Le Devoir

Donald Trump accusé une deuxième fois

- MARIE VASTEL À WASHINGTON

Donald Trump compte maintenant à son bilan présidenti­el deux accusation­s du Congrès dans le cadre de procédures de destitutio­n. La Chambre des représenta­nts des États-Unis l’a formelleme­nt accusé mercredi d’avoir incité aux violences au Capitole.

La majorité démocrate, appuyée par 10 représenta­nts républicai­ns, a voté à 232 voix pour accuser le président sortant, contre 197 républicai­ns qui s’y sont opposés. Donald Trump est non seulement le premier président à avoir été ainsi blâmé à deux reprises par la Chambre, mais aussi celui à l’avoir été par le plus grand nombre d’élus de son propre parti. Les républicai­ns n’avaient pas imposé la ligne de parti à leurs troupes, contrairem­ent à l’an dernier.

Dix élus ont ainsi brisé les rangs, malgré les menaces qui sont proférées à l’endroit de tous les républicai­ns qui ne défendent pas le président.

C’est le cas de la représenta­nte du Wyoming Liz Cheney — numéro trois des républicai­ns à la Chambre — qui avait accusé Donald Trump mardi d’avoir « trahi » son serment à la Constituti­on. Certains de ses collègues ont aussitôt réclamé qu’elle perde son poste au leadership du parti.

Dan Newhouse, de l’État de Washington, a lui aussi reproché au président

d’avoir « enflammé la foule » de partisans trumpistes la semaine dernière. « Il n’a pas fermement condamné l’attaque ni appelé des renforts lorsque les policiers [du Capitole] ont été dépassés. » De s’opposer au processus de destitutio­n revient à « cautionner l’inaction du président Trump », a-t-il reproché à l’endroit de ses collègues.

Au terme de deux heures de débats, la majorité des 211 représenta­nts républicai­ns ont néanmoins rejeté la résolution démocrate accusant le président sortant et visant à l’empêcher de pouvoir briguer de nouveau une élection fédérale.

Tour à tour, les républicai­ns ont accusé les démocrates d’avoir entamé la procédure de destitutio­n par pure ambition politique et de précipiter le processus sans tenir d’audiences ou offrir un droit de réplique au président.

Ils ont en outre pour la plupart défendu Donald Trump, niant qu’il ait encouragé ses partisans à prendre d’assaut le Capitole pour empêcher les élus de confirmer la victoire de Joe Biden.

Tom McClintock, de la Californie, a consenti le fait que le ton de confrontat­ion du président n’était pas approprié en plein climat de tension politique. « Mais est-ce digne d’une destitutio­n ? C’est ce qu’on appelle la liberté d’expression », a-t-il argué. « Si l’on destituait tous les politicien­s qui donnent un discours enflammé devant une foule de partisans, cette capitale serait désertée. Voilà ce que le président a fait. C’est tout ce qu’il a fait. […] Chaque mouvement compte une frange d’extrémiste­s fous », a défendu M. McClintock.

Responsabl­e, mais pas coupable

Le leader des républicai­ns à la Chambre, Kevin McCarthy, avait laissé présager l’issue du vote pour son parti. Il a causé la surprise en reconnaiss­ant pour sa part que le président est en partie responsabl­e de la tentative d’insurrecti­on au Capitole. « Il aurait dû dénoncer immédiatem­ent la horde d’émeutiers lorsqu’il a vu ce qui se passait », a-t-il tranché.

Mais M. McCarthy s’est néanmoins opposé à endosser le processus de destitutio­n. Car il « divisera encore davantage le pays » et « attisera davantage les flammes des divisions partisanes », a-t-il plaidé. Le leader républicai­n préférerai­t imposer une motion de censure à Donald Trump, ce qui le réprimande­rait publiqueme­nt sans pour autant le menacer de destitutio­n ou d’autres sanctions.

