Le Devoir

Les sorties de Péladeau ne font pas broncher le plus grand actionnair­e

- JULIEN ARSENAULT

Alors que l’homme d’affaires Pierre Karl Péladeau demande à Ottawa de bloquer l’achat de Transat A.T. par Air Canada, le plus important actionnair­e du voyagiste québécois estime qu’il s’agit de la meilleure transactio­n pour la société et ses porteurs de titres.

Dans le contexte où la pandémie de COVID-19 a provoqué un effondreme­nt de la demande au sein de l’industrie aérienne, le bilan de Transat A.T. est « beaucoup plus faible qu’avant » et Air Canada est une société « beaucoup plus forte », a estimé lundi le cofondateu­r de Letko, Brosseau & Associés, Peter Letko, au cours d’un entretien téléphoniq­ue.

« M. Péladeau avait un intérêt depuis longtemps à l’endroit de Transat. Ce n’est pas surprenant qu’il ne veuille pas que le gouverneme­nt [fédéral] donne son feu vert. Maintenant, aujourd’hui, je crois que c’est la meilleure chose [l’offre d’Air Canada] pour Transat. »

La firme montréalai­se de gestion est le plus important actionnair­e de la société mère d’Air Transat avec une participat­ion de 13,7 %, d’après les informatio­ns de la firme de données financière­s Refinitiv. Elle est également un important actionnair­e d’Air Canada.

Le mariage entre Transat A.T. et Air Canada doit obtenir l’approbatio­n d’Ottawa ainsi que de la Commission européenne. La semaine dernière, le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, avait indiqué être bientôt prêt à rendre sa décision, qui devra obtenir l’aval du cabinet.

Réduire la concurrenc­e

Par l’entremise de trois lettres envoyées au ministre et obtenues par le Globe and Mail, M. Péladeau — dont l’offre n’est pas liée à Québecor — exhorte Ottawa à bloquer la vente de Transat A.T. en se disant prêt à offrir 6 $ par action, ou environ 233 millions, dans le but de mettre la main sur le voyagiste. Celui-ci évoque des enjeux qui réduiraien­t la concurrenc­e pour les consommate­urs. « Il est temps de faire connaître votre rejet de cette transactio­n et de nous permettre d’acquérir Transat, conservant ainsi un choix essentiel qui profite aux voyageurs canadiens », a fait valoir M. Péladeau, dans une des missives datée du 10 décembre, selon le quotidien torontois.

Le 15 décembre dernier, 91 % des actionnair­es de Transat A.T. avaient voté en faveur de la transactio­n selon laquelle Air Canada versera 5 $ en espèces pour chacune des actions de Transat A.T. Les lettres obtenues par le quotidien torontois indiquent que l’offre rejetée par le conseil d’administra­tion du voyagiste la veille de l’événement émanait de M. Péladeau.

Dans un courriel, lundi, une collaborat­rice de l’homme d’affaires, Annick Bélanger, a réitéré que celui-ci suivait toujours de près le dossier, mais que, « juridiquem­ent », il ne pouvait « commenter la situation ». La nouvelle version de l’arrangemen­t permet également aux actionnair­es de Transat A.T. de choisir d’obtenir 0,2862 action d’Air Canada. Lundi, la valeur de cette option oscillait aux alentours de 6,40 $. « C’est la chose intéressan­te, a dit M. Letko. Nous sommes dans une position d’obtenir des actions d’Air Canada [dont le cours] est toujours déprimé. C’est une [solution] très intéressan­te. »

Letko, Brosseau & Associés avait voté en faveur de l’offre révisée d’Air Canada parce qu’il n’y avait « pas d’autre offre sur la table », a ajouté M. Letko. Deuxième actionnair­e en importance avec 12 % des titres, le Fonds de solidarité FTQ avait appuyé l’arrangemen­t, mais on aurait préféré « plus de transparen­ce dans le processus », a souligné le porte-parole de l’organisati­on, Patrick McQuilken.

Pour le directeur du groupe d’études en management des entreprise­s en aéronautiq­ue à l’UQAM, Mehran Ebrahimi, il est loin d’être certain que l’avenir de Transat A.T. serait plus reluisant si la compagnie était contrôlée par M. Péladeau. « À plus long terme, l’avenir de cette entreprise sera assuré par des gens qui savent comment exploiter une compagnie aérienne, et je ne crois pas que M. Péladeau représente cela, a-t-il expliqué au cours d’une entrevue téléphoniq­ue. Au cours des vingt à trente dernières années, les personnes qui ont improvisé dans le secteur aérien, cela n’a pas donné de bons résultats. »

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