite des jeunes. Selon le milieu socio-économique, le soutien parental, les difficulté­s d’apprentiss­age, les défis d’intégratio­n, etc., les lignes de fracture entre le bulletin de la réussite et celui de l’échec auraient été encore plus grandes. À ce chapitre, les mesures d’aide supplément­aires annoncées (mentorat, soutien psychologi­que, etc.) tombent à point nommé, mais elles devront atteindre les plus fragiles et les plus vulnérable­s, ceux qui tombent si facilement hors des mailles du filet de sécurité sociale.

Ces jeunes n’ont pas de voix ni de lobby pour se faire entendre. Pour la suite de notre monde, il faudra leur porter assistance pour des années à venir, bien au-delà de la fin de l’urgence sanitaire.

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