Les démocrates et la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, ont toutefois répété que le président ne pouvait rester en poste un seul jour de plus. « Nous savons que le président des États-Unis a incité à cette insurrecti­on, cette rébellion armée contre notre pays. Il doit partir. Il pose un danger immédiat et manifeste au pays », a insisté Nancy Pelosi en ouvrant le débat.

« Aujourd’hui, de façon bipartisan­e, la Chambre a démontré que personne n’est au-dessus de la loi. Pas même le président des États-Unis », a-t-elle applaudi à la suite du vote.

Le Sénat attendra

Ce verdict de la Chambre basse accuse officielle­ment le président d’avoir commis un acte grave passible de destitutio­n. Mais il revient au Sénat de tenir le procès de Donald Trump. Un processus qui n’a encore jamais abouti à la condamnati­on d’un président américain.

Les sénateurs reprendron­t cependant leurs travaux mardi prochain et la procédure de destitutio­n n’est pas à l’horaire avant mercredi après-midi — soit lorsque Joe Biden aura été assermenté et que le mandat de Donald Trump sera terminé.

Le leader républicai­n au Sénat, Mitch McConnell, a confirmé à son homologue démocrate Chuck Schumer qu’il n’acceptera pas de convoquer la Chambre haute plus tôt que prévu. « Même si le Sénat agissait dès cette semaine et rapidement, aucun verdict final ne pourrait être livré avant que le président Trump ait quitté ses fonctions », a-t-il insisté, en notant qu’il fallait tenir un « procès sérieux et équitable » et que les trois précédents ont duré 83, 37 et 21 jours.

Pour que Donald Trump soit condamné, il faudrait que le Sénat vote aux deux tiers en ce sens et que 17 républicai­ns se rangent donc du côté des démocrates. On ignore combien d’entre eux pourraient le faire. Mitch McConnell a confié à ses troupes qu’il n’avait « pas pris de décision finale » quant à son propre vote, selon CNN. Le leader aurait confié à ses adjoints qu’il estime que le président a bel et bien commis des fautes dignes d’une destitutio­n et

Pour que Donald Trump soit condamné, il faudrait que le Sénat vote aux deux tiers en ce sens et que 17 républicai­ns se rangent donc du côté des démocrates

qu’une telle condamnati­on permettrai­t de l’exclure du parti plus facilement.

Appels au calme

Donald Trump est resté discret pendant que la Chambre basse débattait de la fin de sa présidence.

Muselé par Twitter, Facebook et YouTube, il a partagé une déclaratio­n écrite en cours de journée puis un message vidéo en soirée. Mais ceux-ci ne dénonçaien­t pas une fois de plus le processus de destitutio­n. Ils appelaient plutôt au calme, alors que Washington et le reste du pays se préparent à d’autres manifestat­ions violentes en marge de l’assermenta­tion de Joe Biden.

Donald Trump a donc appelé ses partisans à « trouver des façons d’apaiser les tensions, de calmer les esprits ». « Aucun de mes sympathisa­nts n’endosserai­t la violence politique. Aucun de mes sympathisa­nts ne manquerait de respect aux autorités policières ou au drapeau américain. Aucun de mes sympathisa­nts ne menacerait ou ne harcèlerai­t ses concitoyen­s. Si vous faites ces choses, vous ne soutenez pas notre mouvement », a-t-il tranché, en condamnant l’émeute de la semaine dernière en des termes plus durs que ces derniers jours.

Le président avait qualifié mardi les démarches des démocrates à la Chambre de « supercheri­e » et de nouvelle « chasse aux sorcières ».

Il a par ailleurs au passage reproché aux plateforme­s de médias sociaux de « censurer » des Américains comme lui, dont les comptes ont été suspendus. Un effort pour prévenir les appels à la violence, mais que le président a qualifié d’« injuste » et de « dangereux ».

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MANDEL NGAN AGENCE FRANCE-PRESSE La Chambre des représenta­nts accuse le président américain d’avoir incité aux violences au Capitole de mercredi dernier.

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