Encore les impôts !
La saison des impôts est lancée avec l’envoi, ces jours-ci, de millions de feuillets fiscaux aux prestataires des nombreuses prestations temporaires liées à la COVID-19, dont la PCU, la PCUE (étudiants) et la prestation canadienne pour la relance économique (PCRE). Même lorsqu’aucun montant d’impôt n’a été retenu à la source, toutes ces prestations sont imposables. C’est la moindre des choses puisqu’elles s’ajoutent aux autres revenus gagnés dans l’année. Ceux et celles qui n’ont reçu que ces prestations en 2020 n’auront probablement rien à payer, mais pour les autres, il faudra se résigner à verser le pourcentage qui correspond à leur palier d’imposition. Car l’impôt est progressif au Canada, et dans certaines provinces plus que d’autres.
Comme le titulaire de la Chaire en fiscalité et finances publiques de l’Université de Sherbrooke, le professeur Luc Godbout, le rappelle en préambule du dernier Bilan de la fiscalité : à 38,9 % du PIB en 2019, « le poids de la fiscalité reste plus élevé ici que dans les autres provinces canadiennes et se situe dans le tiers supérieur quand on le compare aux [37] pays membres de l’OCDE ».
Quant à la façon de percevoir ces recettes fiscales, on constate que les moyens sont semblables d’un pays à l’autre, mais avec une forte préférence pour les impôts sur le revenu au Québec et au Canada comparativement à la moyenne des pays de l’OCDE, où les taxes à la consommation et les cotisations sociales dominent.
Cela dit, certains pays comme le Danemark tirent de l’impôt sur le revenu des particuliers une proportion encore plus grande que nous de leurs recettes totales (52 % contre 35 % pour le Québec), pendant que d’autres recueillent une grande partie de leurs recettes à partir des taxes à la consommation, le cas extrême étant celui du Chili, dont 53 % des recettes proviennent des taxes à la consommation comparativement à 30 % pour la Norvège et le Danemark, à 24 % pour le Québec et seulement 17 % pour l’Alberta, où l’absence de taxe de vente provinciale est sacrée.
En proportion de son PIB cette fois, si le Québec était un pays membre de l’OCDE, il se situerait au 3e rang sur 38 des nations qui accordent le plus d’importance à l’impôt sur le revenu, au sixième rang pour les impôts sur les profits, mais au 28e rang seulement pour l’importance des taxes à la consommation, dont celles qui visent à protéger l’environnement.
Que peut-on déduire de ces données ? D’abord, que le Québec hésite encore à suivre la tendance des pays de l’OCDE qui délaissent les impôts sur le revenu qui pénalisent le travail au profit des taxes à la consommation et de l’écofiscalité. Cela s’explique par le fait qu’à 15 %, la TPS-TVQ est déjà plus élevée que dans les provinces et les États voisins, mais aussi par la résistance de nos politiciens à recourir à cette forme de taxation jugée régressive malgré l’exonération des aliments et le versement de crédits (TPS et solidarité) pour compenser les ménages à revenus modestes.
De même en est-il de l’écofiscalité qui pourrait être utilisée bien davantage, notamment dans les transports.
Un autre élément majeur à prendre en considération dans l’analyse est évidemment le rôle de la fiscalité dans la correction des inégalités. À ce propos, l’étude de l’Université de Sherbrooke confirme que le Québec réussit mieux que bien d’autres provinces et pays. À titre d’exemple, alors que le groupe de 1 % supérieur de revenu a récolté 12,1 % des revenus bruts totaux du Québec en 2018, sa part du gâteau a chuté à 8,7 % une fois les impôts payés. En Ontario, la part du groupe de 1 % qui était de 14,1 % avant impôt est passée à 10,1 % après impôt.
Une autre façon reconnue de comparer les inégalités est le recours au coefficient Gini. Alors que le Québec vient au 8e rang des provinces pour les inégalités de revenus bruts gagnés en 2018, les interventions fiscales et les transferts des gouvernements lui ont permis de prendre la 3e place des provinces les moins inégalitaires cette même année, tout juste derrière le NouveauBrunswick et l’Île-du-Prince-Édouard. Et c’est au Québec que les familles à revenus modestes sont le mieux soutenues financièrement, avec l’importante nuance qu’elles y perdent énormément en crédits variés à la moindre augmentation de salaire, ce qui n’incite personne à améliorer son sort.
Sans être le modèle à suivre, le Québec et le Canada ont eu la chance d’être dirigés par des gouvernements plutôt centristes au cours des dernières années. Si plusieurs améliorations peuvent, et doivent être apportées à la façon de taxer, la sagesse commande de le faire avec jugement puisque bien des comportements individuels et collectifs en dépendent et que, même confinés, nous ne vivons pas en vase clos.