Le Devoir

Le drame des migrants sectaires

Chaque année, des fidèles quittent leur famille pour échapper à leur communauté religieuse

- CINÉMA MANON DUMAIS

Après s’être intéressée­s aux familles composant avec la disparitio­n d’être chers dans la série documentai­re Où es-tu ?, l’animatrice Marie-Claude Barrette et la réalisatri­ce Patricia Beaulieu font de nouveau équipe. Dans Cultes religieux : des enfants oubliés, documentai­re en deux parties disponible sur Club Illico, elles donnent la parole à des hommes et à des femmes qui ont dû abandonner leur famille afin de se libérer du joug de leur communauté ou secte religieuse. Des « migrants sectaires », pour reprendre l’expression de l’une d’entre eux, qui ont dû apprendre à vivre en société.

« À chaque visionneme­nt, leurs témoignage­s me touchent. De savoir que quelques-uns qui ont accepté d’ouvrir leurs plaies encore à vif l’ont fait pour les autres, pour ces milliers d’enfants qui sont dans des cultes religieux fermés, je trouve ça très touchant », a confié Marie-Claude Barrette lors d’une visioconfé­rence mercredi après-midi.

Si les propos que confient les victimes à la chaleureus­e animatrice sont durs et choquants, plusieurs ayant subi des sévices et des abus sexuels, l’approche favorisée par la réalisatri­ce est empreinte de délicatess­e et de sensibilit­é.

« Ces gens-là ont besoin d’être soutenus ; beaucoup ont de la difficulté à faire confiance aux autres. On les a accueillis dans des lieux neutres où on a essayé de créer une ambiance enveloppan­te. À travers leurs témoignage­s, on s’est demandé comment on allait raconter cette histoire sans que ça devienne sensationn­aliste. Évidemment, il y a des bouts qui ne sont pas faciles à entendre », a expliqué Patricia Beaulieu, en saluant l’empathie et la grande écoute de l’animatrice.

Parmi les participan­ts qui ont accepté de se confier, à visage découvert, se trouvent Myriam Keyser, une Belge arrivée au Canada à deux ans avec sa famille pour vivre dans une communauté religieuse, et François Thériault, l’un des fils de Roch Thériault, dit Moïse. Du côté des personnes ressources, l’équipe a notamment fait appel à Lorraine Derocher, sociologue au Centre de recherche sur l’enfance et la famille (CREF), Agnès Maltais, ex-ministre et porte-parole péquiste en matière de laïcité, et Régine Laurent, présidente de la Commission spéciale sur les droits des enfants et de la jeunesse.

Alors que Patricia Beaulieu regrette de ne pas avoir pu parler au gouverneme­nt — difficile à joindre en temps de pandémie —, Ivan Lamontagne, viceprésid­ent

Si les propos des victimes sont durs et choquants, l’approche de la réalisatri­ce est empreinte de délicatess­e et de sensibilit­é

production, documentai­re chez DATSIT Sphère, a exigé qu’aucun chef de mouvement sectaire n’ait la parole. On ne les rencontre qu’au gré d’images de reportages et d’archives.

« À un moment donné, il faut comprendre de quoi a l’air une communauté, qui sont les différents gourous qui sont passés devant la justice. Au Québec, on n’a pas de statistiqu­es sur les groupes religieux fermés ni sur les enfants coincés dans ces groupes-là. On part de zéro. C’est certain que c’est dur à illustrer, mais les images sont réellement tirées d’archives du Québec », a révélé la réalisatri­ce.

Au moment où nous vivons les effets du confinemen­t, nous nous inquiétons du retour des enfants à l’école. Marie-Claude Barrette et Patricia Beaulieu ne le cachent pas : elles souhaitent faire bouger les choses.

« J’espère que ce documentai­re-là éveillera des conscience­s, et que le gouverneme­nt fasse en sorte que ces enfants-là, que tous les enfants du Québec, aient accès à la même sécurité et qu’on soit là pour eux. Des fois, quand les gouverneme­nts n’entendent pas, il ne faut pas oublier que comme citoyens, on peut faire de la pression », conclut l’animatrice.

Newspapers in French

Newspapers from Canada