Les nouvelles règles sanitaires font mal aux transporteurs aériens
Citant les effets des nouvelles normes exigées par Ottawa pour lutter contre la COVID-19, Air Canada réduit sa capacité et annonce la compression de près de 2000 emplois
Air Canada procède à son tour à de nouvelles compressions d’effectifs à la suite de l’effet immédiat qu’ont eu les derniers resserrements des règles sanitaires des gouvernements contre la COVID-19.
Le transporteur aérien a annoncé mercredi une réduction de 25 % de sa capacité prévue pour les trois premiers mois de l’année, une décision qui se traduira par une compression d’un peu moins de 2000 employés à raison de 1700 d’Air Canada et de 200 autres de sa filiale de transport régional Air Canada Express.
La compagnie a attribué ces compressions aux gouvernements et aux conséquences de leurs « nouvelles exigences de test de dépistage avant le départ, des restrictions de voyage et des confinements provinciaux ». « Depuis la mise en oeuvre par les gouvernements fédéral et provinciaux de ces restrictions de voyage renforcées et d’autres mesures, en plus de l’obligation de quarantaine en vigueur, nous avons constaté les répercussions immédiates sur les réservations à brève échéance et pris la décision difficile, mais nécessaire, de rajuster de nouveau notre horaire et de rationaliser nos liaisons transfrontalières, antillaises et intérieures, afin de mieux tenir compte de la demande attendue et de ralentir l’épuisement du capital net », a fait valoir dans un communiqué de presse sa vice-présidente générale et cheffe des Affaires commerciales, Lucie Guillemette.
L’annonce porte à plus de 20 000 le total d’employés d’Air Canada « actuellement en mise en disponibilité ou en mise à pied technique », a-t-elle indiqué, et laissera dans le ciel à peine 20 % des vols que la compagnie offrait à pareille date l’année dernière avant que ne frappe la pandémie de COVID-19.
Air Canada s’ajoute ainsi à la liste des compagnies aériennes canadiennes qui disent avoir tout de suite ressenti l’impact de la nouvelle règle sanitaire d’Ottawa exigeant notamment, depuis la semaine dernière, la présentation d’un résultat de test de dépistage de la COVID-19 négatif pour avoir le droit de s’embarquer sur un vol à destination du Canada.
Idem chez WestJet et Air Transat
La semaine dernière, c’est WestJet qui annonçait une diminution de 30 % de sa capacité prévue en février et mars et un nouveau délestage d’environ 1000 employés. « Immédiatement après l’annonce, par le gouvernement fédéral, le 31 décembre, de ces tests en plus du maintien d’une quarantaine de 14 jours, nous avons assisté à une réduction importante des nouvelles réservations et à un nombre sans précédent d’annulations », avait alors déclaré son président et chef de la direction, Ed Sims, dont l’offre, en ce début d’année, sera ainsi de 80 % inférieure à la même période l’an dernier. « L’industrie du voyage et ses clients sont encore une fois victimes d’une politique gouvernementale qui manque de cohérence et de constance », avait-il déploré.
Interrogé mercredi par Le Devoir, Air Transat a rapporté aussi que l’ajout de nouvelles exigences sanitaires a eu « un impact important sur les réservations » et qu’on ajusterait au besoin l’offre et les effectifs. En décembre dernier, le voyagiste comptait 92 % de moins de passagers qu’au même mois l’an dernier et ce nombre « reste extrêmement limité pour le moment », a précisé par courriel une porte-parole de la compagnie, qui s’est délestée de 75 % de ses effectifs habituels.
Dialogue de sourds
Les compagnies aériennes canadiennes se plaignent depuis des mois de l’insensibilité complète des gouvernements, particulièrement celui d’Ottawa, au drame commercial qu’elles vivent depuis le début de la crise sanitaire. On voudrait notamment, à l’instar d’autres pays, avoir droit à une aide financière spéciale à l’échelle du choc subi. On en appelle aussi à des règles sanitaires moins étouffantes qui pourraient, par exemple, comprendre des tests de dépistage à l’arrivée au Canada et la possibilité d’une quarantaine écourtée dans le cas de résultats négatifs.
Mardi encore, l’Association internationale du transport aérien (IATA en anglais), la voix des transporteurs à l’échelle mondiale, dénonçait le manque d’équilibre de la réponse sanitaire des gouvernements, notamment au Canada, au Royaume-Uni, en Allemagne et au Japon. « Ils ont choisi des mesures qui vont empêcher le voyage », a déploré son p.-d.g., Alexandre de Juniac.
Dans cette affaire, plusieurs syndicats font front commun avec leurs employeurs. « Sans l’ombre d’un doute, la politique incohérente du gouvernement Trudeau à l’endroit de notre industrie a joué un rôle majeur dans ces licenciements », a estimé mercredi dans un courriel au Devoir Wesley Lesosky, le représentant des 9700 agents de bord d’Air Canada membres du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), auquel appartiennent aussi leurs consoeurs et confrères de WestJet, d’Air Transat et de Sunwing. « Depuis des mois, le gouvernement fédéral promet de l’aide, ce qui nous donne espoir, se ravise, puis nous déçoit encore. »
La veille, ce sont des associations de pilotes d’autres organisations syndicales représentant 300 000 travailleurs du secteur qui « exhortaient le gouvernement fédéral à fournir à [leur] industrie dévastée une contribution financière directe et significative, comparable à celle que d’autres pays ont apportée à leur propre secteur. »