Le Devoir

Beaucoup de bagages, mais peu d’amendes

Ottawa ignore le portrait complet du respect de la quarantain­e

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Les voyageurs qui franchisse­nt la frontière canadienne respectent-ils la quarantain­e obligatoir­e ? Chose certaine, ils sont rarement punis : un total de trois contravent­ions ont été distribuée­s à travers le pays depuis Noël, selon l’Agence de santé publique du Canada (ASPC)… qui reconnaît toutefois ne pas pouvoir dresser un portrait complet de la situation.

Dans les faits, celui-ci demeure inconnu autant à Ottawa qu’à Québec, révèlent les démarches faites par Le Devoir cette semaine. Et personne ne peut évaluer la solidité globale du processus en place pour contrôler les voyageurs de retour — notamment ceux qui sont allés tester les eaux du Sud pendant les Fêtes.

C’est qu’à Québec, on souligne que « le respect de la quarantain­e imposée aux voyageurs qui reviennent au Canada est sous la responsabi­lité du gouverneme­nt fédéral et relève notamment de Santé Canada et de la GRC ». « Le ministère de la Sécurité publique ne compile aucune statistiqu­e » à cet égard.

Or, à Ottawa, l’ASPC ne compile que ce qu’elle a sous la main, en faisant remarquer que « les forces de police locales ne sont pas tenues d’envoyer [à l’Agence] des informatio­ns sur les mesures d’applicatio­n de la Loi sur la mise en quarantain­e ».

En date du 5 janvier, l’ASPC indique « être au courant » de 126 contravent­ions distribuée­s au pays « par les forces de l’ordre locales » depuis la mise en oeuvre du décret sur l’obligation de s’isoler après un voyage, le 25 mars dernier. Par rapport au 23 décembre, il s’agit d’une augmentati­on de trois amendes (deux douzaines d’avertissem­ents ont aussi été signifiés).

L’ASPC souligne dans sa réponse que pour avoir une meilleure idée des interventi­ons faites, il faut valider avec les « autorités policières locales ».

Mais parmi celles qui ont été contactées par Le Devoir, les services de police de Toronto (14 contravent­ions pour non-respect de la quarantain­e depuis mars 2020) et de Vancouver (5 contravent­ions depuis mars, dont une depuis les Fêtes) étaient les seules à avoir des statistiqu­es.

Au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), on a plutôt répondu que « c’est la Gendarmeri­e royale du Canada [GRC] qui assure le suivi en ce qui a trait à l’obligation de quarantain­e imposée aux voyageurs qui sont de retour au pays ». En réalité, c’est plus ou moins le cas.

La GRC joue bien un rôle de coordinati­on dans la transmissi­on des informatio­ns entre les autorités fédérales et les corps de police locaux, indique une porteparol­e, Caroline Duval. Mais « concernant la mise en applicatio­n du décret fédéral », la GRC n’agit que sur son « territoire de compétence policière ».

Les voyageurs qui reviennent au Canada passent d’abord par le filtre des agents de l’Agence des services frontalier­s du Canada (ASFC), qui valident leur plan de quarantain­e. L’ASPC prend ensuite le relais et fait différente­s « vérificati­ons de la conformité » auprès des voyageurs, par courriel et par téléphone. D’autres vérificati­ons peuvent être faites par les forces de l’ordre locales : celles-ci sont averties par la GRC, qui reçoit les informatio­ns directemen­t de l’Agence de la santé publique.

Ultimement, ce sont les policiers locaux qui « déterminen­t les mesures appropriée­s d’applicatio­n de la Loi » sur la mise en quarantain­e, précise Caroline Duval. Suivant cela, « il revient aux services de police provinciau­x et municipaux de fournir les données » d’interventi­ons à l’ASPC, indique la GRC. Mais c’est cette étape qui est volontaire et qui fait en sorte que l’ASPC ne sait pas exactement qui fait quoi et où.

Pour ce qui est de la GRC, elle a distribué 85 amendes pour non-respect de la quarantain­e, cela depuis le 25 mars dernier. Les données disponible­s s’arrêtent au 1er janvier 2021. En décembre, 9 contravent­ions ont été signalées par des agents de la GRC (moyenne de 1111 $ chacune).

L’essentiel des actions de la GRC se situe ailleurs : ses agents sont entrés en contact avec près de 5300 voyageurs depuis mars « pour faire l’objet d’un suivi ». On note de ce côté que « le résultat le plus courant [était] une visite où le décret était respecté du fait que le voyageur était bien en quarantain­e ». On ne recense toujours que deux personnes accusées de ne pas avoir respecté la quarantain­e.

La GRC dit prioriser la collaborat­ion avec les contrevena­nts, et que les « mesures de répression sont un dernier recours ».

Québec veut plus de surveillan­ce

La question de la surveillan­ce des voyageurs de retour au pays avait provoqué des flammèches avant Noël. Parmi d’autres, le gouverneme­nt du Québec estimait qu’Ottawa devait se montrer plus sévère. Le premier ministre Trudeau avait répliqué que le Canada avait « déjà des mesures extrêmemen­t fortes en place par rapport à la quarantain­e », et que cette mesure s’était révélée « extrêmemen­t efficace » depuis le début de la pandémie.

Depuis, le fédéral a ajouté une obligation pour les voyageurs à présenter un test négatif à la COVID-19 avant de pouvoir prendre un vol vers le Canada.

Au cabinet du ministre québécois de la Santé, Christian Dubé, on réitérait mercredi le fait que le fédéral doit « intensifie­r ses efforts et sa contributi­on » afin de s’assurer que les voyageurs respectent la quarantain­e. « Nous nous attendons à un suivi beaucoup plus serré des voyageurs qui reviennent », soutient l’attachée de presse du ministre, Marjaurie Côté-Boileau. « C’est à eux de s’assurer que tous les effectifs sont déployés et que des mesures rigoureuse­s sont prévues pour contrôler la transmissi­on du virus » à travers les retours de voyage.

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ADIL BOUKIND LE DEVOIR Le fédéral oblige maintenant les voyageurs à présenter un test négatif avant de rentrer au Canada

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